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“Blue Ruin” (2013), le bleu est une couleur sombre

Dernière mise à jour : mai 21st, 2016 at 01:21 am

Si comme le dit l’adage la vengeance est un plat qui se mange froid, on sait depuis bien longtemps qu’elle est aussi un plat que les dramaturges en tout genre aiment à nous resservir à toutes les sauces. L’enjeu pour Jeremy Saulnier était de prendre ce sujet à bras le corps et d’y apporter sa touche personnelle avec son nouveau film intitulé Blue Ruin.

La vengeance est un véritable dilemme moral qui pose la question de la légitimité de la loi du talion. Ce thème millénaire permet d’interroger le genre humain et de placer le spectateur face à cette question cruciale : ai-je le droit de me faire justice moi-même ?

S’il connut sa renommée grâce aux œuvres majeures de la littérature que sont  Hamlet  et Le comte de Monte-Cristo, le thème de la vengeance a depuis longtemps été repris par le 7ème art qui au fil des décennies a livré pelletées de pellicule ayant ce sujet au cœur de son récit.

On se souviendra notamment du Kill Bill de Tarantino, de la série des Justicier dans la ville avec papy Bronson et du magistral thriller coréen J’ai rencontré le diable de Kim Jee-Woon.

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Et comme bien souvent la patte du réalisateur vient du traitement des personnages, car dans Blue Ruin, point de Charles Bronson démastiquant de la racaille à la mitrailleuse ou d’Uma Thurman habillée en jaune et tâtant du sabre.

Dès les premières minutes de Blue Ruin, Saulnier nous présente le quotidien fait de larcins et d’errance d’un vagabond nommé Dwight (Macon Blair), plus barbu que le père Fouras et ne sentant sans doute pas la rose du matin. Qui est-il ? D’où vient-il ? A-t-il de la famille ? Pourquoi ? Comment ?
Saulnier choisi malicieusement de ne pas répondre de suite à toutes ces questions.

Toujours est-il que la prochaine sortie de tôle d’un criminel nommé Wade Cleland va mettre ce cher Dwight dans un état second,  avec une seule idée en tête : retrouver Wade et le tuer.

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Pourquoi ? Toujours pas de réponse, et bien que le spectateur de Blue Ruin doit se douter qu’il ne s’agit pas d’un contentieux à propos d’une clôture mal placée dans le voisinage, il n’aura que très peu de temps pour se poser des questions puisque au bout de 15 minutes, Dwight trouve effectivement sa proie et la trucide dans les toilettes d’un bar. On a connu mort plus honorable.

Un contre pied habile de Saulnier qui à contrario de 90% des films nous montrant la vengeance comme étant une fin en soi et bien souvent à la conclusion du récit. Celle de Blue Ruin va être au contraire la source de toutes les emmerdes et péripéties que Dwight va devoir affronter par la suite.

Car si le fait de se venger était aussi simple qu’ouvrir une boîte de conserve, le film n’aurait duré qu’une demi-heure et hop tout le monde à la maison !! Mais comme toute action entraîne forcément une réaction notre vagabond local va devoir faire face au courroux de la famille Cleland, sorte de Rednecks abonnés à la NRA, et ainsi protéger le peu de chose (sa famille) qui le rattache encore au monde des humains.

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Si les grands thèmes inhérents aux « films de vengeance » comme l’engrenage de la violence ou l’auto-destruction du personnage sont parfaitement respectés, l’identification est la principale force de Blue Ruin.

Il fallait toute la subtilité du jeu d’acteur de Macon Blair pour nous faire ressentir tous les tourments que ressent ce « Monsieur tout le monde » qui ne va pas prendre conscience de la portée de ses actes. Saulnier parvient avec brio à enchaîner les moments de tension avec ceux permettant aux spectateurs de reprendre leur souffle, notamment lors de cette scène fendarde où Dwight retrouve un de ses copains d’enfance. Les nostalgiques des années 90 pourront reconnaître l’acteur Devin Ratray, le fameux Buzz, frère tortionnaire de Macaulay Culkin, dans la série des Maman j’ai raté l’avion.

Alors que l’on pouvait craindre une histoire plus terre-à-terre que les autres films du genre, aux excès plus grands que nature et à un moralisme de bas étage souvent propre au film d’auteur, il n’en est rien.

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Loin de se poser en apologiste ou en dénonciateur du comportement de son principal protagoniste, Saulnier et sa réalisation de toute beauté (à signaler car rare pour un film indépendant) se posent d’abord comme témoin de ce monde en totale déliquescence où la violence semble être le seul moyen de résoudre les problèmes.

Malgré la volonté d’apaisement de Dwight lorsqu’il prendra conscience que les choses lui échappent, ce qui a commencé dans le sang doit finir dans le sang.

Si Jeremy Saulnier reste cantonné pour l’instant dans le circuit indépendant, il serait de bon ton que nos distributeurs donnent plus d’exposition au prochain long-métrage d’un réalisateur qui dépeint implicitement le monde avec plus de justesse et qui a certainement plus de choses à dire que certains de ses confrères se revendiquant du label « auteur ».

 

 

En savoir plus :

  • Date de sortie France : 09/07/2014
  • Distribution France : The Jokers / Le Pacte

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