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Jean-Luc Lagarce image couverture Journal 1990-1995

Top 3 des meilleurs livres de Jean-Luc Lagarce pour dépasser “Juste la Fin du monde”

Dernière mise à jour : juin 22nd, 2021 at 03:43 pm

2/ J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne de Jean-Luc Lagarce

La deuxième œuvre de notre top 3 des meilleurs livres autour de Jean-Luc Lagarce et Juste la Fin du monde est encore une œuvre dramatique de la fin de vie de l’auteur en 1994.

Un long et beau titre pour celle-ci : J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne.

C’est une pièce de théâtre magnifique autour de cinq femmes : l’Ainée, la Mère, la Plus Vieille, la Seconde, la Plus Jeune.

Les cinq femmes attendent le retour du fils qu’autrefois le père a chassé. Le fils revient enfin, mais il s’écroule en entrant. C’est une autre attente qui s’ouvre alors, est-ce celle du réveil ou est-ce celle de la mort de cet être tant attendu ?

La douleur de l’absent, la douleur de l’absence

Jean-Luc Lagarce image couverture J'étais dans ma maisonNous sommes donc à nouveau dans le cénacle familial, comme dans la pièce de théâtre Juste la Fin du monde. Mais ici, le drame a déjà eu lieu : les affrontements violents entre le père et le fils ont fait partir le fils qui n’est jamais revenu, même à la mort du père. Un autre drame vient de faire irruption juste avant le début de la pièce : le fils à peine revenu s’écroule sans avoir pu dire un mot.

Plus encore que Juste la Fin du monde, la pièce de théâtre J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne dit la douleur de ces êtres qui ont attendu, la douleur têtue de cette absence qui a consumé leurs années, leurs plus belles années pour certaines.

On revient sur le passé, sur cette violence du père, sur ces mots qui fusaient, sur les portes qui claquaient et dont on semble encore entendre le claquement fatidique et définitif. On regrette de ne pas s’être interposée. On réécrit l’histoire. La douleur de l’absent, celle du fils, est partout dans ces suppositions. On aurait voulu faire quelque chose pour cette douleur.

Troyennes ou Trois Sœurs ?

Un Chœur de femmes qui pleurent. Plusieurs générations. Le père, déjà mort. Le fils, bientôt mort ? Tout cela rappelle Les Troyennes d’Euripide, où après la chute de Troie, les Troyennes ne peuvent plus que pleurer, pleurer la disparition de Priam, la mort d’Hector, celle à venir d’Astyanax. Les femmes pleurent et attendent le dernier des drames comme s’il pouvait encore décider de leur sort.

Il y a de cela chez Jean-Luc Lagarce. En se souvenant d’Euripide, il donne à son chœur de femmes une dimension de chœur tragique. Déplorer est la seule force qu’il reste à ces femmes que l’attente a abimées.

Mais il y a aussi du Anton Tchekhov dans J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne. Jean-Luc Lagarce choisit habilement de nous présenter trois sœurs, comme dans Les Trois Sœurs de l’auteur russe. Ces trois sœurs se battent pour l’honneur. La plus vieille est institutrice, comme chez Tchekhov, elle est amère, comme chez Tchekhov, elle a connu des hommes, les hommes d’autres femmes. La seconde préfère oublier qu’elle a aimé, comme chez Tchekhov, seule la plus jeune garde encore un peu d’énergie, un peu d’énergie avant de s’éteindre, comme chez Tchekhov.

Mais le frère va sûrement mourir, contrairement à la pièce d’Anton Tchekhov, et cela enlève à ces trois sœurs toute possibilité de tentative de fuite par l’amour, par le travail. Le frère va sûrement mourir, et peut-être faut-il d’ailleurs qu’il meure pour qu’elles vivent.

Notre deuxième choix de ce Top 3 des meilleurs livres autour de Jean-Luc Lagarce et Juste la Fin du monde se situe donc encore dans le sillage de la pièce qu’a adaptée Xavier Dolan, mais en faisant la part belle à des personnages de femmes sensibles et pourtant solides, véritables protagonistes de J’étais dans la maison et j’attendais que la pluie vienne par la force de leur détermination, celle de leur espoir, celle de leur attente vaine. C’est une pièce magnifique de tendresse.

En savoir plus :

  • J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne, Jean-Luc Lagarce, éditions Les Solitaires Intempestifs, 1997, 64 pages, 10 €
  • L’œuvre a remporté le Prix du syndicat de la critique pour la meilleure création de langue française en 1994
Morgane P.

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