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Blanche Neige par Angelin Preljoca photo 1
© Jean-Claude Carbonne

[Critique] “Blanche Neige” des frères Grimm adapté en ballet par Angelin Preljocaj

Dernière mise à jour : juillet 19th, 2020 at 06:01 pm

Angelin Preljocaj, Jean-Paul Gaultier et Thierry Leproust, trois grands noms qui s’attaquent au conte des frères Grimm. Pour le meilleur ou pour le pire ? L’avis et critique danse de Bulles de Culture sur Blanche Neige.

Synopsis :

Au milieu des décors de Thierry Leproust, les danseurs d’Angelin Preljocaj interprètent les personnages du conte des frères Grimm, Blanche Neige.

Blanche Neige : un conte bien classique pour Angelin Preljocaj

Blanche Neige par Angelin Preljoca photo 3
© Jean-Claude Carbonne

Tout y est : Blanche Neige, la marâtre, la pomme, la forêt, le cercueil de verre, le prince… À un point tel qu’on se demande ce que le ballet chorégraphié par Angelin Preljocaj apporte. Certes, le chorégraphe décide de donner une place importante à la marâtre — le ballet se terminant d’ailleurs sur un solo de la femme en colère et désespérée — et permet ainsi une nouvelle lecture du conte : « La marâtre est sans doute le personnage central du conte. C’est elle aussi que j’interroge à travers sa volonté narcissique de ne pas renoncer à la séduction et à sa place de femme, quitte à sacrifier sa belle-fille ».

Mais au-delà, que se passe-t-il sur scène ? Pas grand-chose. Ce ballet Blanche Neige est convenu, les danseurs sages et uniformes. Angelin Preljocaj nous avait habitués à mieux. En décidant de se livrer au ballet narratif, le chorégraphe perd son audace et sa fraîcheur. Certains choix frisent le cliché : pourquoi ajouter des paillettes descendant des cintres lorsque les jeunes amants peuvent enfin danser leur amour ?

On a l’impression d’assister à un ballet dans tout ce qu’il a de plus traditionnel, et encore, les mouvements de groupe et d’ensemble de la troupe nous semblent parfois à revoir. Certains danseurs sont en retard, les lignes se brisent, les gestes sont précipités et sans précision.

Décors et costumes : le pas de trop vers le cliché

Et les danseurs ne sont pas aidés par les décors de Thierry Leproust pour ce Blanche Neige. Là encore, tout est convenu. La forêt où se cache la marâtre n’est rien de plus qu’une forêt de lumières et d’arbres reconstituée — certes admirablement reconstituée — mais vue et revue sur d’autres scènes. De même, le cercueil de Blanche Neige se limite à une planche de verre et à une pierre, que même les spectateurs du dernier rang de la Grande Halle de La Villette — où nous avons assister à ce ballet — pourraient confondre avec celle prise pour la pièce de théâtre d’une la fête d’école. Leproust hésite entre le figuratif et le symbolique : il devrait trancher. À vouloir représenter, les décors en deviennent ridicules, et les symboles, eux, sont trop attendus. La forêt sombre n’est rien d’autre que le lieu des pulsions, tout le monde l’avait compris.

Blanche Neige par Angelin Preljoca photo 2
© Jean-Claude Carbonne

De même, les costumes de Jean-Paul Gaultier déçoivent. La cour est représentée en habits de courtisans, le Prince est en culotte trop serrée, d’un orange criard tandis que Blanche Neige essaie de danser avec un voile blanc orné étrangement autour de la taille… Et que dire de cette marâtre qui s’agite dans une tenue en simili cuir, où, on l’avait compris, il faut lire les tendances séductrices voire sadomasochiste de cette femme.

Angelin Prelojcaj oublie l’onirisme des contes

Angelin Preljocaj, Jean-Paul Gaultier et Thierry Leproust sont trop insistants dans ce Blanche Neige. Les symboles sont appuyés, les portes ouvertes sont enfoncées, rien n’est laissé à la partie rêverie du conte. La danse convenue oublie la part d’onirisme inhérente au conte.

Angelin Preljocaj écrit dans sa note d’intention : « L’intelligence des symboles appartient aux adultes autant qu’aux enfants, elle parle à tous et c’est pour cela que j’aime les contes ». Mais on se demande où il a laissé place à l’intelligence du conte dans ce ballet narratif où les danseurs eux-mêmes sont oubliés, et restent des instruments à re-présenter. Ce qu’il manque à ce ballet, c’est sans doute un peu de sensibilité. Ce n’est sans doute pas la meilleure pièce de Preljocaj qu’il fallait voir dans les spectacles proposés par La Villette en juin et juillet : espérons que les autres créations de celui-ci, Helikopter et Still Life, aient oublié le convenu de ce Blanche Neige.

En savoir plus  :

Agathe Giraud

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