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Critique / “La vertu du mensonge” (2022) d’Ellen G. Simensen

La vertu du mensonge d’Ellen G. Simensen, primo-romancière, paru en début d’année, est un roman noir qui se déroule avec lenteur dans de somptueux paysages norvégiens, à Hønefoss à une soixantaine de kilomètres au nord-ouest d’Oslo, au milieu des forêts, des lacs, des rivières, sous la neige ouatée, la glace épaisse ou fragile, le froid extrême, en période hivernale. Dans ce lieu idyllique par instants, inquiétant à d’autres, le mensonge est une véritable institution qui touche tout individu quelque soit son âge. La critique et l’avis sur le livre.

Cet article vous est proposé par le chroniqueur Chris L.

La vertu du mensonge : trois personnages principaux jonglant avec le mensonge

Lars Lukassen, policier, en conflit avec son ex-femme pour la garde partagée de sa fille Annie, huit ans, vient de prendre en charge une enquête sur le meurtre d’une de ses connaissances scolaires, un de ses tortionnaires à l’époque, perdu de vue depuis lors. Au remplacement temporaire de son supérieur, il se heurte à l’hostilité d’un collègue qui rejette cette nomination.

Mener de front sa vie professionnelle et sa relation sporadique de père est compliqué. Dès qu’il dépose Annie à l’école, sans qu’il sache pourquoi, sa fille pleure. Incapable de percer les causes d’une telle situation, il pense trouver un appui auprès de Johanna, la nouvelle enseignante intérimaire, débarquée brutalement en ville. Une femme sans passé, une femme fuyante, qui masque sa féminité au maximum malgré un certain charme. Une femme qui intrigue, qui inquiète la population par certains de ses comportements.

Insaisissable, elle s’efforce de cacher qui elle est réellement, ce qu’elle fuit précisément. Seul son compagnon Hakuna, un chien, l’apaise et la réconforte lors de ses crises d’angoisses. Le clébard séduit instantanément Annie qui noue une relation ambiguë avec son enseignante, au delà des normes habituelles. Ces trois principaux personnages jonglent allègrement avec le mensonge, même entre eux.

Mystères et disparition

Bien d’autres pratiquent avec allégresse cet art comme Henning Kvamme, l’ex-beau père de Lars, directeur de l’école de Johanna et Annie, homme pas très franc du collier, qui n’aime pas choquer, offusquer, mais qui est prêt à tout pour protéger la réputation de son école. Celle ci a en effet en son sein, semble t-il, un enseignant aux pratiques condamnables. Père d’une fille, Sofie, véritable chef de bande, avec ses têtes de turcs, il mène avec son épouse une vie en apparence très respectable. Et il y a cet individu dérangeant, non identifié, invisible, qui glisse discrètement aux oreilles des enfants des histoires bizarres qui sèment inquiétude et peur.

Hønefoss n’est finalement pas une petite ville si tranquille que ça avec autant de mystères à résoudre, auxquels s’ajoute la disparition d’une jeune enfant. Lars a du pain sur la planche, là où La vertu du mensonge guide tout le monde ; parents, amis, policiers, délinquants, et autres habitants sans aucune barrière sociale. Pour débrouiller cet écheveau, il faudra plonger dans le passé, déverrouiller des mémoires traumatiques.

Roman atmosphère

Lars Lukassen, le héros d’Ellen G. Simensen a une parenté très forte avec le commissaire Soneri qui œuvre à Parme, création de Valerio Varesi, ou avec Varg Veum le privé de Gunnar Staalesen qui hante les rues de Bergen, sans oublier Jules Maigret et sa pipe, né de l’imagination de Georges Simenon.

Des univers feutrés, où la réflexion domine l’action, où l’enquête s’étire, où vivent moult individus lisses à priori, mais à la personnalité complexe et si crédibles. Ces romans permettent de découvrir des villes, les interactions humaines qui s’y exercent au quotidien. Les crimes y sont des plus banaux avec des coupables représentatifs des maux d’une époque et d’une société.

Ce qui importe à Ellen G. Simensen comme à ses collègues ci dessus cités, c’est de tisser une histoire noire, où certes le sordide peut exister, où les caractères sont analysés en profondeur, donnant du corps aux divers protagonistes.

Roman d’atmosphère par excellence, La vertu du mensonge, sans actions spectaculaires, maintient un suspens permanent et une tension élevée. Les indices finissent par s’accumuler au milieu de fausses pistes. Progressivement les secrets, les non dits sont mis à jour.

L’avis sur La vertu du mensonge ?

Un livre bien écrit porté par une bonne traduction d’Hélène Hervieu, avec une grande richesse de thèmes. La nature mise en valeur déploie ses beautés, des conditions climatiques exigeantes, des individus troubles avec leurs forces et faiblesses. Le rythme du livre est celui de la vie qui s’écoule, loin de l’agitation des grandes métropoles, avec ses soubresauts, ses heurts, ses mesquineries, ses violences psychologiques, ses manipulations et ses mensonges, comme partout dans le monde finalement. Une entrée en littérature très prometteuse et convaincante.

En savoir plus :

  • La vertu du mensonge, Ellen G. Simensen, Gallmeister, janvier 2022, 496 pages, 25,20 euros
Bulles de Culture - Les rédacteur.rice.s invité.e.s

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