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Fable politique qui croit en la capacité de la littérature à changer le monde, Cervantès pour les chèvres, Marx pour les brebis est disponible dans vos librairies depuis août 2023. La critique et l’avis sur le livre de Pablo Santiago Chiquero.
Cet article vous est proposé par le chroniqueur Gilles M
Le livre comme thérapie
Se voir proposer un livre pour aller mieux n’est pas une idée complétement nouvelle. Déjà quelques biblio thérapeutes peuvent prescrire par exemple un livre de Marcel Proust, Victor Hugo, Georges Sand mais aussi Annie Ernaux, Delphine de Vigan, Cécile Coulon dans une « ordonnance livresque ».
Les livres proposés peuvent être contemporains mais ce sont souvent sont souvent les plus classiques de la littérature qui semblent privilégiés comme si leur résistance aux années était aussi un indice de pouvoir de guérison.
Nous sommes ici en Espagne, dans la campagne andalouse, dans les années 1930 et c’est donc naturellement que le nouveau maitre d’école du petit village d’Abra, Lazaro, propose au jeune berger Mateo, alité depuis presque 1 an par ennui et mélancolie au grand désespoir de sa mère Angélica, la lecture de la vie de l’ingénieux Hidalgo don Quichotte de la Manche de Cervantès.
Le remède est efficace et sur sa lancée le berger Mateo fait la lecture à ses chèvres et à ses brebis pour leur plus grande satisfaction, semble-il. La prescription pour animaux est plus originale. Mais il s’agit moins ici de guérison que d’augmenter les productions laitières ce qui va être même être certifié par une commission scientifique pas tout à fait sérieuse cependant.
Le livre pour la politique
L’initiative de Matteo lui apporte rapidement une grande renommée locale et plus de confiance en lui.
Un peu rêveur, un peu poète, il apparait au fil des chapitres extrêmement déterminé et tenace déployant talents de négociateur et ruses pour arriver à ses fins.
Le lecteur en découvre la preuve dans l’opération de conquête de son amie Conchita qui s’était engagée pendant la dépression de Mateo avec un autre fiancé
Lire Marx à ses brebis n’est pas sans conséquences et les idées du penseur vont infuser localement. Mateo va ainsi avoir l’idée d’un village communautaire fondé avec une vingtaine de familles. Nous suivons ces efforts pour convaincre un grand propriétaire de lui confier un terrain, pour recruter des volontaires et mettre en place une organisation originale.
Un récit nimbé de tendresse
Parions que l’auteur de ce roman, Pablo Santiago Chiquero, est un grand admirateur de Cervantès. Chaque chapitre est introduit par un court résumé comme dans le don Quichotte de Cervantès et l’auteur s’amuse visiblement à présenter les aventures de Mateo en s’inspirant du style de Cervantès.
Mateo semble parfois subir les événements et se nourrir de beaucoup d’illusions comme don Quichotte mais s’avère intelligent et sympathique. Dans la campagne qui l’entoure, la terre est fertile, les paysans vivent simplement mais heureux de leur sort. Le narrateur considère tout ce petit monde avec humour et bienveillance.
Vers la fin du récit cependant les nuages s’accumulent et l’utopie semble vaciller. C’est d’abord un décès lié peut être à l’absence de médecin dans la communauté mais surtout le déclenchement de la guerre civile espagnole en 1935.
Le roman s’achève sur l’incertitude des conséquences de cette guerre. Peut-être comme pour Don Quichotte en son temps est-ce la fin des illusions pour Mateo ?
Reste au lecteur la réalité d’un récit original et enlevé et un nouveau livre candidat à figurer dans la liste des livres qui font du bien.
En savoir plus :
- Cervantès pour les chèvres, Marx pour les brebis, Pablo Santiago Chiquero, Le Temps des Cerises, août 2023, 278 pages, 20 euros
