Sur Bulles de Culture, art, cinéma, littérature, musique, spectacles, télévision... chaque jour, la culture sort de sa bulle.
<i>Toto et ses sœurs</i> (2014) d'Alexander Nanau 1 image

Toto et ses sœurs (2014) d’Alexander Nanau

Dernière mise à jour : janvier 13th, 2016 at 11:25 am

Toto et ses soeurs affiche

Toto et ses sœurs (Toto si surorile lui) d’Alexander Nanau est un documentaire roumain troublant qui suit trois enfants qui tentent de survivre dans un ghetto misérable de Bucarest. L’un d’entre eux, Toto, a une personnalité solaire et un âge où la détermination d’accomplir ses rêves surpasse les difficultés de la vie.
    

Synopsis :

Au cœur d’une famille rom en pleine désintégration, émerge la figure de Totonel, 10 ans, dit Toto. Avec passion, il apprend à lire, écrire et danser. Surtout danser. Au milieu du chaos ambiant, ses deux sœurs, essayent de maintenir le mince équilibre de la famille.

       
Trois enfants, seuls, dans le ghetto

 

Toto et ses sœurs d’Alexander Nanau est l’histoire d’un enfant et de deux adolescentes, Andrea et Ana, livrés à eux-même dans un des ghettos de la périphérie de Bucarest en Roumanie. Leur mère est en prison pour trafic de drogue et c’est à ses frères toxicomanes qu’elle a confié ses enfants. Ces derniers vivent dans une seule pièce, insalubre et sans eau courante. La nourriture manque, l’hygiène est déplorable, l’odeur parfois nauséabonde.

A la nuit tombée, les oncles junkie investissent le lieu malgré le refus des sœurs de Toto. “Il y en a pour toi”, dit l’un d’eux à Ana, la sœur aînée. Ils se shootent là où les enfants se chamaillent et dorment. Les seringues sont proches, très proches de l’enfant mais aussi de la caméra. Les plans deviennent insoutenables de part cette proximité avec la misère, avec la chair que l’on transperce jusqu’aux veines.

 

Du cinéma direct

 

Toto et ses soeurs
© JHR Films

 

La proximité, c’est ce que le réalisateur Alexander Nanau, allemand d’origine roumaine, a cherché à établir avec les trois enfants, forts de caractère, qu’il a choisis au sein du ghetto pour mener le film Toto et ses sœurs qui, à l’origine, était une commande d’une société de production désireuse de faire un film sur la communauté rom.

Alexander Nanau a tourné pendant quatorze mois à deux, voire parfois trois caméras. Au tournage, il s’agissait pour lui de se rendre invisible en tant qu’auteur-réalisateur afin que le dispositif cinématographique ait le moins d’impact possible sur le réel.

A la manière du cinéma direct. Il s’agit de capter les événements sans interagir sur eux, de ne pas mettre le réel en scène et ainsi, le documentaire ne court plus après l’action. Il n’est plus en retard par rapport à elle. Il est dans l’action au moment-même où elle se passe.

Pour Alexander Nanau, “lorsque le documentariste est à l’écran, par la voix-off ou à l’image, on peut se sentir à distance. Je voulais éviter cela en restant invisible. Notre intimité m’a permis de raconter une histoire à la manière d’un narrateur omniscient, sans que ma présence ne perturbe le cours des choses”.

 

Une caméra subjective

 

Toto et ses soeurs
© JHR Films

 

C’est ainsi – devant une caméra qui se place à leur hauteur – que nous suivons Toto et ses deux sœurs dans la dure réalité de leur quotidien. Dans un tel environnement, d’où peut provenir l’espoir ?

Si les talents de Toto pour le hip-hop se dévoilent de manière relativement fluide et solaire, pour ses deux sœurs, adolescentes analphabètes, les choses sont plus conflictuelles. Ana, 16 ans, fidèle à sa mère, se drogue. Mais Andrea, 14 ans, refuse que la misère ne prenne le dessus. Munie d’une petite caméra, elle se filme d’abord chez ses amies avec lesquelles elle s’amuse comme n’importe quelle adolescente puis, seule, pour parler de sa souffrance. Elle filme ensuite Toto dans sa progression artistique, l’interroge sur ce qu’il ressent lorsque tous deux sont placés dans un orphelinat, alors que leur sœur aînée, Ana, après un bref passage en prison et devant les tribunaux, a refusé de les suivre.

Si l’une suit les traces de la mère narcotrafiquante, la deuxième sœur, Andrea, s’affirme en tant que sujet. Elle se dissocie de la mère. En filmant son quotidien et celui de son frère en caméra subjective, elle réalise un film à l’intérieur du film, celui de deux enfants qui deviennent les auteurs de leurs vies et qui comprennent que pour s’en sortir, il est préférable pour eux de ne plus vivre avec leur mère.

Toto et ses soeurs d’Alexander Nanau est un très beau documentaire, juste et plein d’espoir, une belle leçon de cinéma, à ne pas manquer en ce début d’année.

 

 

En savoir plus :

  • Toto et ses sœurs a reçu le Grand prix du Festival Premiers Plans d’Angers 2015
  • Date de sortie France : 06/01/2016
  • Distribution France : JHR Films / Wide
Laurence Henry

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.