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GAME OF THRONES saison 8 afffiche OCS série

[Critique] “Game of Thrones” saison 8 : Épisode par épisode

Dernière mise à jour : juin 6th, 2020 at 09:22 pm

Game of Thrones saison 5 épisode 4 : Les Derniers des Starks

Synopsis :

Après la bataille de Winterfell, il faut enterrer les morts mais le combat n’est pas terminé.

Scénaristes : David Weiss & D.B. Benioff
Réalisateur : David Nutter
Durée :
80 minutes

Des hommes et des adieux. Après avoir retenu notre souffle pendant plus d’une heure lors d’une bataille qui devait mettre tout le monde d’accord – sans y parvenir –, Game Of Thrones célèbre ses survivants. « Nous avons gagné la Grande Guerre. Maintenant nous allons gagner la Dernière Guerre », prévient Daenerys (Emilia Clarke) à son cortège d’alliés. Avec uniquement deux épisodes restants à diffuser, les scénaristes en chef Weiss & Benioff – un nom de cabinet d’avocats dont les clients se seraient raréfiés après un procès litigieux – semblent aussi pressés que la mère des Dragons quand il s’agit de se ruer vers une issue précipitée lors des conflits.

Plutôt que de disperser le récit sur dix épisodes, tel que le souhaitait la chaine HBO, le tandem a estimé que six épisodes suffiraient à plier l’affaire. Rien n’est moins sûr. Il n’y a pas que Jon (Kit Harrington), Sansa (Sophie Turner), Arya (Maisie Williams) et tous les autres qui semblent fatigués après tant d’années à pourchasser un équilibre : éliminer la menace des Autres, redorer le blason du Nord, venger les meurtres de leurs proches. Car à deux épisodes de la fin, les auteurs de la série donnent déjà le sentiment d’avoir livré toutes leurs forces dans la bataille, prêts à prononcer la sentence. Et avec tant d’évènements sans queue ni tête, on peut craindre pour la décapitation.

L’épisode Les Derniers des Starks (The Last of the Starks en V.O.) ne manque pourtant pas de qualités. Les deux premiers tiers de l’épisode sont marqués par les bons sentiments cérémoniels. Du deuil crépusculaire à la chaleur du foyer de Winterfell, en passant par les adieux de Sam (John Bradley), Tormund (Kristofer Hivju) ou encore Brienne et Jaime (Gwendoline Christie, Nikolaj Coster-Waldau), Game Of Thrones parvient encore bien à combler les brèches entre deux batailles sanglantes. Entre les jeux à boire de Tyrion (Peter Dinklage), les sourires en coin de Pod (Daniel Portman) et les grognements du Limier avant ses retrouvailles touchantes avec Sansa, on nous rappelle ici qu’il n’y a pas le feu au lac : avant d’affronter Cersei (Lena Headey), il faut éclipser les personnages les moins nécessaires à l’intrigue et réactualiser les enjeux. L’émotion fonctionne quand il s’agit de relations longuement développées par les livres et la série (Arya et le Limier, Jaime et Brienne), mais l’idylle brusque entre Jon et Daenerys reste encore trop surfaite pour y croire. Symbole de l’ambivalence que l’on ressent devant Game Of Thrones cette saison, Daenerys est tiraillée entre ses sentiments et son ambition, entre ce qu’elle pourrait conquérir et ce qu’elle s’apprête à perdre, entre un réel traitement psychologique et un autre régenté par l’art de la dramaturgie en six épisodes.

Dans le grand hall de Winterfell, où Daenerys laisse décanter des étincelles de jalousie, la scène illustre surtout son isolement dans une pièce festive, encerclée par des rires, rapprochements et gages de reconnaissance. Personne ne lève de verre en son honneur. Le Nord ne daigne pas même l’accepter. A l’issue de cet épisode, Daenerys a perdu deux dragons et ses deux plus proches confidents, Jorah (Iain Glen) et Misandei (Nathalie Emmanuel). Elle est rejetée par l’homme qu’elle aime et voit ses prétentions au trône repoussées par celui-ci. Pour finir, ses fidèles conseillers, Varys (Conleth Hill) et Tyrion envisagent la trahison.

