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Charité guerre froide image série télé
Nina Kunzendorf, Uwe Ochsenknecht, Philipp Hochmair et Nina Gummich dans la série "Charité : guerre froide" © ARD / Stanislav Honzik

Critique / “Charité : guerre froide” (2021) : une troisième saison pour faire le mur

Troisième saison, troisième période, Charité : guerre froide fait revivre cette fois les jours de 1961 qui précèdent et suivent la construction du mur de Berlin. L’avis et la critique série de Bulles de Culture sur cette saison qui tient les promesses de cette jolie série historico-médicale.

Synopsis :

Lorsqu’Ella (Nina Gummich), jeune médecin ambitieuse, est mutée à l’été 1961 à l’hôpital de la Charité, de renommée mondiale, à Berlin, c’est l’occasion qu’elle attendait. Mais son arrivée coïncide avec la construction du mur de Berlin, et l’hôpital — situé juste à la frontière entre l’Est et l’Ouest — se retrouve au cœur de bouleversements politiques et personnels, de loyautés mises à l’épreuve, de dilemmes médicaux difficiles et de percées extraordinaires.

Avec la construction du mur, la Charité perd du personnel précieux au profit des hôpitaux de Berlin-Ouest. Ella est déterminée à convaincre l’éminent chirurgien Otto Prokop (Philipp Hochmair) de l’aider dans ses recherches révolutionnaires sur le traitement du cancer, mais elle doit d’abord prouver sa loyauté.

Même si l’hôpital fait des progrès considérables dans les domaines émergents de la psychologie, de la médecine légale et de la chirurgie de changement de sexe, la suspicion soviétique et la rivalité entre les départements maintiennent tout le monde sur le qui-vive.

Charité : guerre froide : une filiation bien ficelée

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Max Wagner et Nina Gummich dans la série “Charité : guerre froide” © ARD / Stanislav Honzik

Fin du XIXe siècle, Seconde Guerre mondiale, et maintenant année 1961 : le temps continue à faire un bon en avant dans la saison 3 de Charité.

Après Sönke Wortmann pour la saison 1 et Anno Saul pour la saison 2, c’est cette fois-ci Christine Hartmann qui est à la réalisation.

Autre changement : les deux autrices des premières saisons (Dorothée Schön et Sabine Thor-Wiedemann) ont laissé place à un trio (Stefan Dähnert, Christine Hartmann et Thomas Laue). Et malgré ce renouvellement d’équipe, la filiation avec les deux premières saisons est claire : mise à l’honneur de personnages féminins, intérêt poussé pour des avancées majeures de la médecine, et savant équilibre entre fiction et Histoire.

Le continuum avec la saison précédente est même plus net encore :

  • une période de crise politique importante ;
  • une mise en scène de choix personnels variés et de leurs motivations diverses ;
  • un rapport compliqué de l’Allemagne avec le passé nazi ;
  • l’incidence d’un régime autoritaire et totalitaire sur l’exercice de la médecine.

Et nul doute d’ailleurs que ce qui avait excellemment marché dans la saison 2 continue de marcher très bien dans cette troisième saison, Charité : guerre froide, où les vocations scientifiques viennent se frotter au politique. Les intrications plus ou moins complexes du médical, du politique et de l’individuel fonctionnent magnifiquement et offrent six épisodes fascinants.

Comme dans les deux premières saisons, les personnages, qu’ils soient historiques ou fictionnels, sont attachants et nuancés. Les femmes ne restent pas au second plan, mais occupent des rôles importants : ambitieuses dans leur vocation, entreprenantes dans leurs recherches, brillantes dans leur engagement au service de la médecine, exemplaires dans leur devoir, on comprend que la réussite de l’hôpital leur doit beaucoup.

