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© Tetra Media Fiction / La Pépinière

[INTERVIEW] Frédéric Rosset, créateur de la série “Irresponsable”

Dernière mise à jour : janvier 13th, 2021 at 10:32 pm

“Des personnages qui mentent pour leur bien
et qui en fait, ne font qu’empirer la situation”

 

Bulles de Culture : Quelles sont les autres influences (films, séries) de Irresponsable ?

Frédéric Rosset : Il y a deux influences principales.

Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers) de Bruno Podalydès qui est à la fois un film des années 90 et une version dite interminable qui est une mini-série de six épisodes d’une heure qui était passé sur ARTE à l’époque. Denis Podalydès y joue Jeanjean, un trentenaire qui est un vrai cœur d’artichaut et qui rencontre des femmes. C’est à mourir de rire, c’est ma comédie française préférée et il y a une influence dans le sens où c’est une série sur les trentenaires et cela me donne envie de l’être dans les années 90. C’est aussi une série qui joue sur l’humour de situation, pas sur des dialogues qui sont pourtant très drôles mais vraiment sur des situations qui partent de rien mais empirent parce que le personnage principal n’assume pas la situation et se met un peu à mentir. Et au lieu d’éteindre l’incendie, il l’aggrave et ça part en vrille. Même si le personnage de Jeanjean et celui de Julien sont très différents, il y a ce point commun-là de personnages qui mentent pour leur bien et qui en fait, ne font qu’empirer la situation.

Les Beaux gosses de Riad Sattouf aussi dans l’esthétique un peu BD et parce que c’est la seule fiction française récente qui parle de l’adolescence de manière drôle mais intelligente et non condescendante. Çà va loin et ça assume complètement le fait que ça reste un âge ingrat. Mais on sent que la personne qui a fait ça sait ce que c’est d’être un adolescent et elle rit avec eux et pas contre eux. C’est drôle et bienveillant.

En terme de séries mêmes, il y en a beaucoup. Moi, je regardais Girls saison 3 à ce moment-là et Louie saison 4. C’étaient deux saisons de séries comiques qui avaient un ton assez grave à des moments, qui assumaient complètement de mélanger les genres et c’est quelque chose qui me parlait beaucoup parce que j’aime bien mélanger les genres.

Pour Irresponsable, ce que je voulais, c’est que plus la saison avance, plus les éléments un peu plus émouvants arrivent sans avoir besoin de finir sur un gros gag. C’est quelque chose que beaucoup de séries anglo-saxonnes font alors qu’en France, mélanger les genres, c’est très, très rare d’y arriver. Il y a une exception, c’est Kaamelot mais ils l’ont fait petit à petit. Et maintenant, c’est presque devenu à la mode parce que presque la plupart des comédies américaines d’aujourd’hui ont des personnages dépressifs. Master of None, BoJack Horseman, You’re The Worst ou les productions de Judd Apatow qui tournent beaucoup autour de la bromance. Le pitch d’Irresponsable auraient pu être le pitch d’une production d’Apatow mais il fallait trouver son propre ton. Je ne voulais pas que ce soit du Apatow à la française mais c’est une influence évidente.

Ma comédie préférée en série, c’est Party Down [NDLR : une série américaine créée par Rob Thomas et diffusée sur Starz de 2009 à 2010] qui est une série extrêmement peu connue. Elle a fait deux saisons et a été annulée. Elle est devenue un peu culte parce que les acteurs sont maintenant très connus. Elle joue aussi sur les genres mais ce n’est pas l’influence la plus évidente pour la série Irresponsable.

Bulles de Culture : Une saison 2 de Irresponsable est-elle prévue ?

Frédéric Rosset : On est en train de la construire. Avec Tetra Media, on a déjà écrit les arches et on commence à écrire les premiers épisodes parce qu’on ne veut pas que la saison 2 sorte trois ans plus tard. Car on a une contrainte : on a un adolescent parmi les rôles principaux donc il ne faut pas qu’il grandisse trop vite. Mais par contre, on prend le risque de faire ça parce qu’OCS ne nous a pas encore officiellement renouvelé. Mais on l’espère fortement et on espère que la saison 2 pourra sortir en 2017.

Bulles de Culture : Du coup, nous avons aussi posé la question à Stefan Cafiero mais à la fin de la saison 1 d’Irresponsable, y-a-t’il…

Cliquer sur le dossier pour afficher le spolier sur la fin de Irresponsable saison 1

… oui ou non avortement ?

