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The Virtues de Shane Meadows and Jack Thorne image série télé
© Seven Virtues Limited 2019 All Rights Reserved. Licensed by ITV Studios Ltd

♥ Critique / “The Virtues” (2019) : la série multi-primée de Séries Mania est sur ARTE

Elle fait partie des séries qui débarquent sur le site d’ARTE cet automne. Elle a été fort remarquée au festival Séries Mania en 2019 où elle a été récompensée du Grand Prix et du Prix d’interprétation masculine pour Stephen Graham : The Virtues de Shane Meadows est disponible en streaming jusqu’au 31 décembre 2020. Et après l’avoir découverte, on comprend très bien pourquoi elle a été doublement primée ! L’avis et la critique série de Bulles de Culture sur cette fiction coup de coeur.

Synopsis :

Joseph (Stephen Graham), alcoolique et dépressif, voit son fils de neuf ans (Shea Michael Shaw) partir en Australie avec sa maman. Il décide alors de renouer avec sa soeur, Anna (Helen Behan), dont il a été séparé trente ans auparavant quand cette dernière a été adoptée, et lui pas. Il la retrouve en Irlande du Nord, mère d’une famille heureuse de trois enfants. Mais les secrets d’enfance qu’il avait enfouis remontent et le taraudent. Sa blessure de père trouve un écho chez Dinah (Niamh Algar), la soeur de Michael (Frank Laverty), le mari d’Anna. Pour ces deux écorché-e-s s’ouvre un chemin de pardon… à moins que ce ne soit l’inverse.

The Virtues : un drame étincelant de noirceur

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© Seven Virtues Limited 2019 All Rights Reserved. Licensed by ITV Studios Ltd

Si le synopsis pouvait encore laisser planer le doute, c’est bien dans le drame que vous entrez avec The Virtues, un vrai beau drame sombre comme les séries britanniques en ont le secret. La série s’ouvre sur Joseph un père cabossé, qui n’a plus la garde de son fils de neuf ans et qui le voit s’envoler pour l’Australie. Le comédien Stephen Graham excelle dès les premières scènes dans le rôle de cet homme taiseux, incapable de faire face, si ce n’est en apparence, à la douleur de la séparation avec son fils.

Le reste de l’intrigue reprend des éléments déjà vus dans des films et séries : deux orphelin-e-s séparé-e-s parce que l’une est adoptée ; un foyer pour jeunes garçons dont les employés ont plus tard été condamnés ; un frère et une soeur qui se retrouvent après trente ans de séparation ; un difficile secret de famille. Mais en les imbriquant, en les intriquant à l’extrême, le co-scénariste (avec Jack Thorne) et réalisateur Shane Meadows créent un drame sublime et bouleversant.

Si Shane Meadows s’inspire, pour The Virtues, d’un traumatisme de son enfance, il évite en tout point le pathos gratuit et excessif. Ce qu’il montre surtout, c’est la violence, celle insensée de la douleur enfouie, du refoulement profond sur les corps et les esprits, celle aussi des trajectoires brisées, heurtées à jamais.

Les personnages de Joseph et de Dinah (Niamh Algar), la soeur de son beau-frère, miroitent, scintillent des éclats de leurs souffrances ; celui d’Anna (Helen Behan), la soeur de Joseph, vous serre la gorge d’émotion ; celui de Craighy (Mark O’Halloran), cet autre enfant abîmé du foyer, touche par sa sensibilité, sa sincérité et sa culpabilité. Les interprétations sont, quant à elles, et absolument toutes, époustouflantes, sidérantes de réalisme et de justesse.

Une esthétique visuelle et sonore touchante

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Il y a quelque chose, dans The Virtues, du réalisme social acéré de Ken Loach. Mais toute la noirceur du drame est magnifiée par une esthétique visuelle et sonore puissante. Ce sont d’abord de très longs et très beaux plans organisés comme des tableaux, la dimension pédante en moins. Les personnages s’inscrivent dans ces plans comme un bijou dans un écrin.

Tout le jeu des flash-back de Joseph, en format vidéo, est subtilement orchestré, très finement chronométré, et parfaitement mis en musique par PJ Harvey. La bande son de la série est d’ailleurs splendide : astucieuse et inventive, elle occupe une vraie place dans The Virtues, sans pour autant être trop sur le devant de la scène. Un très bel équilibre, un très bel agencement.

Il y a quelque chose de poétique et de tranquille dans la façon qu’a Shane Meadows de saisir les vives douleurs et les profondes blessures. Et pourtant, les vertiges des personnages sont rendus sensiblement : on vacille avec Joseph ou Dinah comme si tou-te-s deux étaient de notre propre famille. Stephen Graham et Niamh Algar sont à cet égard, et répétons-le encore, épatants.

Une peinture so(m)bre et lumineuse de l’humanité

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Le titre de la série The Virtues renvoie, vous vous en doutez peut-être déjà, aux sacro-saintes vertus chrétiennes. Il faut attendre le dernier épisode pour saisir tout le sens de ce titre choisi par Shane Meadows dans toute sa dimension, mais il devient alors plus significatif que jamais.

L’ensemble de la série s’articule véritablement autour des thèmes religieux du pardon, de l’amour, de la rédemption aussi. L’amour, d’ailleurs, est le pôle positif de ce drame, le phare dans la nuit, qu’il s’agisse de celui qui unit frère et soeur, ou de celui qui unit parents et enfants. Il semble être l’unique main tendue, l’unique frein à l’autodestruction, à la folie que la douleur appelle de ses voeux.

Quant au trio chrétien faute-culpabilité-rédemption, il est davantage malmené. D’abord parce que toutes les hypocrisies de la prétendue charité volent en éclat au fil des épisodes. Aussi parce que The Virtues pose la complexe question du mal qui est fait, de ce qui peut se pardonner ou pas, montrant avec brio que le mal commis envers autrui est irréversible, d’une permanence si irrévocable que peu de place est laissée à l’espoir.

Toujours est-il que The Virtues est une série coup de coeur d’une intensité rare, à la fois dense et parfaitement orchestrée, que Bulles de Culture ne saurait que chaudement vous recommander.

En savoir plus :

  • The Virtues est disponible gratuitement en streaming sur le site d’Arte.tv du samedi 3 octobre au jeudi 31 décembre 2020
  • La série comporte trois épisodes de 45 minutes et un dernier de 75 minutes
Morgane P.

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