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Critique / “Le mangeur de pierres” (2021) de Davide Longo

Dans la collection hommes et montagnes, les éditions Glénat viennent de faire paraître, Le mangeur de pierres de Davide Longo, ancien basketteur professionnel, aujourd’hui enseignant, réalisateur de documentaires, auteur de pièces de théâtre, de livres pour enfants. Un cinquantenaire touche à tout, qui compte déjà deux livres traduits : L’Homme vertical et Un matin à Irgalem. La critique et l’avis sur ce livre. 

Cet article vous est proposé par un rédacteur-invité, le chroniqueur Chris L..

Le mangeur de pierres, déjà adapté au cinéma

Édité en 2004 en Italie, adapté au cinéma en 2018 par Nicolas Bellucci, Le mangeur de pierres, débarque enfin en France. Il s’agit d’un texte qui dépasse largement le cadre du polar, révélant un excellent écrivain. L’intrigue policière n’est qu’un prétexte et non le ressort principal de l’histoire de ces hommes et femmes, autochtones ou migrants, perdus au fond d’une vallée, qui ne pensent qu’à assurer leur quotidien pour les uns et à survivre pour les autres. Des vies âpres avec des rivalités, subtilement restituées, dominées par un climat rigoureux.

L’action se situe en septembre, au fond d’une vallée isolée du Piémont italien à portée de la frontière française où «les jeunes meurent et les vieux restent». La neige est déjà abondante et vents, tempêtes, froid, constituent une atmosphère sombre et pesante. Le mangeur de pierres ne distille que peu de dialogues. La vie est rude, les personnages sont peu diserts, s’intégrant parfaitement aux splendides paysages, parfois inquiétants. Alcools, tabac, comblent les heures de solitude, ou les éphémères instants de partage. Cette petite communauté est agitée par la corruption, la violence, le poids de la mafia, où les non-dits, les ragots, les vengeances sont omniprésents.

Cesare, ancien contrebandier et passeur, souvent appelé le français, car il a vécu à Marseille durant six ans, avant d’être expulsé après une peine de prison, est un homme taiseux, bourru.  Veuf, vivant seul avec son chien Micol, appelé la louve, il découvre le cadavre de Fausto, son neveu, celui qu’il a formé à son métier. Il ne lui parlait plus car il n’appréciait pas ses pratiques professionnelles, loin de celles enseignées. Les règles de la profession ont terriblement changé sans que Cesare veuille s’en rendre compte.

Soupçonné de meurtre, César trouve un appui en la personne de la commissaire, Sonia, venue de Milan, sans confiance à l’égard de la police locale qu’elle pense accoquinée à la mafia. Déterminé à faire éclater la vérité, il veut terminer le travail commencé par Fausto ; faire passer la frontière une dernière fois à des migrants, un métier très lucratif. Le sort de personnes âgées, de très jeunes enfants, de femmes et hommes en pleine maturité, dépend totalement de la réussite du vieux passeur revanchard, pétri de fierté.

Un polar social, pavé de noirceur

Sergio, autre principal protagoniste, veut fuir cette vallée, oublier son père et les heurts qui les opposent en permanence et rejoindre sa mère, partie vivre à Marseille, il y a bien longtemps. Il s’accroche aux basques de César, se bat violemment avec lui et arrive à le convaincre de l’aider à fuir. Dans cette vallée, tendresse et amour sont rares et souvent mal vécus. Ettore, le cordonnier, l’ami de César, semble être le seul à échapper à cette triste malédiction, partageant sa vie avec une jeune femme, pas encore trentenaire, pour un bonheur réciproque, semble t-il.

Le quotidien des personnages est fortement imprégné par le passé. César ne peut oublier Adèle, la femme qu’il a tant aimée. Sergio est envahi par le souvenir de sa mère qui lui a tant manquée. L’un ira au bout de ses rêves, l’autre assumera ses responsabilités avec le sens de l’honneur. Anita Rochedy, la traductrice, permet au lecteur d’accéder au beau texte de Davide Longo, Le mangeur de pierres, sombre et désespéré, qui met en lumière la montagne dans ce qu’elle a de plus beau, de plus inhospitalier. Les individus, taillés à coups de serpe, qui peuplent ce polar social, pavé de noirceur, sont esquissés en clair-obscur, dans la brume et la neige, aux motivations abstruses. Un livre sobre, très noir.
Le Mangeur de pierres

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