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Critique / “La Maharani de Jaipur” (2021) d’Isaure de Saint Pierre

Isaure de Saint Pierre est une grande voyageuse. Née en 1944, elle publie son premier livre en 1973 et depuis n’a pas cessé de voyager pour son métier de journaliste (Paris match, VSD, Elle, GEO..) et d’écrire des romans. Ses sujets de prédilection sont les personnages historiques injustement décriées, surtout des femmes, comme Roxelane l’épouse de Soliman le Magnifique, Aliénor d’Aquitaine ou encore la Kahina, reine guerrière de berbères, Sa bibliographie riche d’une soixantaine de romans, romans historiques, romans policiers historiques, biographies, nouvelles et albums de voyages dessine en creux le portrait d’une auteure amoureuse de liberté et de grands espaces, solidaire de toutes les injustices en particulier de celles concernant les femmes de l’histoire. Grande habituée de l’Inde, où elle a été envoyée comme jeune journaliste pour couvrir la vie quotidienne du Dalaï-Lama, sa curiosité lui fait rencontrer l’histoire de la princesse Gayatri Devi élevée dans le luxe des palais des maharajahs, cernée par traditions ancestrales mais toujours éprise de liberté. La critique et l’avis sur le livre

Cet article vous est proposé par un rédacteur-invité, le chroniqueur Gilles M.

Synopsis :

La princesse Gayatri Devi, est élevée en Angleterre et en Suisse. Dès l’âge de douze ans, elle tombe amoureuse du maharajah de Jaipur  (1912-1970) dit Jai, régnant sur cette cité du Rajasthan de stricte tradition. Non sans mal, elle obtint la permission de l’épouser à sa majorité, même si elle ne devait être que sa troisième épouse. Elle devient ainsi Maharani de Jaipur. Avec l’accord d’un époux amoureux, elle s’émancipa, modernisa la ville, créa des écoles. Elle devint même députée, combattit politiquement Indira Gandhi, qui la fit brièvement emprisonnée.

De l’histoire…

Le roman démarre en 1931. Gayatri Devi est âgée de 12 ans et mène la vie dorée d’une princesse d’un petit état du nord de l’Inde. Son prénom est alors encore Ayesha. A cette époque l’Inde est encore un ensemble de territoires gérés par des maharajahs tous plus riches les uns que les autres et dont la principale occupation en dehors du polo pendant leur jeunesse dorée, semble de se visiter les uns les autres pour des fêtes luxueuses dans leurs palais magnifiques. L’Inde est intégré dans l’empire britannique mais celui-ci s’appuie pour  la gestion locale des territoires sur les maharajahs et se contente d’exercer les fonctions internationales.

Ce paysage politique va évoluer progressivement avec l’indépendance du pays obtenu sans violence par Gandhi et accordée par le gouvernement anglais travailliste de l’époque en 1947. Ecrit par une spécialiste de l’Inde, le roman excelle à décrire à hauteur d’hommes (à hauteur de maharajahs !) les conséquences de la grande histoire. Gayatri et Jai sont ainsi en première ligne pour appliquer la sécession avec le Pakistan, le royaume de Jaipur dans le Rajasthan étant situé à côté de la nouvelle frontière.

Plus tard Jai est aussi impliqué avec sa petite armée dans la guerre désastreuse avec la Chine pour les frontières himalayennes en 1962.

Mais le pire est à venir. Indira Gandhi qui succède de justesse à son père en 1967 applique un programme socialiste et s’attaque aux pouvoirs des maharajas en mettant fin à leur privilège et réduisant les montants financiers accordés.

Gayatri Devi s’engage dans la politique dans un parti opposé à Indira Gandhi et sa popularité la fait élire au parlement avec une majorité considérable !

En vieillissant, après un épisode humiliant d’emprisonnement abusif alors qu’elle est déjà veuve en 1971, elle se retirera dans un palais plus réduit. Désormais les soubresauts de l’histoire de son pays se feront sans elle. Le roman s’arrête à cette époque. Une annexe nous apprend que Gayatri vivra jusqu’à 90 ans et s’éteindra parmi les siens en 1997.

Et des sentiments

La couverture du livre nous donne à voir la princesse. On lui donne une vingtaine d’années. Peut être vient-elle d’épouser son Maharajah favori. Elle est fine, délicate, élégante avec un sari moderne, très jolie. Elle pose devant un palais. De grandes fleurs à sa gauche nous en montre le luxe. Elle parait un peu rêveuse, mais ses bras croisés montrent son caractère volontaire.

Tout le long du récit d’Isaure de Saint Pierre, Gayatri va démontrer son courage et sa volonté.

Il y a d’abord sa détermination à épouser ce prince dans le début du récit. Ils se rencontrent  quand elle a 12 ans, lui 21 ans et se plaisent immédiatement. Mais leur amour doit surmonter quelques obstacles. Jai possède déjà deux épouses et elle sera la troisième épouse. Elle n’est pas prête non plus à être une femme invisible, cachée, soumise comme la plupart des épouses de l’époque. Sa famille lui demande d’attendre sa majorité alors qu’elle est si impatiente.

Une fois mariée, elle se montrera habile, et mettra en œuvre sa gentillesse naturelle et son intelligence pour s’intégrer dans les familles des épouses en aimant avec tendresse les enfants des précédents mariages.

Elle fait ensuite preuve de beaucoup de diplomatie pour s’associer à l’autorité du maharajah pour gouverner sa région. Ses études en Angleterre, en Suisse lui donne le gout et la légitimité pour conduire la modernisation et revoir le rôle des femmes. Elle obtient ainsi la création d’une école spécialement pour elles.

Son courage est aussi manifeste quand elle entre en politique, passant l’épreuve de parler en public dans de grandes assemblées et pour incarner l’opposition au régime en place.

Isaure de Saint Pierre : l’art du récit

Habitué aux grands voyages, Isaure de Saint Pierre nous fait voyager dans un style fluide dans toutes les régions de l’Inde, de palais en palais, pour accompagner les deux amoureux du roman.

Elle excelle à décrire en détails la magie et le faste des grandes fêtes comme celles  des lumières qui ouvre la nouvelle année sous les feux d’artifice ou  le Holi, une célébration exubérante du printemps  ou encore la fête de Durgapuja célébrée par la caste des Kshatiyas à laquelle appartiennent la plupart des familles princières, la caste des guerriers.

Psychologue, elle nous fait vivre l’intimité du couple, de leur famille, et montre  comment la jeune princesse formée en occident  va à la fois trouver sa place dans ce monde très traditionnel et contribuer à le faire évoluer.

Gayatri rejoint ainsi  toutes les femmes de l’histoire, rebelles mais constructives, éprises de liberté dont l’auteur aime à réhabiliter l’image dans toute son œuvre.

En savoir plus :

Antoine Corte

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