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Bérénice 34-44 par Pierre-Olivier Scotto photo 1
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♥ [Critique] “Bérénice 34-44” : d’une Bérénice à l’autre

Dernière mise à jour : novembre 12th, 2019 at 04:55 pm

La vibrante Violette Erhart nous entraîne, avec Bérénice 34-44, sur les pas de Bérénice Kapelouchnik avec une énergie époustouflante. Un très beau spectacle au festival OFF d’Avignon 2018. L’avis et la critique théâtre de Bulles de Culture sur cette pièce coup de cœur.

Synopsis :

En 1934, Bérénice Kapelouchnik, jeune fille juive, force la main de son père — et de son destin — et se présente au concours d’entrée du Conservatoire d’art dramatique. Reçue première, elle choisit le théâtre contre son père qui la renie. Elle entre et brille à la Comédie française, épouse un jeune compositeur allemand qui appartient aussi à la Maison de Molière. Mais sous l’Occupation, les Juifs sont sommés de quitter le Français. C’est alors que le théâtre doit prendre le second rôle dans la vie de Bérénice.

Bérénice 34-44 au festival OFF d’Avignon 2018 : un destin romanesque

Bérénice 34-44 par Pierre-Olivier Scotto photo 2
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Ce qui frappe dans Bérénice 34-44, c’est la dimension éminemment romanesque — à moins qu’elle ne soit théâtrale ! — du destin qui nous est présenté. Adapté de l’œuvre d’Isabelle Stibbe, Bérénice 34-44 met en valeur ces petits détails ou ces grandes lignes qui appartiennent aux grands romans.

Aussi voit-on la jeune fille éprise de théâtre réussir à la première place le concours d’entrée au Conservatoire, son père déchire alors sa veste en signe de reniement, elle est prise sous son aile par une riche aristocrate qui l’entretient secrètement et dont elle prend le nom. Devenue Bérénice de Lignières, sa judéité est de fait inconnue du public. Mais elle est dénoncée et exclue de la Comédie française. Elle est ensuite arrêtée au cours d’un contrôle d’identité alors même que ses faux papiers n’avaient pas éveillé le soupçon. Voilà pour les grandes lignes.

Quant à s’appeler Bérénice en hommage au personnage de Jean Racine évoqué tant de fois dans les tranchées par un instituteur qui s’est battu avec son père, on peut dire que le hasard est beau pour celle qui aura la chance d’incarner la princesse de Judée. Et le hasard sait se prendre au jeu puisqu’il aboutit à une autre tragédie, l’arrestation et la déportation de la jeune femme.

L’heure des choix

Bérénice 34-44, c’est une pièce qui s’articule autour de choix forts. Et celui d’épouser le théâtre n’est pas anodin pour l’héroïne, car reniée par son père, elle renie aussi la judéité qu’elle refuse de porter comme un fardeau. Le fardeau la rattrape cependant quand elle est exclue de la Comédie française parce qu’elle a refusé de démissionner alors que d’autres s’y sont soumis.

Une fois reconnue comme juive elle doit de nouveau choisir, rester ou rejoindre son mari parti en Espagne et qui veut les emmener en Amérique. Elle reste. Se cache. Puis seulement plus tard décide de résister. De résister parce qu’elle ne peut plus jouer. Et c’est avant toute action de résistance qu’elle est arrêtée.

Bérénice 34-44  : une interprétation exceptionnelle

Outre le fait que l’histoire que nous raconte Bérénice 34-44 est extraordinaire et fascinante, ce qui fait la réussite du spectacle, c’est l’époustouflante interprétation de Violette Erhart. Seule en scène, elle joue tous les interlocuteurs de Bérénice dans les dialogues avec talent. Son énergie traduit aussi à merveille la fougue de Bérénice dans son engagement pour le théâtre. Quelques costumes, un peu de décor, mais surtout et avant tout sa brillante interprétation.

On comprend le plaisir qu’il doit y avoir pour une jeune comédienne à jouer un tel rôle, à interpréter un grand nom du théâtre de la Comédie française ; on imagine aussi ce que cela doit mettre comme pression. Car il faut égaler l’autre en quelque sorte. Nul doute que Bérénice a trouvé une belle disciple en tout cas, et que le défi est brillamment relevé !

Portant l’ensemble de Bérénice 34-44 sur ses épaules sans jamais faillir, Violette Erhart nous transporte avec vivacité et efficacité dans le Paris des années 30, dans les affres de la guerre, dans les coulisses de la Comédie française, d’abord éblouissantes puis nettement plus sombres lorsque l’organisme se soumet aux ordres du gouvernement de Vichy.

C’est une sacrée page d’Histoire en plus d’une belle histoire que nous fait vivre intensément Violette Erhart. Et nul doute que Bérénice 34-44 saura convaincre adolescents et adultes, et mériterait de rencontrer un large public. C’est une pièce de théâtre coup de cœur de Bulles de Culture.

En savoir plus :

  • Bérénice 34-44 se joue au festival Avignon Le Off 2019, au Théâtre du Rempart du 5 au 28 juillet à 10h
  • Bérénice 34-44 a été joué au festival Avignon Le Off 2018, au Théâtre de la Carreterie du 6 au 29 juillet à 20h45. Relâche les 10, 17, 24 juillet
  • Durée du spectacle : 1h15
Morgane P.