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Sorcières. La puissance invaincue des femmes de Mona CHOLLET image livre

[Critique] “Sorcières. La puissance invaincue des femmes” (2018) de Mona Chollet

Dernière mise à jour : janvier 17th, 2020 at 05:26 pm

C’est une nouvelle fois la Journée internationale des droits des femmes en ce 8 mars 2019. A cette occasion, Bulles de Culture vous présente un ouvrage féministe qui analyse les mécanismes de défense des femmes à travers la figure de la sorcière. A travers préjugés, stéréotypes et représentations, ce Sorcières. La puissance invaincue des femmes de la journaliste Mona Chollet est l’occasion de reparler du monde guerrier et machiste dans lequel nous vivons. Avis et critique livre.

Synopsis :

Qu’elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos de leur autel orné de cristaux sur Instagram ou se rassemblent pour jeter des sorts à Donald Trump, les sorcières sont partout. Davantage encore que leurs aînées des années 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure. La sorcière est à la fois la victime absolue, celle pour qui on réclame justice, et la rebelle obstinée, insaisissable. Mais qui étaient au juste celles qui, dans l’Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie ? Quels types de femme ces siècles de terreur ont-ils censurés, éliminés, réprimés ?
Le livre Sorcières. La puissance invaincue des femmes en explore trois et examine ce qu’il en reste aujourd’hui, dans nos préjugés et nos représentations : la femme indépendante — puisque les veuves et les célibataires furent particulièrement visées ; la femme sans enfant — puisque l’époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité ; et la femme âgée – devenue, et restée depuis, un objet d’horreur.
Enfin, il sera aussi question de la vision du monde que la traque des sorcières a servi à promouvoir, du rapport guerrier qui s’est développé alors tant à l’égard des femmes que de la nature : une double malédiction qui reste à lever.

Sorcières. La puissance invaincue des femmes : la suite logique de Mona Chollet

Mona Chollet photo écrivain
Mona Chollet
© Mathieu Zazzo

Les éditions La Découverte ont une nouvelle fois eu la confiance de Mona Chollet pour son nouvel essai. Journaliste au Monde diplomatique, Mona Chollet est notamment l’autrice de Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine (qui analysait déjà comment les médias promouvaient une seule vision de la femme) et de Chez soi. Une odyssée de l’espace domestique (en collection Zones, 2012 et 2015). Sorcières. La puissance invaincue des femmes, c’est le titre du petit dernier né de sa plume. Pourquoi ? Car la sorcière attire depuis toujours tous les fantasmes et toutes les répulsions. Deux sentiments contradictoires forcément intéressants à analyser.

Le retour de la sorcière : un stigmate renversé

La malédiction des sorcières a-t-elle disparu ? Non et c’est plutôt jubilatoire diront les mouvements féministes. Mona Chollet écrit dans Sorcières. La puissance invaincue des femmes qu’elle incarne la femme libérée par excellence, sans aucune barrière autour d’elle. En ce sens, cette réhabilitation est donc plutôt réjouissante et font redescendre les femmes sur la place publique avec des armes liées aux sorcières (esprit éclairé, corps séducteur, corps difforme…). La femme reste le diable mais aujourd’hui, elle renverse le stigmate. Celui assigné depuis que les sorcières étaient des guérisseuses, des femmes vers qui le peuple pouvait se tourner. En a découlé un discours agressif et violent envers la femme. Le but du livre est clair : renverser l’ordre symbolique et un mode de connaissance qui se sont construits contre la gente féminine.

“Sorcière, tu es et sorcière, tu resteras”, dit le capitalisme

Les premiers chapitres de Sorcières. La puissance invaincue des femmes reprennent les éléments connus de sorcières crépusculaires (Blanche Neige et les Sept Nains, Le Magicien d’Oz, Les 101 Dalmatiens, …) mais surtout une grande documentation sur les procès en sorcellerie, avec une attention particulière sur tout ce que cela a préparé — l’écrasement du féminin par le capitalisme avant de faire marche arrière pour vendre des crèmes de beauté. Les chapitres suivants sont consacrés aux choix personnels stigmatisés (pas de désir d’enfant, l’envie de ne pas être considéré comme “une vieille peau”…). Le plein emploi, la réduction des inégalités, l’importance de montrer qu’on est mariée et les questions liées à la dimension de genre sont les thématiques qui reviennent très souvent, comme quoi tout est lié ! La sorcière moderne, aventurière et concentrée sur ses intérêts, provoque toujours autant méfiance et quolibets. 

Ce qui est fascinant avec pareille aventure littéraire est de voir à quel point tout est devenu insidieux et comme le capitalisme a bien joué son coup… tout en reprenant les mêmes recettes de stigmatisation pour ensuite amener la femme, devenue indépendante financièrement, à consommer des fioles et des pots modernes : les fameuses crèmes anti-âge. Faudrait pas que ces messieurs se farcissent quelques rides dans leur lit !

Et si le monde était encore trop peu préoccupé de politiques nécessaires et efficaces à une échéance plus compatible avec les besoins sociaux et les envies des femmes ? Sorcières. La puissance invaincue des femmes, imposant essai de 220 pages de lecture pure, se termine par un chapitre intitulé Mettre ce monde cul par-dessus terre.

En savoir plus :

  • Sorcières. La puissance invaincue des femmes, Mona Chollet, éditions La Découverte, 13 septembre 2018, 240 pages, disponible en version papier pour 18€ et en version numérique pour 12,99€
  • Prix de l’essai Psychologies-Fnac 2019
Luigi Lattuca
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