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Critique / “The Florida Project” (2017) : les oubliés de Disney World

Dernière mise à jour : mai 9th, 2020 at 10:56 pm

The Florida Project de Sean Baker a été présenté en sélection à la Quinzaine des Réalisateurs en 2017. Le film dresse un portrait choc de l’autre visage de l’Amérique, celui de la précarité en plein milieu de la Floride, terre du rêve Disney World. L’avis et et critique film de Bulles de Culture. 

Synopsis :

Moonee (Brooklynn Prince) a 6 ans et un sacré caractère. Lâchée en toute liberté dans un motel de la banlieue de Disney World, elle y fait les 400 coups avec sa petite bande de gamins insolents. Ses incartades ne semblent  pas trop inquiéter Halley (Bria Vinaite), sa très jeune mère. En situation précaire comme tous les habitants du motel, celle-ci est en effet trop concentrée sur des plans plus ou moins honnêtes pour assurer leur quotidien…

The Florida Project, le côté enjoué de la pauvreté

The Florida project critique photo
© Le Pacte / Smith

La singularité de Sean Baker est de savoir montrer la misère humaine avec un positivisme assumé. Avec Tangerine (2015), on suivait déjà le voyage impromptu à travers Los Angeles d’un transsexuel au tempérament bien trempé. Le réalisateur récidive donc avec The Florida Project où on se retrouve cette fois-ci en plein coeur du monde merveilleux de Walt Disney World Resort, là où les enfants s’amusent et rêvent. En transgression avec cette image populaire, la caméra de Sean Baker en prend le contrepied. Il commence d’abord son film par une scène montrant des enfants heureux et qui font les 400 coups avant de, entre le documentaire et la fiction, gratter sous le vernis et nous montrer que ces jeunes gens vivent en réalité dans un motel glauque, repère des délaissés de la Floride. De Disney World, il ne reste que les feux d’artifices qu’on aperçoit au loin à chaque tombée de la nuit.

La filmographie de Sean Baker est donc en quelque sorte un (dé)cache-misère. Ne dérivant jamais dans le misérabilisme, il témoigne d’une classe sociale oubliée qui surmonte, comme elle peut, cette condition de vie. Pour autant, à aucun moment on ne les sent malheureux. Au contraire, les mauvaises méthodes éducatives de Halley, mère de la jeune Moonee, sont compensées par son souci constant de faire plaisir à sa fille. Cela se traduit notamment par des virées dans des fast-food, où les deux protagonistes se permettent de prendre toute la carte, ou bien par des achats compulsifs dans des magasins de farces et attrapes.

Une œuvre presque documentaire

The Florida project critique photo
© Le Pacte / Smith

Derrière cette joie constante à l’écran, il se cache néanmoins une triste réalité dans The Florida Project. Elle n’est jamais montrée frontalement. Cependant, on ne peut passer à côté de l’image de cette mère obligée de se prostituer pour payer une chambre miteuse à son enfant. Les réactions extravagantes de celle-ci, entre insultes et blessures physiques, traduisent également un climat de violence dans lequel elle a toujours vécu.

Pour son casting, Sean Baker a comme son habitude prospecté durant de longs mois pour trouver les deux perles Brooklynn Prince et Bria Vinaite. Caractéristique de son cinéma, on ne perçoit pas bien la différence entre improvisation et moment dirigé. La touche professionnelle est tout de même apportée par l’acteur Willem Dafoe, également producteur du film.

Des problèmes de montage

The Florida project critique photo
© Le Pacte / Smith

On regrette néanmoins que le parcours de The Florida Project soit parsemé de redites narratives. On se serait bien passé des multiples scènes de bains ou de quelques plans montrant les enfants jouant ensemble. Les cris de ces derniers peuvent finir par irrités.

Du long de ces deux heures, on stagne dans une histoire dont les enjeux apparaissent réellement à la toute fin. Sean Baker semble plus intéressé par des parcours de vie que par le souci de construire un récit. Dans ces conditions, 30 minutes de moins auraient été largement suffisant pour transmettre son message.

Aussi, on aimerait pour ses futures œuvres que Sean Baker quitte un peu son rôle de “documentariste de l’instant” afin de montrer qu’il sait être un virtuose de la construction dramatique et du montage.

En savoir plus :

  • Date de sortie France : 20/12/2017
  • Distribution France : Le Pacte
Antoine Corte

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