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Série Series - Todd A. Kessler et Eric Rochant
© Jean-Christophe Nurbel
Bulles de Culture

#SerieSeries, Regards croisés Todd A. Kessler (Bloodline) & Éric Rochant (Le Bureau des Légendes)

Dernière mise à jour : avril 11th, 2019 at 04:29 pm

De l’importance du pilote…

 

SF : Sont-ils intervenus pendant le développement ?

ER : Je ne sais pas si c’est pareil aux US mais en France, le premier épisode est le plus critique, le plus important. C’est sur lui qu’ils disent oui. Canal+ les lance par deux donc les deux premiers sont importants mais le premier est encore plus important. Qui plus est, le premier quart d’heure du premier épisode est encore plus important. On a 10 pages de notes sur ce premier quart d’heure, 5 pages pour le premier épisode. C’est une vraie bataille, une guerre sur ce premier quart d’heure et ce premier épisode. J’ai donc été le réalisateur du premier épisode et cela a été très douloureux pour moi. Pour moi, le premier épisode est toujours le plus mauvais, le plus difficile à faire. Pour un film, les trois premiers jours de tournage sont à mettre à la poubelle donc il faut essayer de ne pas faire de scènes trop importantes car les acteurs et le réalisateur ne sont pas encore chauds. Pareil pour une série. Les pilotes donnent envie mais ce ne sont pas les meilleurs. Donc j’ai réalisé le premier, j’ai fait toutes les erreurs et je m’en suis pris plein la gueule. Mais je m’y attendais car il y a une énorme peur chez Canal+ de ne pas rater ce premier quart d’heure. Ce que je comprends car il y a une vraie importance stratégique derrière. Est-ce que c’est pareil pour vous ?

TAK : Je suis d’accord avec Eric, le pilote est un vrai challenge, tout est nouveau. Pour moi, cela donne le ton de la série et le feeling que l’on veut donner, l’univers que l’on veut. C’est une grosse expérience d’apprentissage. Aux US, on fait typiquement un épisode et le network fait plein de tests d’audience, parfois pendant presque un an, avant de décider s’ils achètent toute la série. Si ce n’est pas pris tout de suite, vous attendez et vous entendez toutes sortes de remarques pour des changements. Des fois, c’est bon pour la série mais parfois, cela déplace la série très loin de l’idée de départ des auteurs. Sur Damages, on a fait le pilote et la série a été achetée 3 semaines après l’avoir testé dans plusieurs villes – ce qui était d’ailleurs une bonne idée – . Ils n’ont pas demandé des changements sur le pilote et le pilote est le premier épisode. Sur Bloodline, comme ils ont commandé toute la saison d’un coup, sans pilote, ça a été une nouvelle expérience pour nous car on a eu envie de prendre notre temps sur le montage du premier épisode, d’apprendre plus sur les personnages, sur les acteurs. Mais au final, on n’avait pas le temps et ça a été une erreur. C’est seulement quand on a fini de tourner le dernier épisode qu’on a fini de monter le premier épisode. Donc on a pu montrer celui-ci à l’équipe et surtout au casting. C’est la première fois qu’ils le voyaient et ils ne savaient pas du tout dans quel univers ils jouaient. C’était donc une erreur car les acteurs profitent également de voir ce premier épisode – s’ils en ont envie – car cela leur donne confiance ou leur donne le sens de ce qu’ils sont en train de faire. On a filmé l’épisode en février-mars et ils ne l’ont pas vu avant novembre. Et pour toi, quand est-ce que les acteurs voient le pilote ?

ER : Le plus tard possible. On n’a pas l’habitude de montrer le travail aux acteurs en France. Même les rushes, il y a peu d’acteurs qui les regardent. Il y a peu d’acteurs qui savent se regarder et se servir de ce qu’ils voient. J’ai plutôt l’habitude de demander aux acteurs d’avoir confiance en mon regard. Ce que je demande aux acteurs, c’est de sentir les scènes de l’intérieur mais de ne pas se regarder les faire. Cela dit, ils ont vu rapidement les trois premiers épisodes montés pendant qu’on était en train de tourner.  Est-ce que cela les a confortés ou aidés dans leur travail ? Je ne sais pas. En revanche, on avait prévu de laisser 15 jours entre le premier épisode et les suivants pour que je puisse monter le premier épisode et le montrer aux autres réalisateurs pour qu’ils voient le monde qu’on était en train de créer, quel niveau de réalisme on était en train d’installer, qu’est-ce qu’on pouvait se permettre en terme de mise en scène… même si j’ai choisi des réalisateurs proches de ce que je voulais. Bref, il s’agissait plus de mettre dans l’ambiance les réalisateurs que les acteurs .

TAK : Netflix sort les épisodes d’un seul coup donc chaque spectateur a sa propre expérience en regardant une série. Est-ce que c’est un cas de figure de diffusion qui te plairait ?

ER : On l’a fait. Canal+ l’a demandé un mois et demi avant la fin de la production de pouvoir faire du binge-watching. Il a fallu tout accélérer mais on l’a fait. J’aime le binge-watching car j’aime regarder les séries quand j’en ai envie. Pour moi, c’est le futur.

Jean-Christophe Nurbel

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