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Soubresaut par François Tanguy photo
© Brigitte Enguérand

[Critique] “Soubresaut” du Théâtre du Radeau : La mauvaise rencontre de Théâtre en mai

Dernière mise à jour : avril 11th, 2019 at 05:15 pm

Se voulant onirique et décalée, la pièce du Théâtre du Radeau, Soubresaut, pourtant présentée en ouverture du festival Théâtre en mai 2018 du Théâtre Dijon Bourgogne, échoue à faire naître la magie. L’avis et critique théâtre de Bulles de Culture.

Synopsis :

Une succession de tableaux : costumes datés, superposition et surexposition d’éléments de décors, personnages en sorte de pantins. L’équipe est nombreuse, composée de Didier Bardoux, Frode Bjørnstad, Laurence Chable, Muriel Hélary, Ida Hertu, Vincent Joly, Karine Pierre et Jean Rochereau. Cela permet de soutenir un rythme très vif. Ajoutez des passages musicaux empruntés à la musique classique, Jean-Sébastien Bach, Georg Friedrich Haendel. Joignez à cela de gros morceaux de textes, Ovide, Frantz Kafka ou Paul Valéry. Il est difficile de vous donner une idée plus précise de ce que qu’est Soubresaut.

Soubresaut : un début prometteur

Les tableaux qui ouvrent la pièce Soubresaut sont de toute beauté. On sent tout le talent dont est capable François Tanguy dans l’art de la mise en scène. Harmonie entre la musique, la chorégraphie, les décors, les costumes. Une légère dérision ironique qui sublime le tout. On est tout empli-e de fierté d’avoir pris son ticket, prêt-e pour le voyage et l’aventure qui nous attend.

Il faut dire que l’ensemble est en outre impressionnant. Tables en équilibre, jeux de bascule, les personnages glissent sur ces meubles comme sur des toboggans. En quelques mouvements bien orchestrés, le décor glisse et change. Tout ce bric-à-brac visuel se réorganise à l’infini dans des figures aussi nombreuses qu’audacieuses. Tout cela a un aspect fascinant indéniable et force l’admiration, l’intérêt et la curiosité.

Un dédale dans lequel on se perd

Très vite pourtant, quelque chose se grippe dans le mécanisme de ce Soubresaut. Peut-être est-ce l’arrivée du premier passage de texte qui sème le doute. Ânonné, à peine articulé, le texte — difficile d’accès qui plus est — requiert un effort extrême pour être suivi. De même, les tableaux s’enchaînent, sans qu’on puisse leur trouver une logique ou un sens. Les mouvements incessants de décor tournent au labyrinthe. Les objets ne cessent de se superposer, de se surimposer. Mais en dehors de l’aspect spectaculaire, il est difficile de justifier cette scénographie hyperactive. Soubresaut semble davantage chercher la prouesse technique que la construction d’un sens global, d’un fil directeur.

Certains passages de texte relèvent en outre du supplice. Le monologue a certes son charme, quand il est habité, incarné, vivant, quand le texte est audible, mais au lieu de cela, on assiste à une succession d’extraits récités avec tout le ton monocorde qu’il est possible de mettre en œuvre pour décourager l’écoute et l’attention. Si c’est un effet de style, on ne peut que se demander vraiment vers quel objectif il tend. On entend alors la salle soupirer, murmurer qu’elle ne comprend rien, qu’elle espère que c’est bientôt la fin. Les plus téméraires – ou les moins courageux ! – se lèvent et partent.

On se dit alors que ce trop de conceptuel, d’abstraction, d’hermétisme tue le concept initial qui pouvait, lui, avoir du sens. Tout est trop dans Soubresaut. Tout est lourd. S’il y avait un sens à trouver, Soubresaut l’a soigneusement dissimulé dans un recoin sombre de ses dédales. Si c’est l’absurde qui devait apparaître, la simplicité lui aurait fait grand bien.

Quand Soubresaut en arrive à son dernier tableau, on ne sait toujours pas ce que l’on a voulu nous raconter, nous faire comprendre, nous faire penser. On sort sur l’amertume de la perplexité jusqu’au moment où la gêne tacite se rompt, que voisins et voisines se confient leur déception, leur embarras, s’avouent mutuellement s’être profondément ennuyé-e-s… Quelle frustration ! Rarement le public n’aura été aussi unanime dans son dépit, de souvenir de spectatrice…

En savoir plus :

  • Soubresaut a été joué dans le cadre du festival Théâtre en mai 2018 au Théâtre Dijon Bourgogne du 25 au 29 mai 2018. Relâche le 27
  • Soubresaut est joué du 13 au 16 juin 2018 à La Fonderie (Mans, France)
  • Durée du spectacle : 1h20
Morgane P.

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