Juin 1942. Le quotidien de marchands de tissus va exploser. L’un d’eux se découvre juif. Comment réagir face au danger nazi ? C’est avec finesse et intelligence que la pièce coup de cœur Les marchands d’étoiles, mise en scène par Julien Alluguette au Festival Off Avignon 2024, nous dévoile les choix décisifs et historiques de chacun. L’avis et la critique théâtre de Bulles de Culture.
Synopsis :
Raymond Martineau (Guillaume Bouchède), sa femme Yvette (Stéphanie Caillol) et leur fille Paulette (Axelle Dodier) tiennent un dépôt de tissus. En cette soirée de juin 1942, ils se lancent avec leurs employés, Joseph (Julien Crampon) et Louis (Anthony Michineau), dans l’inventaire de la boutique. Mais ce huis-clos va changer leur vie.
Joseph leur apprend qu’il est juif. Et pour couronner le tout, Raymond, n’a pas demandé l’autorisation officielle de braver le couvre-feu. C’est alors que l’opportuniste milicien et collaborateur Marcel (Nicolas Martinez) frappe à leur porte.
Comment protéger Joseph sans se mettre eux-mêmes en danger ? Ont-ils tous la même opinion sur l’attitude à adopter face à l’ennemi ? Entre rire et larmes, leur destin va basculer.
Sous l’Occupation, certains collaborent, d’autres résistent, mais la majorité des français va où les hasards de vie les mènent. On ne choisit pas toujours d’être un lâche ou un héros. C’est en nous guidant par le bout des émotions, que l’auteur Anthony Michineau nous plonge, dans Les marchands d’étoiles, au cœur de cette soirée d’inventaire cruciale. C’est de vie ou de mort dont on parle.
Les marchands d’étoiles au Festival Off Avignon 2024 : un patriarche au cœur tendre
Guillaume Bouchède frappe encore très fort en incarnant Raymond Martineau dans la pièce de théâtre Les marchands d’étoiles. Avec son accent provençal à la Raimu, ce père de famille, d’apparence bourru, est pourtant soucieux du bonheur de tous. Il ne fait pas vraiment dans la nuance !
Ses méthodes toutes particulières provoquent les fous rires de la salle. Ainsi, jaloux maladif, il tient les listes des hommes qui auraient le malheur de s’approcher trop près de sa fille Paulette (Axelle Dodier) ou de sa femme Yvette (Stéphanie Caillol).
“Dire que je me lave les oreilles tous les matins pour entendre des fadaises !” Utiliser des expressions comme “se cogner le petit juif” pour se cogner le coude, ne le gênent pas. Il se vante même d’avoir obtenu le marché pour confectionner, avec son tissu, toutes les étoiles jaunes d’Europe.
Pour autant, il est prêt à sauver la vie de Joseph (Julien Crampon), son employé juif dont on a “coupé le bout !”
Une mise en scène chaleureuse
Dès que nous entrons dans la salle nous comprenons que Les marchands d’étoiles ne seront pas une expérience ordinaire. Le rideau est ouvert. Les comédiens s’activent au plateau. Ils rangent, déroulent, mesurent les rouleaux de tissus de la boutique.
La scénographie de Georges Vauraz sert au mieux ce cocon jusque-là protégé des agressions extérieures. Au son d’une vieille radio, des chansons des années 30 résonnent : Prosper, Yop la boum ou Frou frou, pendant que le public s’installe. Le décor est immersif. Nous sommes chez eux.
C’est alors que nous entendons une annonce très drôle : “Il est interdit de faire des captations sous peine que les intervenants finissent à la Gestapo.” Le ton très drôle de cette pièce est donné.
Rire à en pleurer
La force du texte d’Anthony Michineau est de nous glacer le sang. Dans Les marchands d’étoiles, Marcel le milicien (Nicolas Martinez), tel un ver dans une pomme, vient ronger l’insouciance de cette soirée d’inventaire. Il veut éliminer les “youpins au gaz, comme les cafards”. Il est aussi cynique : “Ça sert à ça les amis !”
La création sonore de Yohan Roques nous fait entendre le train qui siffle, quand Marcel les doigts gras de poulet, raconte la déportation des juifs, tout en se gavant.
L’attitude de l’employé Louis, joué par l’auteur de la pièce Anthony Michineau, interroge : “Autant être dans le camp des vainqueurs.” Par ignorance ou par peur des représailles, il adhère lui aussi au camp de Marcel. Employé modèle qui vire à la lâcheté facile. En ces temps de restrictions, ça pourrait être utile…
Enfin, la mise en scène de Julien Alluguette est très subtile. L’interrogatoire du père par la Gestapo est imaginé à la boutique par Joseph et Paulette.
Salauds ou héros, le destin de chacun bascule vite. Qu’aurions-nous fait ? Mais Les marchands d’étoiles ne virent pas au tragique. C’est la force de cette pièce qui offre une respiration comique après chaque scène où la tension est extrême. La peur s’installe à chaque coup dans la porte… Puis les nouvelles galéjades de Guillaume Bouchède provoquent les rires.
Notre avis ?
Les marchands d’étoiles sont riches en émotions. L’un des temps très forts de cette pièce est le vibrant hommage que rend Yvette, une Stéphanie Caillol très touchante, à son époux Raymond. A cet instant précis, j’aime observer le public qui, pudiquement, essuie ses larmes. Signe d’un vrai bijou théâtral !
C’est une pièce coup de cœur de Bulles de Culture.
En savoir plus :
- Les marchands d’étoiles au Festival Off Avignon 2024, au Théâtre des Béliers – Avignon du 3 au 21 juillet 2024 à 12h. Relâche les 8 et 15 juillet
- Les marchands d’étoiles se joueront au Théâtre du Splendid du 23 août 2024 au 5 janvier 2025. Du mercredi au samedi 21h, le samedi à 16h30 et le dimanche à 17h
- Mise en scène : Julien Alluguette
Interprètes : Nicolas Martinez, Guillaume Bouchède, Anthony Michineau, Julien Crampon, Stéphanie Caillol et Axelle Dodier
Scénographe : Georges Vauraz
Création sonore : Yohan Roques - Durée : 1h20
- Spectacle à partir de 10 ans