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Critique / “Le serment” (2021) : Thomas Lilti retourne à l’hôpital

Dans son livre Le serment sorti le 20 janvier dernier aux éditions Grasset, le médecin et cinéaste Thomas Lilti raconte comme il a décidé de redevenir soignant au sein de l’hôpital Robert Ballanger en mars dernier durant le premier confinement lié au Covid-19. L’avis et la critique livre de Bulles de Culture. 

Synopsis :

Parfois je me demande ce qui est du domaine de la fiction et ce qui est du domaine de la réalité. Qu’est-ce que j’ai inventé pour mes personnages et qu’est-ce que j’ai vraiment vécu  ? Est-ce que moi je les ai passés, mes diplômes  ? J’ai des montées d’angoisse. Qu’est-ce qui prouve, là, maintenant, que je suis réellement médecin  ?…

Le serment : le constat d’un appareil de santé en souffrance

Au début de ce livre confession, Le serment se lit comme un making of du tournage de la saison 2 de la série Hippocrate, réalisée par Thomas Lilti pour la chaîne de télévision Canal +. “Ca fait donc huit semaines que je suis en train de tourner, ça se passe très bien. J’essaye, peut-être plus que dans la saison 1, de raconter les autres corps de métier de l’hôpital, que sont les infirmiers, les aides-soignants, les agents hospitaliers, les administratifs” écrit l’auteur au début de son ouvrage.

Puis, le confinement lié à la crise sanitaire survient, contraignant à la suspension du tournage. Plutôt que de partir en province avec sa famille, le cinéaste, diplômé en médecine, choisit de remettre la blouse pour venir en aide aux hôpitaux en sous effectifs. L’auteur fait alors le triste constat d’un appareil de santé en souffrance dont les manques, déjà présents au moment de ses études, se sont inexorablement aggravés depuis qu’il a quitté la profession.

Thomas Lilti évoque notamment le problème de la pénurie de matériels médicaux, la sous valorisation des médecins étrangers qui souhaitent obtenir une équivalence en France ou encore la responsabilité des étudiants en médecine parfois laissés sans sénior durant les gardes de nuit. Le livre dresse ainsi une vision neutre de l’intérieur d’un système médical en difficulté en se gardant d’un jugement politique. 

La question de la légitimité

Très vite, la question de la légitimé du retour en médecine de Thomas Lilti est abordée. Ces atermoiements deviennent très rapidement le centre de cet essai introspectif. N’ayant plus exercé depuis plusieurs années, le Conseil de l’Ordre des médecins émet des réserves à sa reprise d’activité médicale. L’occasion pour l’auteur de faire un bilan sur son parcours atypique. Celui-ci écrit avoir toujours rêvé de faire du cinéma mais entreprendre des études de médecine sous la pression d’un père charismatique, lui-même gynécologue. Durant les rudes d’années d’enseignement, dont le climat de violence est d’ailleurs retranscrit dans son film Première année, l’interne fait des rencontres “centrales” qui font le ciment de sa vocation, comme celles d’Arben, jeune étudiant Albanais, ou de Madjid, médecin d’origine algérienne. 

On sent dans les diverses anecdotes racontées par Thomas Lilti toute sa souffrance autour d’un positionnement qu’il semble ne pas avoir totalement trouvé. D’un côté, il n’est plus considéré comme un médecin, à commencer par ses propres pairs l’empêchant de reprendre son activité passé pendant le confinement, en lui proposant maladroitement d’exercer uniquement en tant qu’infirmier. A l’inverse, aux yeux des professionnels du cinéma, il y a cette crainte du réalisateur d’Hippocrate d’être marginalisé en étant perçu que comme le médecin qui fait des films.

Autour de ces confessions intimes qui sont autant un carnet du quotidien qu’un retour dans le passé, Thomas Lilti s’en sort construit d’un nouvel élan. Sur le plan personnel, il s’engage d’être moins dur vis-à-vis de ses collaborateurs, sa fine équipe qui le suit depuis tant d’année. S’agissant de ses récits, le cinémédecin souhaite désormais raconter avec toujours plus de justesse la vie quotidienne de ces soignants, héros de cette crise : “Ce qui nous réunissait, c’était la fiction. C’était ce que nous étions en train de raconter, ce que je m’évertue à exposer depuis des années à travers mes films et la série“. 

En savoir plus :

  • Le serment, Thomas Lilti, Editions Grasset, janvier 2021, 162 pages, 16,00 euros
Antoine Corte

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