Une accélération des avancées médicales

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Uwe Ochsenknecht et Muriel Bielenberg dans la série “Charité : guerre froide” © ARD / Stanislav Honzik

Charité : guerre froide montre bien l’accélération des avancées dans la médecine de ce début d’années 1960. Autour de la figure du très médiatique docteur Otto Prokop (Philipp Hochmair) se dessinent en effet les progrès en médecine légale, mais aussi les avancées dans les analyses sanguines (identification de l’ADN, étude des influences des groupes sanguins) et les débuts des recherches dans la détection et le traitement des cancers.

C’est d’ailleurs autour de ce dernier axe de recherche qu’apparaît l’attachant et pertinent personnage d’Ella Wendt (Nina Gummich), jeune médecin qui cherche à trouver dans les analyses sanguines des marqueurs du cancer.

Autre personnage historique central de cette saison : Ingeborg Rapoport (Nina Kunzendorf) dont les travaux en pédiatrie conduisirent à la reconnaissance de la néonatalogie, et qui reçut à 102 ans, en 2015, le doctorat de l’université de Hambourg qu’elle n’avait pu obtenir sous le régime nazi en 1937.

Au delà de ce symbole, la présence enrichissante de ce personnage dans la saison 3 de Charité permet de montrer le fort sexisme que devaient affronter les femmes spécialistes dans le milieu hospitalier — sexisme dont on sait qu’il est encore cruellement d’actualité.

Des thématiques d’actualité

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Nina Kunzendorf et Patricia Meeden dans la série “Charité : guerre froide” © ARD / Stanislav Honzik

Autre force de ce troisième volet des aventures de l’hôpital berlinois de la Charité, son fort ancrage social qui le fait entrer en écho avec notre actualité.

Placée au coeur de la saison 3 de Charité, et cela du début à la fin, la fuite des cerveaux est abordée du point de vue de la région de départ : l’hôpital de la Charité étant placé à Berlin Est, à quelques pas du mur, il voit ses personnels passer massivement à l’Ouest.

En revenant à l’origine de cette terminologie de “fuite des cerveaux” et à l’année qui ouvrait le débat sur ce phénomène, Charité : guerre froide permet de se souvenir que le phénomène se poursuit, et qu’il s’aggrave aujourd’hui en ce qu’il pénalise les pays les plus pauvres.

Autre thématique éminemment sociale, celle des maladies professionnelles et de l’omerta qui les entoure. Charité : guerre froide la met brillamment en scène, montrant à la fois les pressions des entreprises, soutenues politiquement afin que le silence se poursuive sur les maladies du travail et les risques professionnels auxquels sont exposés les ouvriers et ouvrières sans être averti-e-s ni protégé-e-s, mais aussi la colère de celles et ceux qui prennent conscience du sacrifice qui est fait sciemment de ces vies humaines.

Si on est pas encore à l’heure des lanceurs et lanceuses d’alerte, on s’en approche cependant.

Au carrefour du politique et du médical, on voit encore intervenir les politiques différentes de la RFA et de la RDA à propos du vaccin soviétique contre la polio, l’Ouest se méfiant de ce vaccin venu d’URSS à l’efficacité pourtant reconnue… Une posture de méfiance qui fait écho à notre actualité immédiate de crise de COVID.

La série aborde enfin l’épineuse question du “tri” qui doit tragiquement s’opérer quand l’approvisionnement en médicaments ne permet pas de traiter tou-te-s les patient-e-s qui en auraient besoin, autre thématique qui entre en résonance avec notre actualité médicale de pandémie.

Notre avis ?

Comme ses grandes soeurs, cette troisième saison de Charité est réussie et enthousiasmante. On aime beaucoup la dimension historique et politique de Charité : guerre froide, ainsi que la place qu’elle laisse pour peindre avec nuances les destinées individuelles.

En savoir plus :

  • Charité : guerre froide (6 épisodes de 52 minutes) est diffusé sur Histoire TV les jeudis à 20h50 du 13 au 27 janvier 2022
  • La série est également proposée en replay pendant 60 jours
  • Les épisodes font une cinquantaine de minutes chacun.
Morgane P.

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