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Le Festival du Cinélatino se déroule jusqu’au 24 mars 2024 à Toulouse. Le film El Eco de Tatiana Huezo y est présenté en sélection “découvertes documentaires”. La critique et l’avis sur le long métrage.
Synopsis :
Dans la communauté rurale El Eco dans l’État de Puebla au Mexique, des enfants font l’apprentissage de la vie au fil d’une observation mimétique du monde des adultes et de la nature, au rythme des manifestations de la vie et de son interruption dans une continuité ininterrompue.
Cet article vous est proposé par Cédric Lépine
El Eco : un film sans acteur
Film ambitieux fruit d’un tournage de 18 mois et plusieurs années d’observation, El Eco de Tatiana Huezo est un film sans acteurs et actrices mais aux nombreux personnages partageant des histoires de vie singulières. Dans une démarche que d’aucuns appelleraient d’anthropologie visuelle en immersion, Tatiana Huezo réinvente une narration documentaire où l’image saisit au plus près un monde humain pris dans un ensemble qui le dépasse.
Dans El Eco, elle s’attache tout particulièrement à l’enfance et aux processus d’apprentissage dans l’affirmation de soi face à des codes sociaux durablement établis. La cinéaste témoigne d’une attention profonde au monde humain et naturel qui l’entoure et sa mise en scène sert à extraire la substantifique moelle d’une narration inhérente, sans imposer un scénario et des intentions préalables.
Le pari est risqué et laborieux mais il en résulte un film qui épouse pleinement le monde qu’il décrit, nourri notamment d’un regard qui n’est jamais neutre de la part de la cinéaste qui a toujours en tête la place de l’individu dans l’ensemble de la société.
Ainsi, l’expression des petites filles trouve spontanément le chemin de leur émancipation allant là où le monde masculin ne les y autorise pas une fois devenues adultes, à l’instar du fait de monter à cheval, reprenant implicitement la figure de l’Amazone qui s’impose dans une société patriarcale. L’espace de la sororité familiale se développe alors dans les liens intergénérationnels particulièrement affectueux dans un cadre où le père est la plupart du temps absent car réalisant un travail salarié pour plusieurs semaines de suite loin du foyer.
“Une plongée bucolique où le sens du politique est sans cesse questionné“
Entre jeux et observation attentive de ce qui les entoure, les petites filles sont filmées avec une grâce ludique non éloignée de la caméra d’Ozu, tandis que la communion avec la nature serait, en prenant toujours comme référence cinématographique, le Japon, plus proche du cinéma de Naomi Kawase.
Terminé après la réalisation de Noche de fuego (2021), son premier et unique à ce jour long métrage de fiction, El Eco semble poursuivre encore plus loin ses recherches de mise en scène avec encore plus de liberté compte tenu du cadre d’une production indépendante, où Tatiana Huezo retrouve sa complice Dalia Reyes, elle-même réalisatrice de Baño de vida (2017), sublime éloge de la sororité où la parole se libère.
Tout en convoquant à la fois la force vitale et quasi mystique du monde naturel avec une société humaine avec ses codes spécifiques, la cinéaste offre une communion totale avec la réalité qu’elle convoque grâce à une attention profonde accordée autant à l’image qu’au travail sonore, sans hiérarchie entre les deux, le tout transfiguré et souligné par le montage.
Une plongée bucolique où le sens du politique est sans cesse questionné, le tout dans le cadre d’une chronique de l’enfance.
En savoir plus :
- El Eco
de Tatiana Huezo
Documentaire
102 minutes. Mexique, Allemagne, 2023.
Couleur
Langue originale : espagnolScénario : Tatiana Huezo
Images : Ernesto Pardo
Montage : Lucrecia Gutiérrez (AMEE), Tatiana Huezo
Musique : Leonardo Heiblum, Jacobo Lieberman
Son : Martin de Torcy
Design sonore : Lena Esquenazi
Sociétés de production : The Match Factory Productions, Zweites Deutsches Fernsehen (ZDF), ARTE Deutschland, Radiola Films
Production : Tatiana Huezo, Dalia Reyes
Coproduction : Viola Fügen, Michael Weber, Doris Hepp
Productrice exécutive : Maya Scherr-Willson