Daenerys n’a jamais été aussi tragique. En saison 1 déjà, elle subissait l’abandon et la trahison des seules personnes qui lui étaient proches. Elle a toujours soufflé sur des braises de familles par procuration qui lui furent éteintes aussitôt : Khal Drogo (Jason Momoa), Jon, son enfant mort-né, ses dragons… Sans pouvoir se raccrocher à une famille, son obsession pour le trône n’est donc pas surprenante. Il s’agit de la seule « appartenance » qui lui soit garantie. Tout au long de la série, son arc repose sur l’ambition de trouver un endroit où elle pourrait se sentir chez elle. Elle a échoué à s’intégrer à Essos aussi bien qu’à Westeros. Son plus profond désir serait finalement d’être aimée et acceptée, et le rejet devrait déclencher sa transformation en « mad queen », par résurgence avec son père le roi Aerys le Fol. On imagine sans mal une métamorphose plus nuancée dans les livres à venir. Toutefois, en l’espace de quelques épisodes seulement, la série s’est empressée de la catapulter dans cette direction pour attiser le conflit final entre elle, Cersei et Jon. Là où dix épisodes auraient pu autoriser une transition plus fluide, on peut donc regretter la décapitation de la saison en six épisodes.

En matière de coupures justement, Game of Thrones saison 8 ne cesse d’occire des scènes par facilité plus que par manque de temps. Comme évoqué la semaine passée, Jon puis Arya étaient entourés par des centaines de morts-vivants lors de la bataille de Winterfell. Situation désespérée, changement de lieu. Quelques minutes plus tard, Jon et Arya se sont extirpés par magie de leur mise à mort. Même problème avec Sansa et Bran (« Je dois y aller maintenant »), comme si les scénaristes évitaient, telle la Grisécaille, un personnage trop omniscient. On peut comprendre le choix de ne pas dévoiler la réaction de Sansa et Arya lorsque Bran leur révèle la vérité sur les origines de Jon. Seulement le mystère ne perdure pas et on regrette aussitôt de ne pas avoir été récompensés d’un moment si fort. C’est comme si Dark Vador avait annoncé être le père de Luke sans que l’on ne puisse voir la réaction de ce dernier… Weiss & Benioff ne veulent pas s’encombrer de ces scènes, comme las de passer leur temps à expliquer de tels détails, là où le « parce que » suffit.

Ainsi, on ne sait pas pourquoi Bran n’a pas pris part à la bataille en prenant le contrôle d’animaux ou d’humains, ni pourquoi il n’a pas jugé opportun d’utiliser ses corneilles pour voler jusqu’à Port-Réal et espionner Cersei. Durant toute la bataille de Winterfell, Jon n’a été d’aucune utilité, tout cela pour subvertir les attentes. Des scénaristes lassés de réfléchir aux actions et réactions, ne laissant que des cendres de cohérence pour raccourcir à l’essentiel une histoire déjà expéditive.

A l’image de l’embuscade navale d’Euron Greyjoy (Pilou Asbaek), ne cherchez pas pourquoi Daenerys n’a pas aperçu la flotte ennemie depuis les cieux, ni même pourquoi elle n’a pas envoyé d’éclaireurs : « Parce qu’elle a oublié les Greyjoy », a défendu Benioff. On ne se demandera pas non plus pourquoi elle n’a pas brûlé la flotte ennemie en les prenant de revers, ni comment la baliste d’Euron a pu cribler trois fois Rhaegal en autant de tentatives (pourquoi pas Drogon ?). Enfin, on ne se demandera pas comment Cersei a estimé que Misandei était une monnaie d’échange assez forte pour faire plier Daenerys, ou mieux encore, que de décapiter une esclave pouvait déclencher sa folie pour que feu et sang s’abattent sur Port-Réal. Non, on ne se demandera pas pourquoi Cersei a épargné Daenerys, ses Immaculés et Tyrion, alors que l’assassiner d’une flèche massive aurait été un parfait hommage au meurtre de son père. Autrefois il y avait des mystères occultes, des intrigues, des suspicions enivrantes. Aujourd’hui, il y a surtout beaucoup de remises en question et des mécontentements de moins en moins éludés, y compris par les acteurs eux-mêmes. Faut-il s’en prendre aux bourreaux ? Car il n’y a pas de doute sur un point. On aimait bien plus Game Of Thrones quand on nous faisait tourner la tête.

Paul Vogel

Un commentaire

  1. GoT 8×3 Il y a très longtemps, à une époque oubliée, une force a détruit l’équilibre des saisons. Dans un pays où l’été peut durer plusieurs années et l’hiver toute une vie,

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