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Critique / “Le Corps, le Sang, la Rage” d’Elsa Vallot : l’envers de BAC Nord

Le Corps, Le Sang, La Rage est le premier roman d’Elsa Vallot. Une histoire forte, proposant le thème des violences policières, entre réflexion, tolérance, justice et différence. Née en région parisienne en 1994, Elsa Vallot a grandi entre l’île de la Réunion et le XVIIIe arrondissement de Paris. Doctorante en littérature et théorie critique à l’université de Californie du Sud (Los Angeles), elle se passionne pour le rap, la musique hip-hop, la boxe thaïlandaise, l’histoire des luttes populaires, les féminismes et les antiracismes. Elle vit et écrit à Barbès, entourée de ses voisins et amis. La critique et l’avis sur le livre. 

Cet article vous est proposé par un rédacteur-invité, le chroniqueur Gilles M.

Synopsis :

Ecrit à la deuxième personne du singulier, ce roman, composé de courts chapitres, s’adresse à une personne dont on ne connait ni le genre, ni la  couleur de la peau. On sait seulement qu’elle vit avec son père en région parisienne et que comme de nombreux jeunes issus de classes populaires, elle est la cible de violences policières. Elle décide un jour de franchir les portes d’une salle de boxe. Elle y trouvera un nouveau rapport à son corps et à son environnement avec une confiance et une colère nouvelles.

Le choix de l’intime

Le titre habile du roman, haché comme le style d’Elsa Vallot, nous met sur la piste : il va d’abord être question d’un corps. Un corps qui le plus souvent souffre pendant et après des séances de Muay-thaî, un type de boxe plutôt violent, ou après des coups « A l’intérieur tout pique, tout brule, tu ne te sens pas à la hauteur, avec mille soleils, toi tu as plongé dans la nuit ».

On suit ce corps entre le deux pièces de la cité partagé avec le corps du père et la salle de boxe sans autre échappée. Un corps pensant cependant. Pendant les trajets, sur le ring, dans l’appartement, le lecteur ne quitte pas ses pensées et souvent sa rage.

La pratique de la boxe donne du sens à ce corps, lui donne un objectif. Le roman est donc aussi l’histoire d’une libération, de la sortie d’un pessimisme s’approchant de la dépression. La participation à une compétition sera l’ultime étape vers le salut.

Le choix d’un narrateur s’adressant au personnage du roman accentue l’intimité du huis clos narrateur-personnage et ce d’autant plus que il est possible de suspecter que le narrateur n’est autre que l’auteur du roman s‘adressant à lui-même.

L’envers de « BAC Nord »

On se souvient que  le film BAC Nord, sorti en salle cet été, suit 3 policiers dans leurs incursions violentes dans des cités à Marseille. A la recherche de dealers, ils sont régulièrement intimidés, menacés, au point de ne plus envisager une entrée dans la cité qu’en nombre avec une organisation quasi militaire.

Le Corps, Le Sang, La Rage développe le point de vue des jeunes de la cité et montre les policiers comme une menace sourde, un rappel quotidien  de leur difficulté à s’insérer et à être libre et heureux.

Le conflit jeunes-policiers culmine avec le récit, au plus près du vécu de la victime, s’étendant sur plusieurs chapitres d’une séance de violences gratuites sans autres motivations que de punir la prise de vues avec un smartphone pendant une interpellation.

Une écriture subtile

Le style d’Elsa Vallot est original. L’absence périodique d’articles, la modification de la place des mots dans la phrase par rapport aux règles syntaxiques classiques le rapproche du rythme du rap.

Chaque chapitre se termine par une citation, une phrase issu d’autres livres dont les auteurs sont cités en vrac à la fin du livre avant un glossaire utile sur les termes de la boxe thaïlandaise. La citation ouvre ainsi régulièrement une sortie au  huis clos et  évoque  l’universalité des propos.

Il est facile de tomber sous le charme de ce style et on referme le livre instruit, ému d’un point de vue rare et précieux.

En savoir plus :

Bulles de Culture - Les rédacteur.rice.s invité.e.s

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