Chaïm Potok, auteur et rabbin américain, écrit en 1972 le roman Je m’appelle Asher Lev. Adaptée et mise en scène par Hannah-Jazz Mertens au Festival Off Avignon 2024, la pièce d’Aaron Posner adapte ce livre au théâtre. L’avis et la critique théâtre de Bulles de Culture.
Synopsis :
Asher Lev (Martin Karmann, en alternance avec Benoît Chauvin) grandit à Brooklyn à la fin des années 40. Ses parents Aryeh (Guillaume Bouchère) et Rivleh (Stéphanie Caillol) lui inculquent une éducation religieuse très stricte. Alors qu’il grandit dans le milieu juif orthodoxe, il se prend de passion pour le dessin.
Dès 11 ans, il arpente les musées et croque avec passion Jésus ou des Vierges à l’enfant. Ses parents sont horrifiés par ses inspirations trop imagées. Jusqu’à ce qu’un rabbin (Guillaume Bouchère) plus tolérant qu’eux, le mette en contact avec le peintre Jacob Kahn (Guillaume Bouchère).
C’est dans cet atelier qu’Asher Lev va peaufiner son talent. Il comprend alors que l’art sera sa vie. Mais devra-t-il renoncer à sa passion pour préserver ses proches ?
A travers le héros de son livre, Chaïm Potok raconte la déchirure de sa propre vie. Comment choisir entre deux piliers : la religion et l’art ? Le succès de sa toile Brooklyn crucifixion et de ses nombreux romans prouvent sa réussite. Mais à quel prix ? Tel est le propos de la pièce d’Aaron Posner, pour laquelle le comédien Guillaume Bouchède a obtenu le Molière 2024 du meilleur second rôle masculin.
Je m’appelle Asher Lev au Festival Off Avignon 2024 : deux mondes opposés
Dans la pièce de théâtre Je m’appelle Asher Lev, ce sont deux représentations du monde qui s’affrontent.
D’un côté la rigueur incarnée par le père, le psycho-rigide Guillaume Bouchède, primé pour sa brillante prestation, coiffé d’une kippa et plongé dans la Torah à longueur de journée. Sa culture hassidique le pousse à refuser tout changement. Il lance à son fils (Martin Karmann ou Benoît Chauvin) qui veut devenir peintre : “Tu aurais mieux fait de ne pas naître.”
Face au conflit père/fils, le déchirement de la mère, jouée par Stéphanie Caillol, nous trouble et nous émeut.
De l’autre côté, le camp de la tentation, de la nouveauté, de la liberté. Le personnage du peintre Jacob Kahn (Guillaume Bouchède) apprend au fils à peindre sa HAINE. Et sa collègue galeriste (Stéphanie Caillol) le prévient : “Tu seras comme une nonne dans un bordel.”
Quel prix Asher est-il prêt à payer pour vivre de sa passion ? Pourra-t-il rester fidèle à lui-même, sans trahir ceux qu’il aime ? Car finalement, c’est d’amour filial dont parle ce spectacle. Asher Lev peut-il oublier les règles et prendre son envol sans perdre cet amour précieux ?
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Une adaptation théâtrale
Ils ne sont que trois comédiens pour donner vie à tous les personnages du roman de Chaïm Potok, Je m’appelle Asher Lev. La pièce d’Aaron Posner est intelligente. Elle mêle humour et émotion.
Grâce à la mise en scène astucieuse d’Hannah-Jazz Mertens, le roman initial garde toute sa justesse et sa puissance.
Le décor de Capucine Grou-Radenez est métaphorique. La porte-fenêtre centrale symbolise l’ouverture sur le monde, une ode à la liberté de création. C’est aussi par transparence que le corps dénudé du modèle (Stéphanie Caillol) apparaît. Et les montants métalliques offrent l’une des plus belles images de la pièce : une crucifixion en contre-jour.
La musique d’Anne-Sophie Versnaeyen saupoudre la pièce de mélancolie.
La pièce d’Aaron Posner, qui donne chair à ces personnages de papier, bouscule d’autant plus nos certitudes. C’est la force du théâtre.
Notre avis ?
“J’ai sculpté un David qui vit et qui respire”, explique le peintre Jacob Kahn dans Je m’appelle Asher Lev. Ce spectacle est celui de la transmission. En ces temps troublés, où les principes religieux remettent en cause l’ART, cette pièce devient vitale.
Et si elle résonne tant en nous, c’est également que son histoire est universelle. C’est une leçon de vie pour tous ceux qui sont prisonniers des carcans familiaux. La passion, du latin “passio”, touche étymologiquement à la souffrance.
Le besoin irrépressible de créer est-il toujours une torture ? Chaïm Potok tente d’y répondre dans le 2e volet de son diptyque : Le don d’Asher Lev.
Un beau plaidoyer artistique. La pièce de théâtre d’Aaron Posner commence et termine par son titre Je m’appelle Asher Lev. L’essentiel n’est-il pas de ne pas trahir son IDENTITÉ ?
En savoir plus :
- Je m’appelle Asher Lev au Festival Off Avignon 2024, au Théâtre des Béliers – Avignon du 3 au 21 juillet 2024 à 10h. Relâche les 9 et 16 juillet
- Mise en scène : Hannah Jazz-Mertens
Interprètes : Martin Karmann, Guillaume Bouchède et Stéphanie Caillol
Costumes : Bérengère Roland
Lumières : Bastien Gérard
Musique : Anne-Sophie Versnaeyen
Décor : Capucine Grou-Radenez - Durée : 1h30
- Spectacle à partir de 12 ans