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Le Bleu du Caftan
©Les Films du Nouveau Monde - Ali n’ Productions - Velvet Films - Snowglobe

Interview / Maryam Touzani pour “Le bleu du caftan”

Dernière mise à jour : avril 26th, 2023 at 12:39 pm

Après Adam (2019), Maryam Touzani propose son deuxième long métrage, Le Bleu du caftan. Le film avec Lubna Azabal est un triangle amoureux sur fond d’homosexualité, encore condamnée pénalement au Maroc. Le drame qui évoque aussi l’artisanat autour du travail du caftan, longue tunique, sort dans les salles de cinéma le 22 mars 2023. Rencontre avec la réalisatrice.

Synopsis :

Halim (Saleh Babkri) est marié depuis longtemps à Mina (Lubna Azabal), avec qui il tient un magasin traditionnel de caftans dans la médina de Salé, au Maroc. Le couple vit depuis toujours avec le secret d’Halim, son homosexualité qu’il a appris à taire. La maladie de Mina et l’arrivée d’un jeune apprenti (Ayoud Missioui) vont bouleverser cet équilibre. Unis dans leur amour, chacun va aider l’autre à affronter ses peurs.

Maryam Touzani : “Je suis très attachée au Maroc

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Le Bleu du Caftan

BdC : Vous êtes née à Tanger puis partie faire du journaliste à Londres Pourquoi avoir voulu revenir au Maroc pour faire du cinéma ?

Maryam Touzani : Je suis très attachée au Maroc. C’est un pays que je trouve très généreux, très inspirant.

BdC : Pouvez-vous nous expliquer le symbole du caftan dans votre film ?

Maryam Touzani : Ce tissu, j’ai mis très longtemps à le trouver. Je cherchais un bleu pétrole particulier. En écrivant le film, je ne sais pas pourquoi le tissu présenté était bleu dès le départ. Le bleu est une couleur qui me fait ressentir l’immensité à travers le ciel et l’océan. Le bleu est pour moi transcendant. J’ai trouvé ce bleu au marché Saint Pierre à Paris. C’était important pour moi de raconter l’histoire de Halim à travers cette matière. C’est quelqu’un qui est passionné par son métier. Il arrive à se couper du monde grâce à sa profession. J’avais envie de mettre du charnel pour pouvoir rentrer dans l’âme de Halim au contact de ces matières.

BdC : Le personnage d’Halim est très introverti. Est-ce son tempérament naturel ou une façade pour cacher son homosexualité ?

Maryam Touzani : C’est quelqu’un qui est dans son univers. Il se protège du monde extérieur. Quand il est dans son arrière-boutique, c’est une carapace. C’est un personnage très complexe. Il vit pour un métier traditionnel qu’il veut protéger. Il est néanmoins en contradiction totale avec la tradition en tant qu’homosexuel.

“Je suis affligée par le fait que ces personnes en souffrance doivent avoir une double vie”.

BdC : L’homosexualité est-il encore un tabou absolu au Maroc ?

Maryam Touzani : Totalement ! C’est en train d’évoluer à travers les jeunes générations grâce aux réseaux sociaux notamment. Il y a encore trop de non-dits qui pèsent sur la population. C’est très compliqué de vivre son homosexualité au grand jour. C’est interdit par la loi. On peut avoir jusqu’à trois ans de prison. La pression sociale est énorme. Je suis affligée par le fait que ces personnes en souffrance doivent avoir une double vie.

BdC : Sa femme, Mina, vit également dans l’exclusion. Pour quelle raison ?

Maryam Touzani : Elle s’exclut pour protéger son mari. Ils ont construit à deux un cocon. Elle a passé sa vie de couple à le protéger de la société. En étant malade, elle se voit partir. Elle est inquiète de la suite pour lui.

BdC : Youssef, le jeune apprenti dont tombe amoureux Halim, est-il plutôt un adjuvant ou un antagoniste pour le couple ?

Maryam Touzani : Au début, il est cette personne qui va venir bouleverser cet équilibre du couple. Même si Mina sait que son mari est homosexuel, elle a toujours fermé les yeux par amour. L’arrivée de Youssef va la mettre face à sa propre peur. Un amour véritable est en train de naitre entre Halim et Youssef.

Le Bleu du Caftan
©Les Films du Nouveau Monde – Ali n’ Productions – Velvet Films – Snowglobe

BdC : Comment caractérisez-vous l’amour entre Mina et Halim ?

Maryam Touzani : On est toujours en train de vouloir labeliser. Halim aime sa femme mais il aime aussi Youssef. Je pense que l’amour est quelque chose de tellement complexe qu’on a tort de vouloir le simplifier. Ces trois êtres vont former un triangle amoureux.

BdC : Avez-vous fait passer un casting à Lubna Azabal, interprète de Mina ?

Maryam Touzani : J’ai travaillé avec elle pour Adam. En écrivant le bleu du caftan, je savais que c’était elle. Je l’aime. Lubna n’est pas dans la demi-mesure. Elle va jusqu’au bout dans la recherche du personnage. Je suis quelqu’un de très exigeante avec un souci de l’émotion juste. Je savais que ça allait fonctionner avec elle.

“La pire des choses pour un artiste est l’auto-censure”

BdC : Comment avez-vous choisi les deux comédiens masculins  ?

Maryam Touzani : Ce n’était pas évident. On est dans un film clos. Il fallait une réelle alchimie entre les trois. J’ai fait plein d’essais. Quand je les ai rencontrés, il y a quelque chose qui s’est passé en moi. Je sentais que c’était les bons.

BdC : L’ancrage de vos récits dans la société marocaine est-il important ?

Maryam Touzani : La société dans laquelle je vis m’inspire énormément. Elle est complexe avec des contradictions. Je trouve que c’est très nourrissant. Les histoires que je raconte ne parle pas que du Maroc. J’espère qu’il y a une certaine universalité dans mes propos.

BdC : Craignez-vous la censure du Maroc ?

Maryam Touzani : Je ne crains absolument rien. La pire des choses pour un artiste est l’auto-censure. Si jamais cela peut rencontrer une opposition, ce n’est pas grave. Je perdrais toute sincérité si j’avais peur des conséquences.

En savoir plus :

  • Date de sortie France : 22/03/2023
  • Distribution France : Ad Vitam
Antoine Corte

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