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Critique / “La baleine tatouée” (2022) de Witi Ihimaera

Dernière mise à jour : mai 21st, 2022 at 07:13 am

Direction la Nouvelle-Zélande, avec La baleine tatouée, de Witi Tame Ihimaera, premier auteur māori à être édité en langue anglaise.  La critique et l’avis sur le livre.

Cet article vous est proposé par le chroniqueur Chris L.

Écrit en 1987 sous le titre The Wale Ride (le cavalier de baleine), La baleine tatouée devient le livre néo-zélandais le plus traduit dans le monde. Aujourd’hui réédité Au vent des îles, il permet de découvrir un auteur, né en 1944, encore peu connu en France. Homme aux multiples facettes ; enseignant, consul aux Etats-Unis, fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères durant seize ans, romancier, producteur, cinéaste, et autres activités diverses et variées, il est un des hommes du renouveau de la culture māorie aux valeurs ancestrales. Dans ses différentes productions sont souvent analysés les conflits opposant māoris et pakehas (blancs originaires d’Europe).

La baleine tatouée, perpétuer les rites immémoriaux

Entre légendes et conte se déroule une histoire familiale mettant aux prises un arrière grand père et Kahu qui n’a qu’un seul défaut, celui de ne pas être un garçon. En effet il est inenvisageable de lui inculquer les moindres données sur la culture māorie, ni de lui céder le rôle de leader qui ne se transmet que « de fils aîné en fils aîné ».

Dès lors Koro Apirana a une seule et unique obsession, « trouver un garçon choisi par les dieux ». Peu importe à Kahu qui dès sa naissance n’a d’yeux que pour son ancêtre, passeur de traditions, si peu attentionné, qui la rejette et l’ignore. À défaut elle bénéficie de l’amour fou de son arrière grand mère, Nani Flowers, qui menace régulièrement son vieux paka de vouloir divorcer. Ses parents et son oncle adoré, Rawiri, seize ans à sa naissance, lui prodiguent également toute leur passion. En quatre temps, respectant les saisons, c’est Rawiri qui raconte cette histoire dépaysante et pleine de fraîcheur, mais également les difficultés du peuple māori à exister et perpétuer ses rites immémoriaux.

Ainsi dans les temps anciens, jaillit hors de la mer un tāhora, «une baleine gigantesque », la baleine taouée, qui « portait le signe sacré, un moko (tatouage) en forme de spirale sur son front » avec sur la tête « un homme à califourchon », un illustre ancêtre. Des mammifères qui séduisent, envoutent, par leur taille et leur douceur. Pour certains humains il est possible de communiquer avec elles. Elles s’entendent, leur chant est écouté. Divinisées elles sont mythiques. Et Kahu a en elle, dès son plus jeune âge toutes les prédispositions pour entrer en relation avec elles.

« Petite frimousse de dauphin » devenue « fillette enjouée au regard vif et à la peau brillante », curieuse, volontaire et intrépide, Kahu n’a de cesse que de vouloir attendrir et séduire le vieil homme. Sa pugnacité, sa vivacité, sa soif d’apprendre, sont des armes redoutables pour apprivoiser son aïeul. Elle lutte pas à pas avec malice dans cette société machiste, pour réaliser sa destinée, elle qui a un lien magique avec le roi des cétacés.

La culture māorie est à l’honneur dans la baleine tatouée, sans pesanteur, sans didactisme. Que ce soit la langue, les us et coutumes, les légendes, les traditions, tous sont abordés, dans des scènes du clan familial. Pour Rawiri, Whāngārā son village natal est trop étroit. Il lui faut partir vers l’Australie, où il constate la présence d’innombrables māoris qui avides « de gloire, de fortune, de pouvoir et de réussite » vivent librement leurs différences, et pour beaucoup ne font que vivoter. Puis par un concours de circonstances, il se retrouve en Papouasie-Nouvelle Guinée, dans une plantation de café.

Un livre universel sur les croyances māories

Son amitié avec le fils des propriétaires, malgré sa couleur de peau très sombre, vole en éclat. Racisme, absence du respect de la vie humaine le conduisent à rentrer d’autant plus que dans des nuages, lui était apparue « une baleine géante.  Elle portait sur la tête un moko sacré, un tatouage reluisant ». Il retrouve Kahu, « le bébé s’était transformé en une beauté aux yeux de biche et aux longues jambes, la voix pétillante et le rire contagieux. » Cette jeune fille, alerte, tenace, et les baleines vont bouleverser les modes de vie de la communauté.

Un livre universel sur les croyances māories, qui met en relief les pratiques et mythes tribaux, les préjugés machistes, le rejet, l’exclusion, la langue ancestrale. Un texte rempli d’images, de grondements, porté par la traduction fluide de Mireille Vignol, qui offre de belles plongées aux côtés des baleines. Un grand plaisir de lecture dépaysant, nourri de rêves, rempli de vie

« Hui e, haumi e, tāiki e, Ainsi soit fait. »

En savoir plus :

  • La baleine tatouée, Witi Ihimaera, Au vent des iles, mars 2022, 164 pages, 17 euros
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