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[Critique] “Nage libre” (2017) de Laure de Rivières

Dernière mise à jour : mai 31st, 2019 at 10:36 pm

Laure de Rivières, après plusieurs années consacrées au journalisme et à la communication, vient de publier Nage libre, un recueil de nouvelles, aux Éditions ThoT. C’est un regard presque exclusivement féminin qui fait la singularité de ce premier livre. L’avis de Bulles de Culture.

Synopsis :

Nage libre rassemble dix-neuf nouvelles aux titres tantôt intrigants comme Chaux-froid, Blanche-fucking-neige, tantôt prosaïques comme  Le Déodorant, Petit Déj’, Transit, à côté de thèmes a priori plus classiques dans la littérature pour La Forêt, La Traversée, Mauvaise mèreLaure de Rivières nous propose ainsi quantité de voyages et d’univers, parfois très éloignés, mais dont le dénominateur commun serait la place que les femmes y occupent : place centrale, quels que soient leur âge, leur position sociale ou bien encore leur destin.

Nage libre : du récit contemporain au conte cruel

Laure de Rivières image
© Aimée Rentmeester

Le recueil de Laure de Rivières s’ouvre sur la nouvelle Nage libre qui donne son titre au livre. On y décrit brièvement ce qu’est le monde du sport de haut niveau : l’angoisse des parents, la préparation à la compétition, l’hôtel, les derniers mots du coach avant l’épreuve, la montée d’adrénaline le jour J. Sublime réussite. Le ton est donné. Ces nouvelles vont ensuite se succéder sans logique apparente, ce qui provoque un effet plaisant de surprise : parfois réalistes, à forte dimension psychologique et contemporaine, mais aussi horrifiques ou cruelles.

La Forêt, par exemple, brosse le tableau d’une partie de chasse au cours de laquelle la narratrice, héroïne esseulée dans un univers d’hommes et de bêtes, fait une drôle de rencontre, digne d’un récit mythologique. Rêve ou réalité ? On ne saurait trancher. Chaux-Froid rappelle de son côté l’univers d’un Claude Chabrol où se rencontrent et se heurtent les mondes des notables et des domestiques. La bêtise, alliée à la méchanceté et à la cupidité dans cet univers de domination sociale, amène une véritable chute, satirique et cruelle par sa mise en scène grotesque et absurde.

Une quête de la vérité, au-delà des conventions

Nage libre de Laure de Rivières fait aussi la part belle à la société contemporaine, à ses masques et aux faux-semblants d’une société plutôt privilégiée. Ados en rébellion, femmes quittées, femmes qui aimeraient bien tromper leur mari ou exprimer vraiment ce qu’elles portent en elles. Pauvres petites filles riches en robes roses et cols Claudine, vivant en pensionnat, qu’on imagine volontiers délaissées par des parents occupés ailleurs. Vie de château où l’on est capable de prendre des décisions pour le moins surprenantes. Récit nerveux et virulente dénonciation en creux des appétits sexuels d’un homme de pouvoir qui ne s’embarrasse pas de la question du consentement : où l’on voit que tout questionnement moral s’est dissous au profit de la satisfaction immédiate et brutale de désirs déréglés. Et dans des registres encore différents, inclassables, on pourra aussi apprécier le détournement punk d’un conte traditionnel (Blanche-Neige), une histoire autour de la psychiatrie expérimentale, mêlée bien malgré elle à de sordides querelles d’argent.

Toutes les nouvelles de Nage libre ont en commun de mettre au cœur du récit un personnage de femme, à l’exception de la dernière, qui fait alterner point de vue masculin et point de vue féminin. Comme on pourra le constater à la lecture, la liberté n’est pas une donnée acquise pour ces femmes, prises dans des relations qu’elles subissent parfois ou qui comportent, quelles qu’elles soient, leur lot de contraintes. Car toutes ces femmes sont en relation et expriment précisément leur singularité dans la relation. Or, l’équilibre semble précaire car tout change ou peut basculer irrémédiablement : depuis les situations banales comme le départ inévitable des enfants devenus grands jusqu’aux infidélités, ruptures, voire meurtres pour les cas les plus extrêmes.

La rédaction de Bulles de Culture vous conseille donc de découvrir ce premier livre, à l’écriture précise et élégante, une sorte d’objet précieux, parfois assez trash et jubilatoire, qui met en scène des personnages ultra-contemporains. Par effet de miroir, ils nous renvoient une image qui nous concerne forcément, fût-ce dans le secret de nos têtes ou de nos cœurs, car la morale et le vernis des conventions n’ont rien à voir avec ça. Seulement la vérité, telle quelle : Nage libre.

En savoir plus :

  • Nage libre, Laure de Rivières, Éditions ThoT, novembre 2017, 180 pages, 17,50 €
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Marie-Laure Surel

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