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Dernier à être programmé dans le cycle Nous, les femmes de la chaîne Histoire TV, le documentaire en deux parties Suffragettes (Suffragettes with Lucy Worsley) d’Emma Franck retrace avec précision la montée en tension et en violence de la lutte pour le droit de vote des femmes en Grande-Bretagne. L’avis et la critique de Bulles de Culture sur ce documentaire coup de cœur diffusé le vendredi 1er mai 2020.
Synopsis :
De 1903, date de sa création, à 1918, date d’obtention du droit de vote pour les femmes propriétaires de plus de 30 ans, la WSPU (Women’s Social and Political Union) a œuvré durement pour l’obtention du droit de vote des femmes. C’est l’histoire de cette lutte que Suffragettes raconte en deux épisodes.
Suffragettes d’Emma Franck : un documentaire primé aux BAFTA
Primé aux BAFTA TV en 2019, les César anglais, le documentaire Suffragettes d’Emma Franck vaut la peine d’être vu. Il s’inscrit en effet dans le sillage des docu-fictions : une mise en scène qui nous plonge au cœur de la WSPU et des événements qui ont créer les maillons de la lutte pour l’obtention des droits de vote des femmes. Et malgré une mise en scène presque cinématographique de la lutte des suffragettes, le documentaire ne s’éloigne pas pour autant des faits historiques. Bien au contraire, un parti intéressant est pris : on entend les témoignages de ces femmes de combat. On comprend que pour cela, un gros travail de collecte a été fait pour recueillir et exploiter les écrits de ces protagonistes. Cela apporte un réel intérêt à Suffragettes et lui offre un réel ancrage dans le vécu des militantes et activistes.
Dressant une avancée chronologique qui va de 1903 à 1918, Suffragettes est construit en différents chapitres : “Des faits et non des mots” (“Deeds not words”), “Propagande” (“Propaganda”), “Invasion”, “Grève de la faim” (“Hunger strike”), “Trève” (“Truce”), “Vendredi Noir “ (“Black Friday”), “Émeutes” (“Riots”), “Bombes” (“Bombs”) et “Guerre” (“War”). Cette construction est efficace pour montrer l’escalade de la violence et captiver les téléspectateur.rice.s.
Suffragettes : faire revivre des femmes audacieuses
Suffragettes réussit là où de nombreux documentaires ont échoué : il donne l’impression de faire revivre tout un groupe de suffragettes. Emmeline Pankhurst et ses deux filles, Sylvia et Christabel, cela va de soi. Mais pas seulement. Nous suivons également Flora Drummond, gérante d’industrie et cheffe logistique pour le mouvement, Lilian Lenton, danseuse et activiste clandestine, Mary Richardson, artiste canadienne et pyromane, Annie Kenney, assistante tisseuse et bras droit de Christabel Pankhurst, et Mary Leigh, institutrice et leader des grèves de la faim.
Ce sont leurs aspirations et leurs déterminations que nous partageons avec la narratrice, Lucy Worsley, mais aussi les conséquences concrètes et terribles de leurs engagements. Arrestations, gavage de force lors des grèves de la faim, agressions sexuelles de policiers couvertes par le gouvernement, traques et surveillances permanentes… On comprend aisément que l’escalade de la violence est encouragée par la répression sévère et sans pitié que subissent les suffragettes. Car Emma Franck ne passe pas non plus sous silence les actions les plus violentes et les plus discutables de ces dernières : incendies, dégradations, bombes, harcèlements et menaces aux ministres du gouvernement. La réalisatrice évite toutefois de juger ces actes à travers le prisme déformé de notre regard d’aujourd’hui : il est difficile de savoir ce qui vaut de se battre quand nos droits fondamentaux sont garantis.
L’aube de notre modernité
Ce qui transparait encore dans Suffragettes et qui étonne, c’est l’incroyable modernité de l’arsenal déployé par la WSPU. Ces femmes surprennent dans la compréhension qu’elles ont de l’importance d’une médiatisation en leur faveur. On les voit ainsi créer leur revue, organiser leur propagande en se faisant photographier enchaînées à des grilles. Et quand la lutte se durcit, elle sont soutenues par des journalistes, qui viennent témoigner de l’arrestation d’Emmeline Pankhurst ou prouver la violence des interventions policières lors des manifestations. Mais les suffragettes seront aussi moquées par la presse, c’est un fait ; et la presse restera favorable au gouvernement la plupart du temps. Mais tout de même, elles arrivent toujours à attirer l’attention et, par cette lumière, à faire progresser l’idée du vote féminin.
Un autre aspect crève l’écran dans Suffragettes — et un aspect que l’on méconnaît souvent : la rigueur qu’elles arrivent à intégrer à leur organisation. Hiérarchie claire, logistique très au point, mécanismes de récompenses pour celles qui sont arrêtées puis qui font la grève de la faim, réseaux clandestins qui arrivent à déjouer l’espionnage dont elles sont victimes. La radicalisation du mouvement ne les déstabilise pas, mais renforce leur structuration de façon surprenante. Une façon de fonctionner qui annonce d’ailleurs l’activisme clandestin irlandais, c’est ce qui frappe dans Suffragettes.
Nous ne saurions en tout cas que vous recommander chaudement ce documentaire coup de cœur extrêmement bien construit, splendidement mené et fascinant à bien des aspects !
En savoir plus :
- Suffragettes est diffusé sur Histoire TV le vendredi 1er mai 2020 à 20h40, puis le samedi 2 mai 2020 à 11h25, le vendredi 8 mai 2020 à 22h30, le jeudi 14 mai 2020 à 11h45, le mardi 19 mai 2020 à 11h25, le vendredi 29 mai à 11h15. Le documentaire est également disponible en replay
- Suffragettes comprend deux épisodes de 52 minutes
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