Frédéric Rosset : Ah, c’est marrant parce que pour moi, c’est assez évident qu’ils vont avorter à la fin. Il n’y aura pas de bébé dans la saison 2. Pour moi, c’est son premier acte vraiment responsable, c’est d’apprendre à ne pas être égoïste. Pour moi, il est irresponsable quand il est vraiment égoïste et qu’il ne pense qu’à lui. Or, si à un moment donné, il ne l’est pas, c’est parce qu’il fait quelque chose qui ne va pas dans son intérêt mais qu’il comprend le point de vue de Marie et qu’il le respecte, et qu’ils font ce qu’ils n’ont pas pu faire il y a 15 ans, c’est-à-dire de choisir eux-mêmes et de se dire : “Cette fois, on est majeur et vacciné et ce n’est pas le moment d’avoir cette enfant, n’y allons pas”.

C’était une façon de régler le principe de fiction qui m’embête beaucoup dans ce genre de projet est qui est le principe de l’obvious child, comme Juno [NLDR : le film de Jason Reitman où une adolescente interprétée par Ellen Page apprend qu’elle est enceinte] par exemple, comme si l’avortement, ça n’existait pas parce que cela nous arrange scénaristiquement.

Nous, on s’est réfugié derrière le fait qu’elle a des parents extrêmement réacs pour qui l’avortement n’est pas une question et c’était eux qui avaient le pouvoir de décision à l’époque. Mais du coup, je voulais les confronter à cette situation 15 ans plus tard maintenant qu’ils sont décisionnaires. Lui, il le veut mais pour moi, il est responsable pour la première fois parce qu’il ne fait pas ce qu’il veut pour une fois. Il comprend le point de vue de Marie, l’accepte et l’accompagne parce que c’est un gars bien.

On est face à un personnage qui est à la quête de devenir responsable et à la fin de la saison 1, il fait son premier acte responsable mais ça ne veut pas dire qu’il est. Parce que pour moi, la série est terminée le jour où il l’est. C’est quelqu’un qui cherche à l’être mais qui aura toujours sa manière à lui de l’être. Du coup, à la fin de la saison, il trouve un job et on revient au collège comme au début du pilote alors qu’on croyait que c’était mort. Et pour la suite, ce qui serait intéressant de travailler, c’est qu’est-ce que ça donne Julien au boulot. Il ne sera pas responsable, pas tout de suite. Cet aspect-là est le seul élément à la fin de la saison 1 qui donne un indice de à quoi peut ressembler la saison 2. Cette dernière qu’on est en train d’écrire a un fil rouge pas du tout mis dans la saison 1 et les gens quand ils verront la saison 2 ne s’attendront pas à cette tournure-là. On a presque voulu re-surprendre les gens comme quand ils ont appris tout à coup qu’il avait un enfant.

Tout l’intérêt de la série est que Julien et Marie sont deux opposés mais qui dans le fond jalousent l’autre : lui, il aimerait être responsable et elle, elle a aussi son évolution qui arrive à la fin et qui est de découvrir qu’elle n’a pas eu du tout d’adolescence et de faire sa crise d’adolescence sur le tard. La fin de la saison 1 entame ça et pour la suite, on a envie de savoir ce que c’est l’inverse, c’est-à-dire quelqu’un qui est en quête d’irresponsabilité.

Du coup, ce sont plusieurs éléments qu’on a mis en place mais il ne faut surtout pas se dire qu’à la fin de la saison 1, Julien est responsable et ça y est, il est dans le rang. Il reste Julien, il reste ce qu’il est et moi, je trouve ça mieux. Une des scènes du dernier épisode sert à ça, celle quand Julien demande à Jacques s’il aurait aimé qu’il soit là dès sa naissance, celui-ci lui répond qu’en fait s’il avait été là dès sa naissance, il aurait peut-être été en costard-cravate à lui demander de  faire ses devoirs mais que lui, il préfère comme ils sont maintenant et fumer des joints.

Pour moi, cette relation leur apporte quelque chose qui fait qu’ils sont tous les deux contents de cette situation. Ils ont mis une saison entière à le comprendre et à l’accepter. Il y a eu des couacs mais maintenant, ils sont d’accord avec cette relation. Et c’est un peu ça le parcours de Julien dans cette saison 1, c’est que cela ne sert à rien d’essayer d’être un papa dans le sens conventionnel du terme, ce n’est pas lui et ce n’est pas grave.

Bulles de Culture : Pour conclure, quels sont vos projets ?

Frédéric Rosset : L’écriture d’une saison 2, j’espère, et travailler pour les autres pour apprendre. J’écris par exemple un épisode pour une future série de TF1 qui est un exercice très différent. Et je développe aussi avec ma sœur un projet de long métrage.

 

Propos recueillis au restaurant Le Pachyderme (Paris, France), le 16 juin 2016.

 

En savoir plus:

  • Irresponsable est diffusé sur OCS City à partir du 20 juin 2016, à raison de 2 épisodes par semaine, et disponible en intégralité sur OCS Go
Jean-Christophe Nurbel

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