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H24 - 24 heures dans la vie d'une femme affiche série télé

♥ Critique / “H24 – 24 heures dans la vie d’une femme” (2021) de Nathalie Masduraud et Valérie Urrea

Dernière mise à jour : septembre 24th, 2022 at 03:14 pm

H24 – 24 heures dans la vie d’une femme, c’est un titre en partie emprunté à Stefan Zweig, 24 courts métrages, 24 autrices, 24 actrices et une dizaine de réalisatrices. 24 courts métrages pour 24 situations de violences faites aux femmes, sexistes, sexuelles, habituelles et toxiques. L’avis et la critique série de Bulles de Culture sur cette œuvre coup de cœur singulière et sans précédent.

Synopsis :

Harcèlement de rue ou dans les transports, agression sexuelle dans l’espace public, viol, tentative de viol sur mineure, violences infligées aux migrantes, violences conjugales, emprise, manipulation, féminicide, violence dans le sport, violences gynécologiques, lesbophobie, “revenge porn”, cyberharcèlement, insultes sexistes, injonctions sexistes.

Des situations de violence quotidiennes, des plus anodines aux plus meurtrières, répétées, connues, et délétères, celles qui font les faits divers…dont H24 – 24 heures dans la vie d’une femme s’inspire d’ailleurs.

H24 – 24 heures dans la vie d’une femme : une série bien écrite visuellement et textuellement

H24 - 24 heures dans la vie d'une femme image série télé
Charlotte De Bruyne dans la série “H24 – 24 heures dans la vie d’une femme” © Les Batelieres Productions

C’est le format de H24 – 24 heures dans la vie d’une femme qui surprend d’abord : un court métrage par heure de la journée, égrainant à chaque fois une situation de violence. Quelques minutes, trois ou quatre, pour traiter de cette situation de violence. Quelques minutes qui percutent fort. À chaque fois.

Ce qui frappe ensuite, c’est l’écriture. Une écriture ciselée, cisaillée. Il faut dire que le palmarès des autrices est remarquable : Alice Zéniter, Lola Lafon, Christiane Taubira, Chloé Delaume, Myriam Leroy, Lydie Salvayre pour citer quelques francophones.

Rosa Montero, Sofi Oksanen, Niviaq Korneliussen, Grazyna Plebanek pour citer quelques autres d’ailleurs. Les écritures sont belles ; elles sont parfois d’une force indicible, comme le texte poétique, presque slamé, signé par Jo Güstin qui invite à la sororité.

Ce qui saisit encore, ce sont les partis pris de réalisation. Des choix audacieux, originaux, saisissants.

Si la réalisation est en partie signée Nathalie Masduraud et Valérie Urrea, là aussi des invitées de choix : Sandrine Bonnaire, Clémence Poésy, et d’autres qui font la part belle aux héroïnes.

Car c’est ainsi qu’elles apparaissent ces victimes, en héroïnes, parce qu’elles résistent, luttent, dénoncent, refusent, se battent.

Caméra proche des visages pour mettre en valeur l’écriture en monologue… caméra efficace !

Mais cela va plus loin :

  • faire jouer l’agresseur par l’agressée (“7h Signes” de Nora Fingscheidt avec Diane Kruger),
  • montrer la violence conjugale en filmant en zoom des bibelots vieille époque brisés et recollés (“11h Avis d’expulsion” de Nathalie Masduraud et Valérie Urrea, avec Marilyne Canto),
  • suggérer la violence d’un viol sous GHB par des gestes de cuisinière professionnelle (“21h Les détails” de Nathalie Masduraud et Valérie Urrea avec Sveva Alviti) pour n’en citer que trois.

La volonté de l’inclusif et de l’universel

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Annabelle Lengronne dans la série “H24 – 24 heures dans la vie d’une femme” © Les Batelieres Productions

Elles sont adolescentes ou adultes ; Françaises, Anglaises, Finlandaises, Espagnoles, Italiennes ou Allemandes ; elles sont blanches ou racisées, migrantes aussi ; elles sont mères, filles, célibataires ou en couple, lesbiennes ou hétérosexuelles, de toutes les corpulences, de tous les physiques…

Ils sont divers les visages de femmes et de filles qui se succèdent dans H24- 24 heures dans la vie d’une femme, car derrière la diversité, ce qui se terre, c’est un problème de société, aussi majeur qu’universel.

