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Beat Attitude : Femmes poètes de la Beat Generation image couverture livre anthologie poésie

[Critique] “Beat Attitude : Femmes poètes de la Beat Generation” (2018) : De battre mon coeur…

Dernière mise à jour : mars 25th, 2019 at 02:15 pm

Les Editions Bruno Doucey proposent avec Beat Attitude : Femmes poètes de la Beat Generation de découvrir le versant féminin méconnu du célèbre mouvement littéraire américain. Une très belle anthologie établie par Annalisa Marí Pegrum et Sébastien Gavignet. Bulles de Culture vous propose de découvrir cette anthologie en ce vendredi 8 mars 2019, Journée internationale des droits des femmes. Avis et critique livre.

Synopsis :

Elles s’appellent Denise Levertov, Lenore Kandel, Elise Cowen, Diane di Prima, Hettie Jones, Joanne Kyger, Ruth Weiss, Janine Pommy Vega, Mary Norbert Körte, Anne WaldmanAnnalisa Marí Pegrum et Sébatien Gavignet leur rendent la postérité avec Beat Attitude : Femmes poètes de la Beat Generation.

Beat Attitude : Femmes poètes de la Beat Generation : réparation d’une injustice

image Sébastien Gavignet et Annalisa Marí Pegrum
© D.R.

En se lançant sur les traces des femmes poètes de la Beat Generation, Annalisa Marí Pegrum et Sébastien Gavignet n’ont peut-être pas eu conscience de se lancer dans une quête dont le résultat, cette très riche anthologie Beat Attitude : Femmes poètes de la Beat Generation, doit être vu comme la réparation d’une injustice criante : l’oubli dans lequel ont sombré ces femmes qui avaient l’audace et le courage d’écrire. Elles ont gravité autour d’hommes connus et reconnus aujourd’hui pour l’œuvre Beat qu’ils ont composée : Allen Ginsberg, Jack Kerouac, Thelenious Monk, James Baldwin, ou le sulfureux Le Roi Jones qui deviendra ensuite Amiri Baraka. Eux sont restés dans les esprits.

Par contre, qui connaît en revanche les noms de celles qui les ont accompagnés dans la création littéraire ? À lire leurs textes et leurs notices biographiques, elles ont pourtant souffert, bien davantage que les hommes, des choix qu’elles voulaient faire, de la liberté qu’elles demandaient, du refus des conventions, de cette quête d’être soi qu’elles ont menée au même titre que les hommes pour trouver le bonheur auquel elles pensaient avoir droit.

Beat Attitude ou béatitude ?

Dans les textes, que nous découvrons dans Beat Attitude : Femmes poètes de la Beat Generation, se lisent les mêmes aspirations, les mêmes chemins de traverse, la même envie de rompre que chez leurs homologues masculins. Goût prononcé pour le voyage, spiritualité qui emprunte au bouddhisme, libération sexuelle, expérience des drogues. De même, refus de l’ordre, de la ponctuation, des majuscules, des codes poétiques habituels, les Beat women ont cela aussi dans la peau et dans le verbe. Et le choix du bilingue qui permet de naviguer entre la langue originale et les traductions subtiles et fines d’Annalisa Marí Pegrum et de Sébastien Gavignet rend le plaisir de ces textes plus intense encore.

Ce que Beat Attitude : Femmes poètes de la Beat Generation donne à entendre, ce sont des textes d’une musicalité splendide, d’une fulgurance étourdissante, d’une sincérité et d’une profondeur radicales. L’impression que chaque mot doit trouver sa place, pour faire sens tout en permettant d’exprimer le désordre, les fluctuations intérieures, cela émeut au plus haut point.

Le bonheur, dans cette traversée poétique, semble vaciller sans cesse, tant il se heurte aux convenances, à l’altérité, au partage, à la générosité même de ces femmes qui essayent malgré tout, qu’elles échouent ou réussissent, de saisir l’instant éphémère de la béatitude absolue.

Un manifeste féministe ?

Ce qui crève les yeux, autant que le cœur, à la lecture de Beat Attitude : Femmes poètes de la Beat Generation, c’est que ces femmes des années 50-60, avaient une grosse avance sur leur temps. Abordant la sexualité sans tabou ni métaphore, ayant fait les frais de la domination masculine qui s’observe dans les rapports conjugaux, elles brûlent d’une soif de liberté résolument moderne pour ne pas dire actuelle.

Cette nouvelle féminité, elles l’inventent mais en payent le prix cher : Elise Cowen, enfermée en hôpital psychiatrique pour avoir affirmé son homosexualité et suicidée à 28 ans ; Diane di Prima arrêtée par le FBI pour « envoi de matériel obscène par La Poste » puis innocentée ; Hettie Jones et Joanne Kyger face aux déboires conjugaux que leur font vivre leurs maris artistes.

Leur soif d’indépendance, leur revendication au plaisir sexuel vont bien au-delà des avancées des années 70. Ces femmes prônent une libération totale à laquelle nous arrivons péniblement, et non sans heurts, aujourd’hui. Elles disent le difficile rapport à la maternité, au plaisir de l’autre, au respect de soi ; elles disent l’impasse des relations stériles, l’emprise des hommes, le jugement de la société.

Face à tout cela, nous ne sommes de nos jours, comme elles, que des ébauches, des hypothèses, des tentatives de réécriture, de libération, de quête d’autre chose. Et personne ne peut dire aujourd’hui que nous réussirons mieux qu’elles, car les carcans sont toujours d’une triste actualité, parce que l’égalité absolue n’est encore – ENCORE !!!!! – que pure utopie.

En savoir plus :

  • Beat Attitude : Femmes poètes de la Beat Generation, anthologie établie par Annalisa Marí Pegrum et Sébastien Gavignet, Éditions Bruno Doucey, mai 2018, 199 pages, 20€
Morgane P.

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