Avec J’irais nager dans plus de rivières, paru entre deux confinements, Philippe Labro nous livre des souvenirs et des leçons de sagesse avec un style plaisant et efficace peaufiné par plusieurs dizaines d’années de journalisme et de rédacteur en chef. La critique et l’avis sur ce livre.
Synopsis :
Les chapitres sont courts et nombreux (46 !). Beaucoup commencent par « j’emporterai » suivi d’une longue liste faisant allusion en quelques mots à des souvenirs, des moments d’aventure, quelques vers, un morceau de musique, des personnages, que l’auteur se plait à imaginer emmener dans l’au-delà. Une « playlist » de moments chéris distingués comme pour s’en souvenir et les graver dans sa mémoire avec la pensée que « j’ai vécu des moments formidables ». Un chapitre du livre expose d’ailleurs dans une vraie « playlist » ses morceaux de musique préférés.
Très présentes aussi dans J’irais nager dans plus de rivières, des citations, remarquées et approuvées par Philippe Labro pour appuyer ses conseils de sagesse issus d’une vie bien remplie.
Au détour d’une page, Philippe Labro nous révèle le secret de fabrication du livre : ses carnets de moleskine. Comme beaucoup d’écrivains, il aime noter chaque jour, en quelques lignes, les faits marquants de sa journée, depuis l’émotion devant un paysage, à une rencontre ou encore la découverte d’une citation. Avec ce livre, nous feuilletons avec lui ses carnets.
Des rencontres fondatrices
Avec Johnny Halliday, le dialogue démarre dans une boite de nuit. Le chanteur vient vers lui en remarquant qu’ils portent le même type de santiags. Quand ils se revoient, c’est pour parler cinéma. Ils ont la même admiration pour les films américains.
Le cinéma est une autre passion de Philippe Labro. Il réalisera 7 films parmi lesquels un succès populaire l’Héritier avec Jean Paul Belmondo. Le cinéma va lui permettre d’évoluer au sein des acteurs et des réalisateurs et d’élargir ses expériences et ses relations en dehors de la presse.
A travers ces récits de rencontres, Philippe Labro décrit les amitiés qui ont compté dans sa vie.
J’irais nager dans plus de rivières revient sur sa relation avec Jean Pierre Melville, dont les films noirs très soignés continuent d’impressionner les spectateurs, mais qui était d’un caractère intransigeant et donc ne donnait pas facilement son amitié.
D’autres histoires d’amitié marquent le lecteur : Fabrice Luchini à 16 ans, première rencontre encore dans un bar, Serge Gainsbourg, à qui il propose des textes de chansons pour Jane, Françoise Giroud, pour qui il écrit à sa mort un article émouvant dans Paris Match.
Quelques conseils pour une vie réussie
Les nombreuses citations (Churchill, La Fontaine, De Gaulle, Marguerite Yourcenar, et bien d’autres y compris des extraits de petits livres écrits par son père, abreuvent à bon compte le lecteur de conseils pour une vie réussie. Sans surprise, ces conseils semblent ceux que l’auteur s’applique à lui-même et qu’il considère le caractériser. Retenons :
Le goût du travail et de l’effort : Il n’y a pas d’efforts inutiles. Sisyphe se faisait les muscles » (Roger Caillois),
La curiosité : J’ai beau faire, tout m’intéresse (Paul Valery),
Le recul sur soi-même, sur les événements avec le rappel de ce petit conseil trouvé dans le journal de Stendhal et que semblent se refiler discrètement Philippe Sollers ou Jean d’Ormesson : SFCDT pour Se Foutre Carrément De Tout.
J’irais nager dans plus de rivières : un livre tendre et finement drôle.
Le risque en écrivant un tel livre, c’est de se livrer en fin de compte à une gentille description de quelques people et surtout à une autocélébration insupportable. Mais Philippe Labro est un malin ! Encoure-t-il le reproche de nous servir trop de citations ? Il prend lui-même les devants. A propos de sa prise de parole à l’enterrement de Johnny Hallyday : “Je sacrifiais ainsi à mon amour pour la citation, à cette addiction aux « idées des autres » dont parle Simon Lyes ». Une citation pour se défendre de citer : n’est-ce pas un sommet de la drôlerie !
Il maintient donc toujours une distance par rapport à lui-même, plutôt content de lui, mais aussi visant dans ses propos une grande sincérité comme recherchant à être au plus près de sa vérité. Vérité et émotion aussi quand il fait allusion aussi à ses deux séjours à l’hôpital dont un pour dépression.
Autre preuve sympathique de lucidité : L’écrivain est un menteur sincère, un tricheur souriant, un fabulateur conscient, un sérieux mythomane.
A chaque épreuve, l’auteur se relève et en sort encore plus enthousiaste par le simple fait de vivre. C’est cet enthousiasme que le lecteur retient en premier et le livre agit comme un formidable remontant !
En savoir plus :
- J’irais nager dans plus de rivières, Philippe Labro, Editions Gallimard, octobre 2020, 304 pages, à partir de 14.99 euros (version numérique)