André Isaac (1893-1975), de son vrai nom Pierre Dac, a créé le journal satirique L’Os à moelle. En tout, 109 numéros ironiques sont parus de 1938 à 1940. Anne-Marie Lazarini s’est lancé le défi de faire connaître ce journal au Festival Off Avignon 2024. Comment transférer le non-sens sur scène ? L’avis et la critique théâtre de Bulles de Culture.
Synopsis :
Ils sont trois sur scène. Chacun son bureau : la salle de rédaction de L’Os à moelle est recréée. Les Unes des journaux de l’époque, sont placardées en fond de scène. Pierre Dac, incarné par Michel Ouimet, soumet des idées d’articles à son collègue, interprété par Cédric Colas. Emmanuelle Galabru, elle, fille de Michel, nous lit des recettes, dans cette cuisine à l’humour piquant…
Le piment n’est-il pas le sel de la vie ?
L’Os à moelle au Festival Off Avignon 2024 : un chef étoilé de l’absurde
Lorsque le 13 mai 1938, le nouvel hebdomadaire de Pierre Dac, L’Os à moelle, paraît, 100000 exemplaires sont vendus dans la journée. La brigade de l’humour se met donc aux fourneaux, afin de nourrir les zygomatiques des français.
Anne-Marie Lazarini nous projette dans les effluves du chaudron de presse. Nous goûtons, alors, toutes les fulgurances de Pierre Dac : “Il vaut mieux qu’il pleuve aujourd’hui, qu’un jour où il fait beau !” Ce dernier se vantait même d’être à la tête de “l’organe officiel des loufoques”. C’est d’ailleurs lui qui a inventé le mot “loufoque”, qui entrera ensuite au dictionnaire.
Le mouvement surréaliste initié par André Breton dans les années 20, avait déjà marqué les esprits. Avec son Os à moelle, Pierre Dac prouve qu’il est un génie de la langue française. Il aime les “pitreries à poils durs”.
Dans les années 50, tout le monde se souvient de son feuilleton radiophonique Signé Furax, avec son complice de toujours Francis Blanche. Il est l’initiateur de nombreux comiques qui suivront : Devos, Coluche, Desproges, Foresti… Le Gorafi lui doit aussi beaucoup.
Un rire politique
Dès 1939, L’Os à moelle se mobilise, toujours par l’absurde. Pierre Dac ne se prive pas pour ridiculiser Hitler. Il relance le Führer qui ne paie pas ses abonnements au journal… et il explique qu’Hitler “tend toujours la main, comme pour voir s’il pleut !”
Alors que les nazis vont occuper la capitale, Pierre Dac doit fuir Paris. Le dernier numéro du journal satirique sort le 7 juin 1940 sur 2 pages. La “drôle” de guerre se termine, Pierre Dac se réfugie à Londres où il devient l’un des “français parlent aux français”.
A la fin du spectacle, Anne-Marie Lazarini fait murmurer Le Chant des partisans par ses comédiens. Les pirouettes de l’absurde ne font pas oublier la catastrophe à venir. Le journalisme de Pierre Dac était certes novateur mais surtout militant.
“Si la matière grise était plus rose, le monde aurait moins les idées noires.” Derrière l’absurde, se cache la volonté de vaincre l’inacceptable.
Notre avis ?
En adoptant le phrasé de Pierre Dac dans la pièce de théâtre L’Os à moëlle, Michel Ouimet met en valeur les élucubrations du chansonnier. Mais la lecture-contexte en début de spectacle est décevante. On aurait pu s’attendre à une mise en scène plus inventive pour servir l’humoriste. On entend heureusement un enregistrement de sa voix.
Nostalgie pour les plus anciens, découverte pour les plus jeunes de l’absurdité de ces chroniques, le rire de Pierre Dac est une forme particulière de résistance. Son humour est peut-être un peu suranné. Il écrit : “La télévision est faite pour ceux qui n’ayant rien à dire, tiennent absolument à le faire savoir.”
N’était-ce pas prémonitoire de l’usage actuel des réseaux sociaux ?
En savoir plus :
- L’Os à moelle au Festival Off Avignon 2024, au Théâtre Le Petit Chien du 29 juin au 21 juillet 2024 à 16h. Relâche les 2, 9 et 16 juillet
Mise en scène : Anne-Marie Lazarini
Interprètes : Cédric Colas, Emmanuelle Galabru, Anne-Marie Lazarini, Michel Ouimet - Durée : 1h
- Spectacle à partir de 13 ans