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Miarka critique avis livre

Critique / “Miarka” (2020) d’Antoine de Meaux

Antoine de Meaux, quasi cinquantenaire, journaliste, réalisateur de documentaires pour la télévision, est entré en littérature en 2004 avec L’Ultime Désert : vie et mort de Michel Vieuchange chez Phébus, éditeur auquel il est demeuré fidèle. Après Le Fleuve guillotine en 2015, Miarka est paru, en 2020, et en format poche chez Points à l’automne 2021. L’auteur peu prolifique aime changer d’univers avec succès. La critique et l’avis sur le livre/

Cet article vous est proposé par le chroniqueur Chris L..

Miarka : une personne connue de l’auteur

Pour la première fois Antoine de Meaux parle d’une personne qu’il a connue, avec qui il a collaboré durant son service militaire en 1996, et qu’il a continué à côtoyer jusqu’à sa disparition en 2013. Née en 1924 à Paris, elle fut élevée avec ses sœurs et son frère à Nice. Elle s’appelait Denise Jacob, emprunta le prénom Miarka à un conte de Jean Richepin durant ses années de scoutisme. Pour éviter de rentrer à Nice, après un camp de formation d’éclaireuses, aux mains des allemands depuis septembre 1943, elle laisse Madeleine, appelée Milou, son aînée, rejoindre la baie des Anges pour continuer à contribuer financièrement à la vie familiale. Denise réussit à rejoindre la capitale des Gaules, devenue capitale de la Résistance. Sur la couverture de Miarka, rayonne une jeune fille de dix-neuf ans, au beau visage, plein de fraîcheur. Animée par « l’honneur, la patrie, la fidélité », elle devient agent de liaison au sein du groupe Franc-tireur. La jeune niçoise remplit des missions ingrates mais indispensables, à pied ou à vélo, se récitant intérieurement de la poésie qu’elle aime tant.

Elle garde un contact par courrier avec ses proches. Sa famille, très unie, est un véritable clan entre Yvonne, mère aimante et protectrice, et André, père exigeant et esthète. À Nice la chasse aux juifs s’intensifie depuis la prise de contrôle de la ville par les allemands. Yvonne, Milou, Simone, sont arrêtées le 30 mars 1944, déportées vers Birkenau le 13 avril, jour où André est à son tour arrêté. Il retrouve son fils à Drancy qu’ils quittent le 15 mai pour Auschwitz. A ces déportations s’ajoutent celles du frère d’André, Pierre, sa femme et son fils. Seules les trois filles Jacob revoient la France à la fin de la guerre. Dans une mission, entre Annecy et Cluny, pour récupérer des postes émetteurs parachutés, elle est arrêtée le 18 juin 1944, entre Bourgoin et La Tour du Pin. Torturée par la Gestapo, place Bellecour à Lyon, elle ne lâcha aucune information. Elle fête ses vingt ans dans la promiscuité de la prison de Montluc, puis ce furent les camps de Ravensbruck et de Mathausen. Les conditions inhumaines, les privations, la perte régulière de compagnes, jamais oubliées, la souffrance, l’humiliation, sont le quotidien de Miarka qui survit à l’indicible avec l’aide la poésie.

Une biographie sobre, non linéaire

Le difficile retour à la liberté, ne s’éclaircit qu’avec son mariage avec Alain Vernay, journaliste et ancien résistant. Infatigable militante de l’ombre, elle collabore à l’Association nationale des anciennes déportées et internées de la Résistance (ADIR), à la création de la Fondation pour la mémoire de la déportation, à des travaux sur l’histoire du camp de Ravensbrück. Autant de lieux où elle retrouvait d’anciennes compagnes comme Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillon. Durant soixante-dix ans, hantée à vie par Ravensbrück, inlassablement elle déploie son énergie pour que jamais rien ne soit oublié.

Grâce à ses rencontres avec Antoine de Meaux durant dix-sept ans, la mise à disposition de documents familiaux par ses enfants et neveux, ainsi que la consultation des dépôts effectués au Mémorial de la Shoah, Miarka est subtilement décrite. Les lettres échangées avec ses parents et ses sœurs permettent d’entrer dans son intimité avec de la poésie qu’elle a écrite ou celle qu’elle aimait lire et entendre. Une biographie sobre, non linéaire, où l’auteur s’invite par instants, pleine de sensibilité, de respect, d’amitié, d’amour. Une lecture indispensable pour connaître cette femme, discrète et humble, celle qui eut pour sœur, la dernière de la fratrie ; Simone Veil. Un très bel hommage touchant.

En savoir plus :

  • Miarka, Antoine de Meaux, Phébus, octobre 2020,  256 pages, 18 euros / Points, octobre 2021, 288 pages, 7,80 euros
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