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Les nuits de la colère de The Big Cat Company photo 2
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[Critique] “Les Nuits de la colère” par Pierre Boucard : À l’heure des choix

Dernière mise à jour : avril 11th, 2019 at 04:41 pm

C’est à l’épreuve du choix que confronte Les Nuits de la colère d’Armand Salacrou dans une mise en scène de Pierre Boucard au festival OFF d’Avignon 2018. Efficace et peut-être bien d’actualité ! L’avis et critique théâtre de Bulles de Culture.

Synopsis :

On est en 1944, deux amis d’enfance se retrouvent face à face. L’un (Jean-Baptiste Artigas) est resté dans l’attente tout au long de la guerre ; l’autre (Pierre Boucard) s’est engagé dans la Résistance. Après avoir fomenté l’explosion d’un train allemand avec ses compagnons (Samuel Giuranna et Jérôme Godgrand), celui-ci, blessé, frappe à la porte de son ami. L’épouse de ce dernier (Barbara Castin) le dénonce à un policier français (Sylvain Mossot). Le blessé traqué par les Allemands est alors arrêté.

Les Nuits de la colère au festival OFF d’Avignon 2018 : une violence réaliste

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Les Nuits de la colère s’ouvre sur le règlement de compte des résistant contre un “traître” : échange de coups de feu, irruption d’un policier. Tous les hommes ou presque meurent. Imaginons qu’après s’être entretués les hommes puissent s’expliquer, que l’épouse vienne défendre le choix de la dénonciation avec son époux, que surgisse celui pour qui l’on a tué et à qui les Allemands ont crevé les deux yeux en guise de torture, et même l’épouse de ce dernier (Christel Pourchet) qui vient demander des comptes aux délateurs.

C’est sur cette violence-là, d’abord physique, puis verbale que s’ouvre la pièce. Elle met immédiatement dans le contexte historique de la Seconde Guerre mondiale et de l’Occupation. L’irruption soudaine et inattendue de cette violence sidère d’abord, avant d’être interrogée et remise en question : la Résistance peut-elle justifier de tuer ? Y a-t-il une violence juste ?

Un huis clos complexe

Les Nuits de la colère fonctionne comme un huis clos réunissant deux amis et leurs camps respectifs. La pièce propose de superposer la scène d’un débat qui suit le règlement de compte avec une remontée dans le temps sous forme de flashbacks qui remettent les choix de chacun en perspective.

L’idéalisme de l’un le pousse à l’engagement tandis que la réussite professionnelle et matérielle de l’autre le conduit à l’immobilisme, à défendre pour son épouse le confort qu’ils ont acquis. Chacun veut le bien de ses proches, l’un par la sécurité du foyer, l’autre par la sécurité du pays. Les liens amicaux sont rendus plus complexes encore par les choix sentimentaux qui ont dessine les deux couples tels qu’ils sont.

Jean-Baptiste Artigas, Pierre Boucard, Barbara Castin et Christel Pourchet donnent tout leur relief à ce quatuor tragique, et à l’imbroglio émotionnel qui se trame en leur cœur et qui rend chaque choix difficile.

Une pièce riche

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C’est un choix audacieux que fait The Big Cat Company en exhumant cette pièce d’Armand Salacrou, auteur dramatique résistant pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette pièce qui date de 1946 surprend par la réflexion qu’elle mène : la Libération donne peu la parole à ceux qui ont choisi d’attendre et exhorte plutôt ceux qui ont risqué ou sacrifié leur vie pour libérer la France.

La pièce d’Armand Salacrou remet chaque individu en face du choix qu’il fait, celui d’agir ou de ne pas agir, mais il brise le manichéisme dans son approche du sujet, et c’est bien ce qui apporte sa profondeur à cette pièce de théâtre Les Nuits de la colère.

La mise en scène de Pierre Boucard rend au sujet une dimension intemporelle intéressante et nous met nous — le public — à la place de ces individus et de leur choix. Les Nuits de la colère, c’est une belle façon de réinterroger les individus que nous sommes à l’aune des choix à faire, à l’aune des décisions à prendre.

En savoir plus :

Morgane P.