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19-2 4 (c)Serge Gauvin
© Serge Gauvin

♥ [Interview] Rencontre avec Réal Bossé (“19-2”, 2011-2016)

Dernière mise à jour : septembre 9th, 2019 at 03:02 pm

 

“On fout le bordel dans la tête des gens,
c’est ça être un auteur.”

 

Ce regard posé sur la police de Montréal est magnifiquement signifié par une scène-clé du premier épisode. Peu considéré à son arrivée par Berrof, Chartier va être pris sous son aile par un autre flic, Tyler Joseph (Benz Antoine), pour son bizutage qui consiste à faire une tournée des bars payés par Chartier. En fin de soirée, alors qu’ils sont ivres tous les deux, Tyler propose à Chartier de rencontrer sa “femme”, “une grande dame qui coûte chère à entretenir”. Nous découvrons alors pour la première fois en plan large la ville de Montréal dont Tyler s’occupe depuis 15 ans.

“C’est la première scène que j’ai écrite. Cette scène-là, ça devait être avec Berrof mais Berrof ne veut pas se lier avec ce gars-là. Parce qu’avant Berrof était moins agressif. Il l’est devenu car on l’a tellement chargé qu’il ne peut pas être gentil, ça n’est pas possible. Il a trop de choses dans la tête pour s’ouvrir à nouveau, il veut être tout seul dans son char. Quand Tyler présente la ville, c’est ma femme, elle coûte chère. Elle coûte chère mais pas en argent. On va comprendre Tyler plus tard car Tyler aussi, c’est aussi un méchant problème. Il va se mettre en danger donc nous aussi.”
— Réal Bossé

Cette très belle scène souligne aussi la qualité d’écriture de la série qui fait partie de celles qui n’expliquent pas tout au spectateur mais le plongent directement dans l’univers de la série et le laissent découvrir au fur et à mesure les personnages et les relations entre eux. Cela peut consister en un contraste entre le comportement professionnel qu’adoptent entre eux Berrof et sa femme au travail qui est très différent de leur relation dans l’intimité. Mais ce sont aussi pour Berrof des visions fantomatiques et obsédantes de Beroff de Berrof avec Harvey (son ancien coéquipier)  ou les flashback de Chartier sur son passé de flic et sur sa vie de couple.

Et les références en séries de Réal Bossé n’y sont pas pour rien dans ce choix d’écriture.

“Il y a des séries qui m’ont sauté à la figure et j’ai compris que la télévision ne serait plus jamais pareil. C’est après 24 et Six Feet Under. Ce sont 2 séries qui ont été marquantes pour moi pour deux choses très différentes.
24 a enlevé les entrées et sorties de scènes. On est obligé de suivre, ça avance tout le temps. Et l’auteur s’en moque de savoir s’il y a des balles dans son gun, s’il y a de la batterie ou non dans son téléphone. Téléphoner pendant 24h, tu n’as plus de batterie mais je m’en fiche. Je te demande de faire des choix de spectateurs et tu acceptes ou tu n’acceptes pas.
Avec Six Feet Under, ça a arrêté de parler, ça parlait moins et ça jouait. Il y avait des plans de 3 minutes où ils ne se disent rien. Il y avait aussi des retournements de personnages : on aime Brenda [NDLR : Brenda Chenowith, le personnage interprété par Rachel Griffiths] la première saison, on se dit quel être exceptionnel. La saison 2, tu veux la tuer. C’est une malade, une jalouse, elle est insupportable.
On fout le bordel dans la tête des gens, c’est ça être un auteur. Mais je ne veux pas être un auteur qui noircit du papier, je veux raconter des histoires.”
— Réal Bossé

On retrouve aussi dans 19-2 ce que l’on aime dans nos séries préférées, le côté feuilletonnant avec les problèmes, les traumatismes, toutes les casseroles qui suivent des personnages forts, épisode après épisode.

“Les personnages que j’aime le plus, ce sont les personnages qui sont dans ces zones grises, qui sont entre le bien et le mal, qui sont là où ça va pas. Comme les gens en première ligne, par exemple, que ce soit les urgences à l’hôpital ou les ambulanciers, le SAMU ici… Ces gens en premières lignes sont affectés par leur métier et moi, j’aime ça, comme cette infirmière-chef aux urgences qui est devenue dure comme une roche et blindée presque. Ils n’ont pas le choix. Pourtant, blindé sur blindé sur blindé, tu te rends compte que le malheur humain te fait malgré tout encore quelque chose.”
— Réal Bossé
Jean-Christophe Nurbel

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