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Fiertés de José Caltagirone, Niels Rahou et Philippe Faucon affiche

Critique & Interviews / “Fiertés” (2017) : la première série de Philippe Faucon

Dernière mise à jour : février 26th, 2020 at 12:47 pm

Diffusion ce jeudi 3 mai 2018 sur ARTE de la mini-série Fiertés, écrite par José Caltagirone, Niels Rahou et Philippe Faucon. L’avis et la critique série de Bulles de Culture sur la première mini-série réalisée par Philippe Faucon, César du Meilleur film en 2016 pour Fatima, et notre interview de l’équipe.

Synopsis :

Printemps 1981. À la veille de l’élection présidentielle, Victor (Benjamin Voisin), 17 ans, prépare son bac entre sa petite amie Aurélie (Lou Roy-Lecollinet) et le chantier sur lequel il travaille les week-ends, sous la direction de son père Charles (Frédéric Pierrot), ardent partisan de Mitterrand. Un jour, lui et Selim (Sami Outalbali), le fils du contremaître, nouent une relation amoureuse secrète. Charles les surprend mais, choqué, rejette la responsabilité sur Selim qu’il licencie. Au lycée, la rumeur et les sarcasmes se répandent à l’encontre de Victor. Perdu et blessé, le jeune homme s’efforce de refouler ses désirs sous la pression de son père et malgré le soutien silencieux de sa mère, Martine (Emmanuelle Bercot). Il finit par s’aventurer un soir vers un lieu de rencontres entre hommes et y rencontre Serge (Stanislas Nordey), un militant de la cause gay de vingt ans son aîné. Leur relation va peu à peu obliger Victor à assumer son homosexualité. Surtout que son père, contrairement à sa mère, exige qu’il choisisse entre eux et Serge…

Fiertés : une histoire familiale et politique en trois temps

“On a eu l’idée de Fiertés après les évènements de 2013 autour de la question du Mariage pour tous, nous a expliqué le coscénariste Niels Rahou lors d’une rencontre presse autour de la série. C’est quelque chose qui transcendait la sphère politique et publique et qui était extrêmement violent d’un point de vue personnel pour beaucoup d’homosexuels qui voyaient qu’une partie de la société était capable de protester et de perdre du temps à marcher dans la rue pour lutter contre des droits qui auraient dû être acquis. Car ce ne sont pas des droits supérieurs ou des faveurs donnés au LGBT mais donner un même droit pour tout le monde”.

De ce point de départ, les scénaristes Niels Rahou et José Caltagirone, rejoints plus tard par l’auteur-réalisateur Philippe Faucon, ont déployé une fresque sur une trentaine d’années où à travers le destin d’un jeune homme confronté à sa famille et à son environnement à cause de son orientation sexuelle, se jouent en toile de fond les combats des droits pour les homosexuels. De 1981 (manifestation pour les droits des homosexuels) à 2013 (loi du Mariage pour tous), en passant par les années 2000 (le PACS), la mini-série Fiertés questionne la famille, la transmission et la continuité.

Trois personnages au centre de l’histoire

Le personnage de Victor

Interprété par Benjamin Voisin puis par Samuel Theis, Victor est le personnage principal de la mini-série Fiertés. Il est chassé par son père après avoir fait son coming-out, il entretient une relation libre avec son compagnon séropositif puis il devient père de famille et reproduit le même schéma qu’il a rejeté avec les problèmes de communication avec son enfant. “Victor est pétri de contradictions, nous a expliqué Samuel Theis. Il a envie à la fois de s’assumer en tant qu’homosexuel mais en même temps, c’est quelqu’un qui a plutôt envie de rester invisible. Donc ce n’est pas un militant dans l’âme, c’est quelqu’un qui n’a pas forcément envie de prendre à bras le corps ces combats-là et qui ne se retrouve pas du tout dans la figure et les positions politiques du personnage de son compagnon, Serge. C’est aussi une série qui parle de la famille et de l’homosexualité en tant qu’identité et donc de ce temps et de ce parcours qu’on doit traverser pour devenir quelqu’un, pour se découvrir et pour se révéler en tant que personne”.

