The Plot Against America, adaptation en six épisodes du livre éponyme de Philip Roth par David Simon et Ed Burns avec Morgan Spector, Winona Ryder et Zoé Kazan, est diffusé à partir du mardi 17 mars 2020 sur OCS City. L’avis et la critique série de Bulles de Culture sur cette uchronie qui revisite les années 1940.
Synopsis :
The Plot Against America imagine une histoire alternative de l’Amérique où l’aviateur Charles Lindbergh (Ben Cole), héros national xénophobe et populiste, est élu président des Etats-Unis en 1940, plongeant le pays dans le fascisme. La série suit ces bouleversements politiques à travers le destin d’une famille juive du New Jersey.
The Plot Against America : une uchronie réaliste
Juin 1940, Newark, New Jersey. Dans une maison bouillonnante de vie, nous faisons la rencontre d’un père, Herman Levin (Morgan Spector), d’une mère Bess (Zoé Kazan) et de leurs jeunes garçons, Philip (Azhy Robertson) et Sandy (Caleb Malis). Avec un tournage en décors réels — dans la ville de Jersey City, notamment dans la synagogue Beth-El, et dans les villes de Washington et New York), The Plot Against America nous plonge dans le quotidien de cette famille juive bouleversée par l’élection de Charles Lindbergh, l’aviateur devenu célèbre pour avoir relié en 1927 New York et Paris en solitaire et sans escale et qu’Hitler qualifia de « grand homme ».
La tendance des séries réécrivant l’histoire n’est pas nouvelle (The Man In The High Castle, Watchmen, Hunters) mais The Plot Against America se distingue par son apparent réalisme. Elle dévie de l’Histoire par petites touches – Lindbergh, s’il n’a pas été élu président, a vraiment créé le mouvement isolationniste America First – et au fur et à mesure des épisodes, on croit presque voir se dérouler devant nos yeux un pan de l’Histoire que l’on aurait oublié. On reconnait ici la patte de David Simon et Ed Burns qui avaient su chroniquer avec précision et sans manichéisme les différentes strates de la ville de Baltimore dans la série The Wire.
Le fascisme au cœur de l’intime
L’élection de Charles Lindbergh va mener chacun à choisir entre conviction et sécurité – choix d’autant plus difficile que la menace de l’antisémitisme est au début de la série plutôt sourde. L’Amérique de Lindbergh n’est pas l’Allemagne nazie : l’antisémitisme y passe avant tout par la radio qui grésille. A la manière dont The Handmaid’s Tale : la servante écarlate a su montrer le basculement vers le totalitarisme, The Plot Against America s’attache à scruter les réactions de ses personnages face à des signaux d’alarme qu’ils n’entendent pas toujours.
Il y a ceux qui se méfient de Lindbergh, de ses accointances avec Göring, et se battent contre ses discours teintés d’antisémitisme. Les yeux et les oreilles rivés vers les actualités de la guerre venues d’Europe, le personnage d’Herman est de ceux-là, alerte – prêt à faire exploser sa rage face à ceux qui ne perçoivent pas la menace. Alvin, son neveu orphelin (Anthony Boyle, également aperçu dans The Lost City of Z ou Patrick Melrose), ira même tuer du nazi en s’engageant dans l’armée canadienne, alors que Lindbergh continue à vouloir préserver à tout prix la paix américaine. Puis il y a les aveuglés : le rabbin Lionel Bengelsdorf (John Turturro) et la sœur de Bess, Evelyn (Winona Ryder). Persuadés que Lindbergh est…
Au sein de la famille, les fractures se creusent entre les dupes et les non-dupes, à mesure que le pays montre au grand jour sa haine de la communauté juive. Sandy, le jeune adolescent, vénère Lindbergh et accuse son père qui lui refuse toute opportunité auprès du président d’être « pire qu’Hitler ». La montée de la violence montre également les personnages sous leur meilleur jour : Bess, d’abord réticente face à la véhémence politique de son mari l’exhortant à déménager la famille au Canada, nous apprend…
Zoé Kazan est lumineuse dans ce rôle à fleur de peau, en particulier dans une scène pleine d’émotion dans laquelle elle tente de rassurer un petit garçon au téléphone.Un populisme tout sauf trumpien
Si la résonnance entre The Plot Against America et l’Amérique de Trump est facile à entendre — Trump a repris lors de sa campagne en 2016 le fameux « America First » —, David Simon a su intelligemment garder les nuances de Philip Roth face à l’actuel résident de la Maison Blanche. Lindbergh est un anti-Trump : c’est une légende nationale charismatique, discrète et qui pèse ses mots. Il parvient au pouvoir en agitant le spectre de la guerre et il est applaudi à chaque sortie de son avion par des milliers d’Américains. Il est en cela « sauvable ». Ses apparitions au cours de la série sont d’ailleurs peu nombreuses, et son antisémitisme…
En effet, The Plot Against America ne raconte pas uniquement l’avènement d’un homme fasciste, mais nous fait entrer dans la peau d’hommes et de femmes livrés à un racisme exacerbé. Dans une société où la haine des autres commence par des paroles. Dans un monde où la violence passe par l’acceptation diffuse de la stigmatisation d’une communauté.
En savoir plus :
- The Plot Against America est diffusé sur OCS City à partir du mardi 17 mars 2020 à 20h40 en US+24. La série HBO est également diffusée en streaming et disponible en replay sur OCS Go
- The Plot Against America est l’adaptation du livre Le complot contre l’Amérique (2004) de Philip Roth, publié en 2006 aux éditions Gallimard en France. Il a reçu en 2004 le Sidewise Award for Alternate History, un prix qui récompense chaque année les meilleures uchronies publiées