Dernière mise à jour : mars 10th, 2021 at 06:08 pm
Les Misérables a été présenté en compétition officielle du Festival de Cannes en 2019. Le film de Ladj Ly, qui a co-réalisé le documentaire A Voix Haute, est la première fiction du cinéaste. L’avis et la critique film de Bulles de Culture.
Synopsis :
Stéphane (Damien Bonnard), tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris (Alexis Manenti) et Gwada (Djebil Didier Zonga), deux “Bacqueux” d’expérience. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme leurs moindres faits et gestes…
Les jeunes de cités : Les Misérables des temps modernes

En ouvrant sur la victoire des Bleus à la Coupe du monde de football en 2018, Ladj Ly montre la liesse populaire d’une France unie. Pourtant, le film Les Misérables est loin de dépeindre une nation portée par une cohésion nationale. L’évènement sportif, dépeint à la manière d’un rêve, va laisser place à une tragédie réaliste de jeunes de cités laissés à l’abandon.
A travers une métaphore filée du roman de Victor Hugo, le cinéaste nous montre qu’ils sont en fait les laissés-pour-compte des temps modernes. La violence qui emmerge de ses “enfants de cités” est le signe d’un problème social profond et le résultat d’une paupérisation. Ces exclus n’ont pas d’autre choix que de se rebeller pour faire entendre leurs voix.
Le rythme descriptif et lancinant imposé par le cinéaste en première partie frôle avec le genre documentaire dont il est issu. Le long métrage occupe en effet sa première heure à décrire le milieu social dans lequel évoluent les protagonistes. Cette ville de Montfermeil est une zone précaire où même “la pipe coûte désormais 2 euros“. Derrière un calme apparent, il se cache en réalité une bombe contre l’injustice prête à exploser.
Un final bouleversant

C’est après cette longue heure que le film Les Misérables prend véritablement une tournure de fiction. Des policiers dépassés effectuent un tir contre un enfant menotté et à l’instar du soulevement des cités en 2005, évoqué directement dans le film, cet élément est déclencheur d’un récit plus dynamique et qui ne fera que monter crescendo.
Il survient néanmoins bien trop tard dans cette oeuvre cinématographique, qui est obligée de condenser son essence scénaristique. Les péripéties s’enchainent alors trop rapidement tandis que les conflits sont balayés sans profondeur. Le cinéaste aurait pu notamment creuser davantage le besoin de rédemption du brigadier fautif. Il ne fait que l’évoquer dans une scène montrant deux policiers du service concerné autour d’une bière dans un bar.
Alors que le film est bousculé par ce changement soudain de rythme, il va cependant en devenir brillant grâce au désordre de ses scènes de conclusion. La brigade de Montfermeil est prise au piège dans une cage d’escalier et dans un délire de pétards et cocktails molotov, les vies de ses membres se retrouvent en danger.
Cette montée de violence dans l’affrontement entre jeunes et policiers est à son paroxysme et crée une tension bouleversante, similaire au final de Dheepan de Jacques Audiard, Palme d’or en 2015. Autant dire que ce jeune cinéaste de fiction est en bonne place dans notre estime pour devenir le grand réalisateur capable parler des grands oubliés de notre temps.
En savoir plus :
- Date de sortie France : 20/11/2019
- Distribution France : Le Pacte
- En compétition officielle au Festival de Cannes en 2019