La série H24 – 24 heures dans la vie d’une femme saisit la question des violences faites aux femmes, de toutes les violences faites aux femmes, avec brio, dévoilant les mécanismes d’agression, de possession, de destruction, tout comme ceux de la traque, de l’hyper-sexualisation, du fétichisme, et de l’invisibilisation, et de l’indifférence générale attenante.

Et quoi que l’on en dise, saisir ces mécanismes dans leur complexité avec le format très court qui préside la série, c’est une sacrée gageure.

On reconnaît, au fil des épisodes, certains des faits divers qui ont donné naissance à ces morceaux d’histoire : la ligue du LOL, les cas de photos et vidéos intimes prises à l’insu des femmes dans les vestiaires ou lieux publics, les “revenge porn” dont la fréquence ne cesse de croître, les révélations des agressions sexuelles dans le milieu du sport, patinage artistique en tête…

Et il est terrible, sidérant, glaçant, de ressentir à quel point toutes ces histoires entrent en écho avec les récits que l’on a entendus, qu’ils viennent de notre entourage ou de révélations publiques, de ressentir aussi à quel point elles entrent en écho avec notre vécu.

Une série coup de poing qui cherche à interloquer

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Luàna Bajrami dans la série “H24 – 24 heures dans la vie d’une femme” © Les Batelieres Productions

La série H24 – 24 heures dans la vie d’une femme est construite, des mots mêmes de ses conceptrices, comme une série manifeste.

Cette succession d’épisodes très courts peut revendiquer plusieurs objectifs : dénoncer—- c’est réussi ! —, expliquer — elle y parvient très bien — et interroger les comportements de toutes et de tous face à ces violences sexistes et sexuelles, si fréquentes qu’elles nous touchent toutes et tous.

Car si ces violences sont encore si courantes, si banales, si malheureusement quotidiennes, c’est que la société dans son ensemble ne parvient pas à leur répondre comme il se doit : mal-identifiées, rejetées dans la sphère de l’intime, les violences faites aux femmes sont encore de celles pour lesquelles on culpabilise les victimes, sont encore de celles que l’on minimise systématiquement.

Et face à ce qui abime et ce qui tue, il y a souvent, et encore, le silence : celui des proches, des voisins qui préfèrent ne pas voir, celui de toute personne détournant le regard. Il y a encore le déni, celui des plaintes avortées, classées, oubliées (même si elles sortent aujourd’hui du silence avec #DoublePeine). Il y a encore l’injustice, celle qui conduit les agresseurs à pouvoir continuer dans une relative et réelle impunité.

Nathalie Masduraud et Valérie Urrea réussissent en cela à (dé)montrer que les violences faites aux femmes sont l’affaire de toutes et de tous, qu’avec chacun et chacune dans le cœur notre sororité, fraternité, solidarité, qu’avec chacune et chacun dans les mains notre humanité, il ne tient qu’à nous de nous révolter, de défendre, de refuser, d’écouter pour que les choses puissent enfin changer.

Notre avis ?

Extrêmement essentielle, intimement nécessaire, H24 – 24 heures dans la vie d’une femme est une série choc à ne pas manquer.

Son format très court rend efficace et incisif son propos, tout en évitant les écueils du pathétique excessif, du misérabilisme malvenu, de la caricature des personnages.

Elle apporte une contribution importante à cette question encore mal connue de toutes les violences faites aux femmes, et rend leur voix aux anonymes, une voix magnifique.

C’est un coup de cœur de Bulles de Culture !

En savoir plus :

  • H24 – 24 heures dans la vie d’une femme est diffusée sur ARTE du samedi 23 octobre au vendredi 29 octobre 2021, à raison d’un épisode par soir à 20h50
  • La série est également proposée en streaming et en replay sur Arte.tv
Morgane P.

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