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Critique / “Perspective(s)” (2023) de Laurent Binet

La rentrée littéraire de l’automne procure le plaisir de retrouver des écrivains qui, au fil de ces dernières années, se sont fait une place solide par leur talent et leur originalité. C’est le cas de Laurent Binet dont les lecteurs ont déjà successivement appréciés HHhH en 2010, la septième fonction du langage en 2015 et Civilizations en 2019. Pour cette rentrée, il nous propose avec Perspective(s) une immersion en 1557 pour rechercher l’assassin de Jacopo de Pontormo, un peintre de Florence, poignardé alors qu’il achevait pour les Médicis la décoration de l’église San Lorenzo à Florence. La critique et l’avis sur le livre. 

Cet article vous est proposé par le chroniqueur Gilles M.

Perspective(s) : Une énigme mystérieuse

L’enquête est confiée par le duc de Florence à Giorgio Vasari, proche conseiller du duc et aussi peintre. Pour parodier, une célèbre collection de romans historiques, il est le « grand détective ». Mais c’est plutôt de Guillaume de Baskerville du « Nom de la rose » d’Umberto Eco dont il faudrait plutôt le rapprocher tant ce livre bénéficie d’un contexte historique fouillé. Comme la plupart des personnages principaux du roman, Giorgio a vraiment existé et il est surtout connu pour son ouvrage « vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes » édité en 1568 considéré comme une des publications fondatrices de l’histoire de l’art. Quant à Jocopo, la victime, l’éditeur nous propose une reproduction de ses fresques sur le rabat du livre. Le lecteur a tous les documents historiques pour comprendre les enjeux !

La tâche de Giorgio s’avère difficile : faut-il chercher du côté de peintres concurrents, de personnalités de Florence qui déteste les nus dans les tableaux, ou bien du côté de sa vie privée et de ses employés ?

Comme dans un roman de John le Carré, l’affaire se complique car des puissances étrangères rodent. Elles cherchent en permanence à déstabiliser le duc et sa famille. La France de Henri II et de sa femme Catherine de Médicis sont très actifs. A cette époque, tous les territoires d’Italie sont en guerre les uns contre les autres et sont soutenus soit par Henri II de France soit par Philippe II d’Espagne. L’auteur de « Perspectives » a la prévenance de nous fournir une carte des conflits au début du livre pour tenter de nous éclairer.

Un récit épistolaire

Tout le livre est à base de lettres, 176 exactement, une de plus que dans « Les Liaisons dangereuses » de Pierre Chorderlos de Laclos. On suit ainsi l’enquête de l’intérieur. Giorgio aime demander des conseils à Michel-Ange, très occupé par l’achèvement de la basilique Saint Pierre. Tout le monde s’écrit, Giorgio, pour faire avancer son enquête mais aussi tous les personnages secondaires : Catherine de Médicis écrit à sa nièce la fille du duc, sa nièce au page du duc dont elle est amoureuse. On conspire, on s’aime, on s’admire…Et le lecteur du roman, prenant connaissance de ces lettres comme par effraction, ne s’ennuie jamais.

Un contexte historique et artistique très présent

Dans Perspective(s) comme ce titre l’indique, il est beaucoup question d’art ! Perspectives ou au contraire disposition moins organisée des corps pour renforcer leurs réalismes ? La pape a un avis et le fait savoir. Les peintres, au service des puissants, peinent à finaliser leurs travaux.

De peinture mais aussi d’architecture. La connaissance par l’auteur des dédales du Dôme de Florence construit par Brunelleschi nous vaut le récit d’une course poursuite endiablé.

Notre avis ?

Le titre Perspectives renvoie aussi aux nombreuses approches possibles du lecteur de Laurent Binet. Selon ses gouts, il pourra se concentrer sur l’énigme et les scènes d’actions, l’histoire de Florence et au-delà de l’Italie et de l’Europe au milieu de XVI é siècle ou à l’histoire de l’art. Mais il n’est pas obligé de choisir et peut juste goûter le charme d’un roman trépidant et très bien documenté.

En savoir plus :

  • Perpective(s), Laurent Binet, Grasset, août 2023, p.304, 21,50 €
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