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L'oiseau vert de Compagnie des Asphodèles affiche

♥ [Critique] “L’oiseau vert” : une pure merveille

Dernière mise à jour : septembre 4th, 2019 at 10:09 am

Entre commedia dell’arte, onirisme et conte moral, la Compagnie des Asphodèles livre avec L‘oiseau vert un spectacle riche, dense et splendide au festival Avignon Le Off 2018. L’avis et critique théâtre de Bulles de Culture sur cette pièce coup de cœur.

Synopsis :

Renzo et Barbarina, jumeaux du roi Tartaglia, ont été condamnés à mort par la malice de leur méchante grand-mère Tartagliona et sont recueillis par un couple de charcutiers. Devenus grands, les jeunes gens sont de fervents philosophes, nourris à la philosophie des Lumières ; mais ils sont chassés par mesure d’économie par leur père adoptif Truffaldino et rejettent l’affection de leur mère adoptive Smeraldina. Les voilà partis sur les chemins…

L’oiseau vert au festival Avignon Le Off 2018

L'oiseau vert de Compagnie des Asphodèles photo 3
© D.R.

Sous la direction artistique de Thierry Auzer et dans une mise en scène de Luca Franceschi, l’univers que crée la Compagnie des Asphodèles Serge Ayala, Marie Coutance, Paolo Crocco, Gaëlle Konaté Valentin, Nathalie Robert et Frédéric Tessier — avec L’oiseau vert est à la fois composite et fascinant. Reprenant un texte de Carlo Gozzi, auteur italien du XVIIIe siècle, le groupe prend le parti de l’onirisme et de la fantaisie. C’est ce qui fait la force de Gozzi face à son contemporain et concurrent Carlo Goldoni, d’après la compagnie lyonnaise, et la démonstration qu’ils en font avec cette nouvelle création est convaincante et saisissante.

Ainsi L’oiseau vert fait apparaître certains personnages du répertoire de la commedia dell’arte, tels Tartaglia, Smeraldina ou Truffaldino, qu’il intègre dans la structure d’un conte populaire “classique” : des enfants destinés à être tués sont recueillis et partent à la quête de leurs origines quand la vérité leur est dévoilée.

Cette dimension populaire est renforcée par l’intervention du merveilleux : l’étrange oiseau vert auquel Barbarina s’est attachée qui montre vite un pouvoir extraordinaire ou les deux jumeaux qui parviennent par le jet d’une pierre magique à faire surgir un palais. L’imagination de Carlo Gozzi n’a d’égale que l’inventivité de la Compagnie des Asphodèles pour faire entrer la magie et l’imagination sur scène.

Quand la philosophie et la morale s’en mêlent…

L'oiseau vert de Compagnie des Asphodèles photo 2
© D.R.

Si la philosophie est au cœur de L’oiseau vert, c’est d’abord par l’intérêt démesuré des deux jumeaux à son égard. Cette philosophie est moquée par l’auteur : on voit les jumeaux faire la démonstration à leur mère adoptive que sa charité n’est qu’amour-propre, que tout acte charitable est intéressé. La scène sidère et grince.

Les deux contempteurs se révèlent cependant des monstres d’égoïsme, remplaçant l’être par un avoir impossible et absolu dès le moment où la Fortune leur sourit et ravis d’humilier pour contempler davantage le spectacle de leur prétendue grandeur. Faire la morale est toujours plus évident que se l’appliquer, L’oiseau vert nous le rappelle brillamment, et si l’adage est d’une éternelle actualité, on peut penser que ce sont les philosophes des Lumières que Carlo Gozzi place dans son viseur.

La statue du philosophe Calmone s’adressant à eux paraît même être la réécriture parodique de celle du Commandeur dans le Dom Juan de Molière (1665) tout juste un siècle plus tard, ou de celle du Don Juan de Carlo Goldoni, datant de 1730. Bien plus d’ironie chez notre Gozzi à montrer un philosophe reconnaissant avoir été pétrifié par son cœur de pierre, malgré son esprit éclairé, que chez ses prédécesseurs. Et davantage de recul critique.

L’oiseau vert : une synergie de groupe extraordinaire

L'oiseau vert de Compagnie des Asphodèles photo 1
© D.R.

Fidèle à l’esprit des troupes de la commedia dell’arte, la Compagnie des Asphodèles donne une atmosphère de troupe indéniable et formidable à son spectacle. Chacun-e est tour à tour protagoniste ou petite main qui fait ou défait le décor. Ce décor-là est uniquement constitué d’éléments métalliques, ce qui crée un contraste réussi avec les costumes merveilleux et l’imagination foisonnante qui se dégage du spectacle.

Comme nous l’avions déjà observé dans Le Quatrième mur, leur création présentée au festival Off 2017, chaque changement de décor de L’oiseau vert est accompagné d’un chant polyphonique pris en charge par l’ensemble du groupe. Cela tend à ancrer ces changements au cœur du spectacle, à jouer aussi de la mise à distance de la pièce en train de se jouer.

Cet effet de mise en abime permet un recul critique, une mise en valeur sublime de la réflexion portée par la Compagnie des Asphodèles sur le rôle et la portée subversive du théâtre. Par cette réactualisation pertinente et fine de la pièce de Carlo Gozzi, L’oiseau vert impressionnera les plus jeunes et ravira les plus grands, éblouissant chacun-e-s par la richesse et la densité du spectacle proposé. Pièce de théâtre coup de cœur de Bulles de Culture, nous souhaitons à cet oiseau vert qu’il puisse déployer partout ses ailes magiques et somptueuses.

En savoir plus :

  • L’oiseau vert a été joué au Festival Avignon Le Off 2018, au Théâtre Les 3 Soleils du 6 au 28 juillet à 22h20. Relâche les 9, 16, 23
  • L’oiseau vert au Festival Avignon Le Off 2019, au Pandora Théâtre, du 5 au 14 juillet à 19h10. Relâche le 8 juillet
  • Tournée 2019-2020 en France : 7 décembre 2019 à Entracte à Boëge ; 7 janvier 2020 à Montélimar ; 17 avril 2020 au Karavan théâtre (Chassieu) ; 28 avril au Théâtre Olympe de Gouges (Montauban) 
  • Durée du spectacle : 1h30
  • Une pièce de théâtre à partir de 7 ans
  • Site de la Compagnie des Asphodèles
Morgane P.

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