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Festival du Cinéma Américain de Deauville affiche
Affiche du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2023

La Grève hollywoodienne : les mutations du Cinéma (Table ronde Deauville 2023)

Dernière mise à jour : septembre 5th, 2023 at 10:01 pm

« Il n’y a pas de sortie de crise dans les dernières conversations », alerte Sophie Barthes, réalisatrice de « The Pod Generation ». Alors que la grève hollywoodienne des acteurs et des scénaristes bat son plein, empêchant au Festival du Film américain de Deauville de recevoir cette année quelques invités prestigieux, l’évènement organise une table ronde pour décrypter les raisons de ce mouvement de révolte.

Les revendications autour de la grève hollywoodienne

Il y a quatre mois, la WGA, regroupant les 11 500 scénaristes, a initié le mouvement face aux refus des grands studios américains et des plateformes de streaming d’accéder à leurs trois principales demandes. Celles-ci incluent la mise en place d’un salaire minimum décent, une communication claire des chiffres de consommation de chaque œuvre par les plateformes de streaming ainsi que l’interdiction de l’utilisation de l’Intelligence Artificielle (IA) dans l’écriture des scénarios.

Le mouvement a été rejoint en juillet par la guilde des acteurs (SAG-AFTRA), entrainant la paralysie de tous les tournages actuels et la promotion des films. Pour le moment, aucun compromis n’a été trouvé entre les parties, et le conflit est bien parti pour durer. « Il n’y a pas de sortie de crise dans les dernières conversations », alerte Sophie Barthes. « C’est surtout Netflix qui est très dur s’agissant des prises de position contre l’Intelligence Artificielle ».

Seule exception notable à cette fermeté des grandes majors, le studio américain A24, producteur indépendant connu pour son engagement dans la production des films d’auteurs, a accédé à l’ensemble des demandes des grévistes, pouvant ainsi continuer de tourner et promouvoir leurs futures productions.

Un cataclysme dans l’univers américain audiovisuel

Si elle persiste, cette grève hollywoodienne s’annonce comme un cataclysme dans l’univers audiovisuel: report des blockbusters américains, absence de séries américaines à la télévision pour la saison 2023/2024… et un impact économique, politique et social désastreux pour tout le secteur. Cette immobilisation générale américaine aura nécessairement une répercussion sur le marché français. Michèle Halberstadt, productrice et distributrice pour ARP Sélection, a exprimé ses inquiétudes : « alors que le secteur vient tout juste de se remettre de la fermeture liée au Covid, en l’absence de gros films américaines dans nos salles, il n’y aura plus grand-chose pour porter le marché et pousser le public français à venir au cinéma ».

Un conflit qui rappelle le passé

La grève hollywoodienne n’est pas sans rappeler la grogne des scénaristes et des acteurs de 1960 face au développement de la télévision aux États-Unis. Les grévistes de l’époque, menés par un certain Ronald Reagan, ont obtenu après des semaines de paralysie l’obtention de droits résiduels et la création d’une caisse de retraite et d’assurance maladie.

Au-delà de la rémunération…la question de l’IA

Mais comme indiqué, le conflit actuel va au-delà d’une simple question de rémunération. L’enjeu de l’utilisation de l’IA dans le processus de création est au cœur des préoccupations. « Le rêve de Marvel est de pouvoir rentrer dans la machine tous les scénarios Marvel pour que l’IA crée la suite » explique Sophie Barthes. La réalisatrice s’insurge contre cette idée : « C’est clair, on ne veut pas que du contenu humain puisse être la base de la création d’une machine ». Des propos nuancés par l’ingénieur Alexandre Pachulski, co-fondateur de TalentSoft, leader européen des applications cloud de gestion des talents et formation, qui soutient que l’IA ne peut remplacer les scénaristes, car elle « n’a pas de point de vue. Elle n’a pas d’idée nouvelle. Elle ne pourra donc jamais supplanter un scénariste». Seule solution selon lui, il revient au pouvoir politique de réguler cette IA pour éviter les dérives : « il faut mettre les politiques sur le coup pour redonner à l’IA son rôle initial : celui d’un assistant ».

Une grève des scénaristes français est-elle possible ?

Faut-il craindre une expansion de la grève hollywoodienne  aux scénaristes et acteurs français ? Xavier Lardou, directeur général de l’ADAMI (société représentant les artistes-interprètes en France) à compter du 2 novembre prochain, se veut extrêmement rassurant. « En France, les plateformes ont signé des accords avec les sociétés représentants les artistes pour qu’une rémunération complémentaire soit appliquée en fonction du nombre de visionnages ».

Pas de raison donc de s’inquiéter a priori au pays de Victor Hugo qui a érigé une place de choix à l’auteur dans le milieu de la création. La situation à Hollywood rappelle, pourtant, que les droits du créateur sont extrêmement fragiles face aux nouvelles technologies. Alexandre Pachulski conclut « En France, on réfléchit beaucoup mais on n’est pas dans la création d’outils innovants. Aux Etats-Unis, c’est l’inverse. Ce sont des savants fou qui créent des technologies sans forcément se poser la question des impacts engendrés ».

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Antoine Corte

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