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JAMAIS PLUS par Geoffrey LOPEZ affiche Avignon Le Off 2018

♥ Critique / “Jamais plus” de Geoffrey Lopez : une pièce bouleversante

Dernière mise à jour : juillet 8th, 2022 at 08:11 am

D’une manipulation facile à une prise de conscience douloureuse, l’auteur et metteur en scène Geoffrey Lopez dessine dans Jamais plus le portrait d’un jeune Allemand résistant dans le mouvement de la rose blanche. Un spectacle tout à fait épatant vu au festival Avignon Le Off 2018. L’avis et la critique théâtre de Bulles de Culture sur ce spectacle coup de cœur.

Synopsis :

Franz Weissenrabe (Antoine Fichaux) est un jeune garçon quand Adolf Hitler arrive au pouvoir. Attiré par ce que lui offrent les Jeunesses hitlériennes que ne peuvent lui apporter ses parents, il se laisse séduire par le rôle que lui permet de prendre le mouvement. Il devient alors un bon soldat du régime nazi, persuadé d’incarner l’idéal aryen que défend le Führer.

Son exaltation le pousse à dénoncer son père qui cache des Juifs. La violence de l’arrestation qui a lieu chez lui va toutefois le saisir et réveiller sa conscience. Dès lors Franz porte sur le régime nazi un regard révolté, qui va le conduire à rejoindre la résistance.

Jamais plus : un monologue bouleversant au festival Avignon Le Off

JAMAIS PLUS par Geoffrey LOPEZ photo 3
© Léo Paget

Munich dans une cellule, 1943. Franz a été arrêté et rédige un carnet qu’il destine à sa mère dans lequel il se raconte une dernière fois.

C’est donc un seul en scène que propose Jamais plus. Antoine Fichaux incarne Franz avec un talent incroyable :

  • il nous fait trembler quand il raconte le temps de son embrigadement ;
  • pleurer quand il rapporte la mort du frère aimé, celui-là même qui lui a fait rencontrer ces amis formidables assoiffés de liberté ;
  • frissonner de crainte quand il évoque le temps de l’action résistante, périlleuse évidemment ;
  • vibrer d’émotion quand il narre les interrogatoires et le procès.

Construit autour d’allers-retours permanents entre narration et temps de l’écriture, Jamais plus transperce vos chairs pour vous serrer le cœur.

La sobriété de la mise en scène, la justesse avec laquelle Antoine Fichaux joue Franz, tout magnifie le texte splendide écrit par Geoffrey Lopez.

Jamais plus, c’est en effet un texte superbe, au style à la fois simple et grand, qui éclate sur scène d’une puissance extraordinaire. Ciselé de répétitions, d’images fortes et belles, exploitant toute la palette du lyrisme et du polémique, le texte résonne haut et beau.

Le talent de son auteur est manifeste.

Une pièce historique admirable

JAMAIS PLUS par Geoffrey LOPEZ photo 2
© Léo Paget

En créant ce personnage de fiction, Geoffrey Lopez rend hommage aux jeunes gens sacrifiés de La Rose blanche, notamment aux pétillants Hans et Sophie Scholl.

Jamais plus est précis dans ce qu’il décrit de cette époque troublée :

  • organisation des Jeunesses hitlériennes ;
  • mobilisation des étudiants en médecine sur le front Est ;
  • naissance du mouvement de résistance de La Rose blanche.

Jamais plus permet aussi de montrer, de rappeler, comment on manipule les masses, en commençant par les enfants.

Remplacement des enseignants pour qu’il ne reste plus que des personnels favorables au régime, organisation d’activités qui réjouissent les enfants, les adolescents, en créant une fraternité pétrie d’un patriotisme exacerbé et et démagogique.

L’exaltation qu’incarne avec brio Antoine Fichaux au début de la pièce est la juste démonstration de ce processus d’embrigadement.

Jamais plus : un appel à l’éveil des consciences

JAMAIS PLUS par Geoffrey LOPEZ photo 1
© Léo Paget

Geoffrey Lopez analyse ensuite le mouvement inverse, celui de la prise de conscience, de la libération du libre arbitre, et du chemin vers l’engagement, vers l’action résistante. La culpabilité qui naît du drame, la honte d’une gifle portée sans un mot par la mère, la volonté de réparer l’erreur fatale.

Jamais plus décrit alors un premier engagement, celui du choix de la médecine comme façon de servir ceux qui en ont besoin.

Le second engagement est plus long, plus tortueux, passant par la joie d’appartenir à un groupe, de militer pour l’éveil des consciences en distribuant des tracts, le besoin aussi d’être à la hauteur du frère aimé et mort, de réparer aux yeux du père le terrible tort commis.

L’émotion atteint son paroxysme quand notre personnage décrit les interrogatoires, les limites qu’il se donne, la fierté qui est la sienne de déplacer un haut dignitaire nazi et un fameux bourreau, et le regret de ne les avoir pas déplacés pour une action plus éclatante. Le procès s’achevant sur une déclaration prophétique qui dessine une boucle avec l’ouverture de Jamais plus et donne enfin à voir la force magnifique de l’individu qui sait intimement qu’il est dans le bon camp.

Il est bon, salutaire, essentiel de se souvenir que des Allemands ont été dans ce camp-là.

La rédactrice de ces lignes a encore les larmes aux yeux quand elle se souvient de cette voisine allemande, Rosa, qui leur racontait, à sa sœur et à elle, son père résistant qui les levait la nuit pour préparer en secret des pains qu’ils portaient en cachette près du lieu où les prisonniers français étaient au travail forcé.

La rédactrice de ces lignes s’en souvient d’autant plus que son grand-père, prisonnier en Allemagne, a été recueilli avec bonté et fraternité par la famille allemande où il avait été envoyé. Ce qui pour elle dessine la même boucle que la déclaration finale et prophétique de Franz.

Notre avis ?

Jamais plus est, vous l’aurez compris, un spectacle à ne manquer sous aucun prétexte. C’est une pièce de théâtre coup de cœur de Bulles de Culture.

En savoir plus :

  • Jamais plus au Festival Off Avignon 2022 au Théâtre Episcène – Avignon, du 7 au 30 juillet à 11h40. Relâches les 11, 18, 25 juillet
  • Jamais plus au Festival Avignon Le Off 2019, au Théâtre du Roi René du 5 au 28 juillet à 11h. Relâche les 10, 17, 24 juillet
  • Jamais plus au Festival Avignon Le Off 2018, au Théâtre du Roi René du 5 au 29 juillet 2018 à 11h. Relâche les 11, 18, 25 juillet
  • Durée du spectacle : 1h10
Morgane P.

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