Le personnage de Charles

Et dans ce chemin que va parcourir Victor tout au long de cette mini-série, il y a cette première figure importante, Charles, son père. C’est un personnage passionnant à plus d’un titre parce qu’il va évoluer tout au long de la série et que son regard sur l’autre va évoluer. C’est un homme qui “a beau être anti mais il a de l’humanité. C’est aussi un père, il y a de l’amour, nous a confié son interprète Frédéric Pierrot. C’est quelqu’un qui se croit ouvert, porteur d’une histoire, d’une tradition de luttes, de reconnaissance de droits… et qui en fait, porte en lui-même des préjugés dont il n’a pas conscience. C’est un personnage qui s’est fait lui-même, qui est issu d’un milieu ouvrier et qui ne pense pas avoir lui-même un regard stigmatisant, en particulier par rapport à son fils. (…) Son parcours est celui de l’apprentissage de la tolérance et ça dépasse la question de l’homosexualité, même si c’est bien évidemment le sujet de la série”.

Le personnage de Serge

Enfin, en plus d’une histoire familiale, Fiertés est également une histoire de couple, celui formé par Victor avec Serge. “C’est un personnage qui n’est jamais moteur, jamais au premier plan, c’est un personnage en embuscade, comme en ombre des autres, nous a glissé le comédien de théâtre Stanislas Nordey qui interprète ce personnage. C’est quelqu’un qui écoute, c’est quelqu’un qui est là”. Et de part sa différence d’âge, il est aussi l’autre figure importante dans l’évolution de Victor qui est alors perdu au départ entre son désir naissant pour les hommes et son souhait de ne pas déplaire à son père et risquer de briser sa famille. “C’est intéressant d’avoir une figure de mentor, de quelqu’un qui a déjà traversé ce que Victor s’apprête à traverser dans le premier épisode, ne serait-ce que pour lui permettre de poser cette question à Serge : ‘Comment ça s’est passé pour toi ?’ C’est une question importante dans la vie des jeunes homosexuels avec la peur et la recherche de réponses à propos de la famille. Et en 1981, avant internet, les occasions de poser cette question ne sont pas aussi nombreuses que ça. Et la scène est très belle quand Victor lui dit qu’il a peur et qu’il s’effondre dans ses bras. Parce que tout arrogant et jeune qu’il est, Victor est paniqué, terrifié. C’était donc bien d’avoir cette figure plus âgée, plus expérimentée”.

Une mini-série chorale passionnante

La mini-série Fiertés mêle avec brio la grande et la petite histoire. Elle nous conte ainsi sur trois décennies l’histoire d’un père et de son fils, l’histoire d’un couple et l’histoire d’un combat pour les droits de minorités sexuelles qui continuent de diviser la société. Avec des cadres qui laissent de l’espace à ses personnages et un casting composé d’excellents comédiens, le réalisateur Philippe Faucon nous plonge ainsi avec réussite dans une part intime — notamment quand le père devient grand-père et que le fils devient père et que leur approche de la vie change complètement — et publique de l’Histoire de France. Bref, une mini-série passionnante à ne pas manquer.

Est-ce que la série Fiertés pourrait avoir une suite, une sorte de saison 2 ? Pour le coscénariste Niels Rahou, même si cette mini-série est finie en ce qui concerne ses personnages, elle n’est pas vraiment close “parce qu’on n’a pas atteint la fin d’un chemin avec l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Il reste encore beaucoup de choses à faire avec tous les débats sur la PMA (Procréation médicalement assistée), la GPA (Gestation pour autrui), sur les droits des transsexuels…”. Et d’ajouter pour conclure : “Un acquis social est quelque chose qui peut se perdre, il faut se battre tout le temps et rester toujours vigilant”.

Propos recueillis à Paris le jeudi 29 mars 2018.

En savoir plus :

  • Fiertés a été diffusé sur ARTE le jeudi 3 mai 2018 à 20h55
Jean-Christophe Nurbel

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