Dernière mise à jour : septembre 24th, 2020 at 10:10 pm
A ne pas rater en cette rentrée littéraire, Le tailleur de Relizane, où l’auteure, Olivia Elkaim, plonge dans l’histoire familiale qu’elle a toujours refusé d’affronter. En changeant de nom, durant dix ans, le temps de son mariage, elle a fui le passé et ses racines. Son divorce est un déclencheur. Elle veut reconstruire ce que son père a toujours tenté de lui transmettre. L’avis et la critique livre.
Synopsis :
Marcel, le grand-père d’Olivia, tailleur juif à Relizane, est arrêté une nuit d’octobre 1958 par des combattants du FLN. Viviane, sa femme fragile, et ses deux fils, Pierre et Jean, s’attendent au pire. Inquiétude, pleurs et lamentations cessent au retour de Marcel, trois jours plus tard.
Nul ne peut apprendre et ne saura jamais ce que fut la captivité de cet homme discret, humble, altruiste. Ce secret, il le conserve pour lui seul. Il se remet au travail mais la demande est de moins en moins forte. La clientèle déserte le magasin car des doutes apparaissent, il a du faire quelque chose pour avoir la vie sauve. Il parle l’arabe couramment, il a un apprenti arabe, Reda, à qui il confie son atelier de couture à son départ. Tout cela est suspect.
Le tailleur de Relizane, une vie d’errance à Marseille
Par petites touches, par de courts paragraphes, la vie de Marcel et des siens, ainsi que celle de son pays, se dessinent dans Le tailleur de Relizane depuis son mariage avec Viviane jusqu’à son départ forcé en juillet 1962. Il a repoussé au maximum cet exil malgré les risques encourus dans cette guerre insidieuse. Chaque journée fait des victimes dans la population avec les attentats et les assassinats commis par les défenseurs de l’Algérie française et les mouvements de libération.
Rejeté de force, avec les siens, de cette terre gorgée de soleil, de luminosité et de couleurs, il doit refaire sa vie dans un pays qu’il ne connaît pas mais pour lequel il est venu se battre durant la seconde guerre mondiale : la France. L’accueil de ceux qui ont été nommés pieds noirs est très froid, plein d’hostilité. Ils ne sont pas les bienvenus. La population métropolitaine s’avère mesquine, malveillante, profiteuse des malheurs d’autrui. Le contraste est violent d’autant plus qu’il fait s’habituer à un climat moins clément où la grisaille règne.
Il faut lutter pour continuer de vivre après une errance de Marseille à Angers où l’hébergement est digne du XIXe siècle. La famille est entassée dans une cave où règnent ; absence de chauffage, humidité, sol inondé, draps moisis, et un soupirail pour toute lumière. Les lavages familiaux se font dans une bassine collective.
Les biens envoyés par bateau, stockés à Sète, ont disparu et la voiture a été désossée. Il est impossible d’obtenir un logement social malgré la sollicitation des services sociaux, et l’interpellation des élus. Le quotidien des rapatriés, vu de l’intérieur, est parfaitement appréhendé ou imaginé grâce aux documents volumineux remis par Pierre à sa fille Olivia.
Un livre touchant et attachant
Au fil du roman, Le tailleur de Relizane, sont dévoilés les frères et sœurs de Marcel, ainsi que sa mère, Lella, restitués tels qu’ils sont, sans jugement aucun. Reconstituer la vie de Marcel permet à son fils, Pierre, de renouer avec sa fille, enfin prête à parler de la terre tant aimée de ses grands-parents : l’Algérie. Des existences bouleversées par des circonstances politiques qui continuent de marquer et de hanter durablement des générations de descendants.
Intimiste, le livre est néanmoins universel, révélateur d’une période de l’Histoire de France ou des exilés, dans leur propre nation, trouvèrent peu de sympathie et peu d’entraide. Un roman pudique, tendre, qui est une véritable déclaration d’amour à une famille déracinée qui a beaucoup souffert, dans la dignité. Compréhension, sensibilité et délicatesse, sont distillées chaque page. Un livre touchant et attachant.
En savoir plus :
- Le tailleur de Relizane, Olivia Elkaim, Stock éditions, août 2020, 352 pages, 20.90 euros
Très bien. J’ai vécu la même chose avec les miens.Déracinés à jamais….
Tout petit, je me rappelle qu’ ici le maçon du coin ne voulait pas travailler pour des pieds noirs…entre autres….