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Critique / “Des lendemains qui chantent” (2023) d’Alexia Stresi

Alexia Stresi, actrice, scénariste, est également romancière. Avec son troisième livre Des lendemains qui chantent, le premier chez Flammarion en février 2023, elle entraine le lecteur aux côtés d’Elio, né en 1912, décédé en 1972 à la Casa Verdi au terme d’une existence hors normes. La critique et l’avis sur le livre.

Cet article vous est proposé par le chroniqueur Chris L.

Des lendemains qui chantent véritable roman d’aventures

Abandonné devant l’orphelinat degli Innocenti tenu par des religieuses suite au décès de sa mère, quelques heures après avoir donné vie à son fils, il y est élevé sans amour, ni affection, sous le nom d’Elio Abandonnato. Il deviendra Elio Leone, ténor ovationné en France avant guerre, totalement oublié au lendemain du conflit. Ce parcours jonché de rencontres quasi miraculeuses est retracé avec enthousiasme et vivacité par l’auteure. Véritable roman d’aventures, c’est également une déclaration d’amour à l’opéra qui est offerte au lecteur, ainsi qu’à la bienveillance de certaines personnes et à une amitié indéfectible.

Des lendemains qui chantent  se dessine en trois temps ; l’ascension vers la gloire, la guerre et une plongée au tréfonds de son être, la renaissance dans l’anonymat. Avant sa mort Musetta, mère du futur prodige, a eu le temps de lui murmurer « tu seras quelqu’un » et de lui chuchoter durant sa grossesse le prénom qu’elle lui donnerait, Elio, convaincue d’avoir un garçon.

Dans sa cinquième année, « chétif et sauvageon », apprenant à survivre, son chemin croise celui d’un médecin, Giuseppe Tropeano. Première personne à s’intéresser à Elio, il le dote d’un nom de famille digne, Leone, le place auprès de l’« Istituto di Marechiano », dont il est le créateur et directeur. Les enfants recueillis vont à l’école, apprennent un métier qui leur convient. Elio découvre le chant au sein de la chorale, sous l’œil attentif et l’oreille aiguisée du padre Bizzo qui détecte une tessiture exceptionnelle chez le jeune garçon. Et vient l’illumination avec la  découverte de Giuseppe Verdi et certaines de ses compositions.

Dès lors dans ses pensées et son cœur, quelques soient les circonstances, le génial créateur aidera Elio à connaître la renommée, à surmonter les moments noirs de son existence. Cette première partie, passionnante, alterne entre les années de succès parisiens et celles vécues en Italie an amont. Une construction qui donne du rythme au livre et entretient le mystère sur l’ascension d’un enfant non prédestiné à une telle réussite. Des acclamations reçues à l’Opéra comique de Paris en 1935 pour Rigoletto, à La force du destin à la Scala de Milan en 1970, lieu de consécration pour les ténors, la vie d’Elio, un temps caché derrière le prénom de Toni, a été bien remplie.

de très belles pages où nature, chants, fraternité, reconnaissance, se mêlent avec subtilité

Ce don inné, détecté par le padre Bizzo, a du être travaillé à l’infini pour atteindre la perfection, sous la houlette de l’exigeante Mademoiselle Renoult, une vieille fille, qui maitrise toutes les arcanes de la renommée. Elle l’aide à moduler sa voix lui évitant de tomber dans la facilité d’envolées lyriques. Elle le maintient dans l’ombre durant quatre ans, et le lance aguerri dans la fosse aux lions. Au fond du désespoir après la guerre, une fuite au gré des hasards le mène à Haïti où un sorcier vaudou, Clairvius, le sort de sa neurasthénie. De retour à Nantes, il se fond dans le collectif des choeurs du Théâtre Graslin, sous un nom d’emprunt, domptant sa voix, l’empêchant de prendre de l’ampleur. Il préfère une existence anonyme à celle de vedette adulée. Une rencontre enivrante avec le ténor à la mode, Eugène Vanzo, déclenche une indicible amitié qu’il convient de découvrir à la lecture de très belles pages où nature, chants, fraternité, reconnaissance, se mêlent avec subtilité.

La plupart des personnages se révèle être de belles personnes, attachantes, telle Orsa, le dernier amour d’Elio, éloignée de la terne et peu sympathique Fernande, la femme d’Elio à qui douze lettres, de plus en plus courtes, lui furent adressées durant la guerre et les cinq années de stalag du ténor. Ces missives dévoilent avec sobriété et intensité un homme inquiet, qui s’est créé de faux espoirs et qui survit avant tout grâce à la musique,

Notre avis ?

Des lendemains qui chantent fait résonner les opéras de Verdi, est rempli de vie, de couleurs, d’amitiés, de transmissions. Tout cela virevolte avec légèreté, telle la couverture du livre avec un vol d’hirondelles, solidaires ou libres. Les zones de noirceur ne sont pas occultées ; le temps de l’orphelinat, la fuite en France pour échapper à Mussolini, la guerre, la trahison, la spirale dépressive et l’attirance suicidaire. Alexia Stresi offre un roman lumineux, vibrant hommage à l’art lyrique, porté une écriture déliée. Un livre très agréable, addictif.

En savoir plus :

  • Des lendemains qui chantent, Alexia Stresi, Flammarion, février 2023, 448 pages, 21 euros
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