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La plus résistante de toutes Nicole Bacharan critique avis

Critique / “La plus résistante de toutes” (2023) de Nicole Bacharam

Nicole Bacharan, spécialiste des Etats-Unis auxquels elle a consacré de nombreux ouvrages, bien connue des plateaux télé, se lance dans un exercice bien différent avec La plus résistante de toutes, chez Stock début 2023. La critique et l’avis sur le livre. 

Cet article vous est proposé par le chroniqueur Chris L.

La plus résistante de toutes, annotation griffonnée sur une note de la Gestapo de Marseille

Nicole Bacharan retrace l’engagement d’une jeune fille dans la résistance durant la guerre, celui de sa mère Ginette, dans une enquête minutieuse, trente ans après la disparition de cette femme qui lui a inculqué tant de valeurs et qui lui a donné le goût du pays à la bannière étoilée.

De Lézignan dans les Corbières, au sein d’une famille aux valeurs républicaines ancrées, à Toulouse, en zone libre jusqu’au 11 novembre 1942, Ginette, pleine de rêves, vole de ses propres ailes grâce à son diplôme de secrétaire. Elle croise un beau ténébreux, flamboyant, séducteur au diable, et découvre l’amour, le seul qui ait compté dans sa vie. Cet homme, Jean, débrouillard, pas la fidélité même, est venu de Paris avec ses parents, un frère et une sœur, pour échapper à la traque menée contre les juifs par les autorités d’occupation et l’aide des forces de Vichy. Venir en aide à Jean après son arrestation et participer à la protection de Hélène sa sœur et de Marcel son frère, obligent Ginette à déployer une énergie démesurée et effrénée.

Avide de liberté, à dix huit ans, au péril de sa vie, engagée dans la résistance en qualité d’agent de liaison, elle se déplace dans la zone sud pour transmettre des missives. La trahison, déjà ressentie avec Jean qui aime tant séduire, même lors de son procès, la conduit à Marseille dans les griffes de la Gestapo, victime d’un homme cupide qui a dénoncé l’ensemble du réseau auquel Ginette appartenait.

Ginette ne céda jamais à son bourreau

À partir des quelques bribes lâchées avec parcimonie par sa mère, Nicole Bacharan est partie à sa recherche, sur ses pas dans les lieux qu’elle fréquentât quatre vingt ans plus tôt, relatant au plus près la réalité ce que fut la vie de sa mère. Une enquête longue et minutieuse, agrémentée de rencontres avec les rares témoins survivants de l’époque ou avec leurs descendants. Par ailleurs, les fouilles dans les archives les plus diverses, lui donnèrent accès à des éléments quasi inespérés tant sur Jean Oberman que sur Ginette Guy, des anonymes qui laissèrent cependant des traces de leurs actes.

Parmi ces documents, l’auteure a trouvé le titre pour son livre, La plus résistante de toutes annotation griffonnée sur une note de la Gestapo de Marseille, par le sous-officier S.S Ernst Dunker, alias Delage. Grouillant avec le banditisme corse, la pègre marseillaise, cette créature, aussi célèbre pour ses actes de tortionnaire et  sévices que Klaus Barbie à Lyon, maîtrisait parfaitement la langue de Molière. Ginette ne céda jamais à son bourreau et certains de ses affidés français, ne révélant rien, étant monolithique dans sa défense du début à la fin de son emprisonnement.

Jusqu’au terme de son existence, elle n’évoquera en aucune circonstance ce qu’elle vécut lors de sa détention. Au retour de sa fille aimée, son père « homme d’une extrême modestie, d’une scrupuleuse objectivité, et d’une droiture sans concession », comprend immédiatement ce que sera désormais la vie de Ginette, telle que fut la sienne, enfermé en lui même, au lendemain de la Grande guerre.

Pudeur et tact

Avec pudeur et tact, en l’absence de toute information ou de si peu, pour rester fidèle à sa mère l’auteure ne fait que survoler sa captivité. Pour donner de la vie, du liant et du rythme à son texte, quelques dialogues et descriptions s’insèrent au fil des pages avec succès. Nicole Bacharan, investie au plus profond d’elle même, à la recherche de l’exactitude, du mot approprié, fait revivre Ginette, enfant espiègle, adolescente pimpante, jeune femme déterminée. Délicatesse, dignité, pudeur, amour, guident sa plume qui alterne avec aisance entre vies privées, pires heures de l’Histoire française lors de l’occupation nazie, et ses propres réflexions.

Dans La plus résistante de toutes, sont mis à l’honneur l’archevêque Jules-Géraud Saliège et les actions menées par de nombreuses communautés de religieuses dont celle de Notre-Dame de Massip à Capdenac-Gare, où Hélène et Marcel furent protégés et sauvés par des femmes remarquables comme Denise Bergon et Marguerite Roques. La restitution de la vie quotidienne à cette époque, particulièrement à Toulouse et Marseille, dominée par la peur, est très réussie.

Notre avis ?

Au final, un récit d’une grande profondeur, rempli d’émotions, d’une véritable douceur, enrichi par un épilogue sobre complété de Remerciements détaillés, d’où émerge une jeune fille lumineuse, portée par l’écriture posée et admirative de sa fille Nicole Bacharan. Un bel hommage à une mère inspirante.

En savoir plus :

  • La plus résistante de toutes, Nicole Bacharan, Stock, janvier 2023, 300 pages, 21,50 euros
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