En sélection « Nouvelle vague féminine catalane », la 45e édition de Cinemed, festival du cinéma méditerranéen de Montpellier qui a lieu du 20 au 28 octobre 2023 propose Été 93 (Estiu 1993) de Carla Simón. La critique et l’avis sur le film.
Synopsis :
Durant l’été 1993 dans un petit village de Catalogne, Frida est accueillie chez son oncle et sa tante et leur fille de 3 ans après le décès consécutif de ses parents. Du haut de ses 6 ans d’âge, elle doit s’intégrer à cette nouvelle famille, évacuant pour un temps le traumatisme de sa situation surréaliste.
Eté 93 : émotions en symbiose
Alors que ce premier long métrage de Carla Simón est devenu le symbole du renouveau enthousiasmant de la nouvelle génération du cinéma catalan, une photo du film a été choisie pour représenter l’affiche de la 45e édition du festival de cinéma Cinemed qui se tiendra du 20 au 28 octobre 2023 à Montpellier.
En 2022, la cinéaste recevait l’Ours d’Or du meilleur long métrage au festival de cinéma de Berlin pour Nos soleils (Alcarràs), témoignant une fois de plus de la vitalité de son cinéma et de la reconnaissance qui en est faite au niveau international. La diffusion de son film actuellement sur la plate-forme Mubi constitue ainsi une belle opportunité de retrouver ce film alors qu’il bénéficie également d’une diffusion en France auprès du jeune public dans le cadre du dispositif national d’éducation à l’image École et cinéma. Ainsi, très vite ce film s’est inscrit dans une histoire du cinéma reconnue et affichée comme telle.
Autour d’un récit autobiographique, Carla Simón reconstitue une histoire à partir de ses souvenirs et de ses émotions en symbiose avec son équipe au tournage, qu’il s’agisse des enfants eux-mêmes nourrissant de leur propre imaginaire cette sensation spontanée à l’instant présent comme dans le cadre d’une nature luxuriante dans une maison à la campagne en période estivale. Ce drame vécu dépasse aussi l’histoire personnelle car la nouvelle Espagne de la transition démocratique a connu une épidémie mortelle massive de virus du SIDA.
Complicité artistique avec Dominga Sotomayor
Le film partage le point de vue de la jeune protagoniste de 6 ans avec un léger recul dans une découverte progressive de la nouvelle famille, où il est question pour elle d’accepter qu’un oncle et une tante deviennent ses parents et sa cousine sa sœur. Cet apprentissage passe par une confrontation par le dépassement de limites où est rejoué le traumatisme du tabou de la mort et la manière pour les adultes de s’y confronter par divers récits et approches, religieuses ou athées.
Ainsi, autour de cette histoire très intimiste se dévoile peu à peu un portrait beaucoup plus large et subtil de l’Espagne qui se veut post-franquiste où le désir d’une vie alternative de néo-ruraux dans les années 1980 se confronte aussi au poids d’une ancienne génération, les grands-parents, à la tradition bourgeoise et catholique.
La beauté du film doit beaucoup à la détermination de sa réalisatrice à suivre les jeux des enfants pour saisir tout le contexte social dans lequel ils sont amenés à s’intégrer. La mise en scène est brillante, qu’il s’agisse de la direction des interprètes de tous âges comme de la construction de l’image où la caméra est à hauteur des enfants en synergie avec la lumière naturelle estivale. Il en découle une approche naturaliste dans une reconstitution historique qui manifeste la fraîcheur vivifiante de la reconstitution au temps présent.
La force de résilience se construit ici de l’enfant aux membres adultes de la famille dans une interaction incessante. Cette approche est à la fois voisine et en dialogue avec celle de la cinéaste chilienne indépendante Dominga Sotomayor qui a brodé une œuvre solaire intense où le point de vue de l’enfance de son premier long métrage De jueves a domingo (2012) à Tarde para morir joven (2018). Il découle de cette complicité artistique entre les deux cinéastes ce dialogue intitulé Correspondencia (2020) qui continue à éclairer leur œuvre réciproque.
Cet article vous est proposé par le chroniqueur Cédric Lépine.
En savoir plus :
- Été 93
Estiu 1993
de Carla Simón
Fiction
97 minutes. Espagne, 2017.
Couleur
Langue originale : catalanAvec : Laia Artigas (Frida), Bruna Cusí (Marga, la tante de Frida), David Verdaguer (Esteve, l’oncle de Frida), Paula Robles (Anna, la fille de Marga et Esteve), Paula Blanco (Cesca), Etna Campillo (Irene), Jordi Figueras (Blai), Dolores Fortis (Carnissera), Titón Frauca (Cambrera), Cristina Matas (infirmière), Berta Pipó (Tieta Àngela), Quimet Pla (Gabriel), Fermí Reixach (Avi), Isabel Rocatti (Àvia), Montse Sanz (Lola)
Scénario : Carla Simón
Images : Santiago Racaj
Montage : Didac Palou, Ana Pfaff
Musique : Pau Boïgues, Ernest Pipó
Son : Eva Valiño
1ers assistants réalisateurs : Jorge Calatayud Blasco, Neus Francàs
Costumes : Anna Aguilà
Décors : Mónica Bernuy
Coiffure : Marta Arce
Supervision des effets visuels : Juanma Nogales
Direction artistique : Mónica Bernuy, Isona Rigau
Casting : Mireia Juárez
Scripte : Arnau Vilaró
Produit par : Valérie Delpierre (Inicia Films)
Coproduit par : Stefan Schmitz, María Zamora (Avalon)
Production exécutive : Valérie Delpierre, María Zamora,
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