Sur Bulles de Culture, art, cinéma, littérature, musique, spectacles, télévision... chaque jour, la culture sort de sa bulle.
La mer photo
© Christophe Raynaud de Lage

La Mer (2016) par Alain Françon, Edward Bond à la Comédie Française

Dernière mise à jour : juin 18th, 2019 at 01:42 pm

La mer photo
© Christophe Raynaud de Lage

La Comédie Française fait entrer à son répertoire la pièce moderne La Mer d’Edward Bond avec une mise en scène d’Alain Françon. Audace et réussite pour ce spectacle qui est proposé jusqu’au 15 juin 2016. Coup de cœur pour Bulles de Culture.
   

Synopsis :

Une tempête phénoménale emporte Colin, un jeune homme admiré de tous qui devait se marier avec Rose (Adeline d’Hermy), la nièce de Mrs Rafi (Cécile Brune), femme la plus influente de la ville côtière de Suffolk. Ce drame va bouleverser le système établi de cette bourgade. Le meilleur ami du défunt, Willy (Jérémy Lopez) reste durant l’enquête. Il va notamment rencontrer Evens (Laurent Stocker), un homme solitaire vivant dans une cabane sur la plage sans aucune compassion pour les autres, ou bien Hatch (Hervé Pierre), garde-côte volontaire et marchand de tissus fou. 

 

Mon nom est Bond – Edward Bond

La mer photo
© Christophe Raynaud de Lage

  Cet auteur anglais peu connu en France est né en 1934 à Londres sous les bombes de la seconde guerre mondiale. Il écrit en 1965 la pièce Sauvés qui a eu un énorme retentissement international, notamment du fait que l’oeuvre s’affranchissait de la censure théâtrale encore en vigueur en Grande-Bretagne. Très prolifique, il écrit de grandes fresques destinées à être montées dans les grands théâtres londoniens, comme pour La Mer présentée pour la première fois au Royal Court Theatre en 1973. En France, l’auteur est surtout connu grâce au metteur en scène Alain Françon qui, par l’intermédiaire de sa compagnie Le Théâtre des nuages, a adapté plusieurs de ses pièces. C’est en toute logique qu’on retrouve ce dernier à la direction de cette production de La Mer pour la Comédie Française. 

Changement des moeurs

La Mer plonge d’emblée le spectateur dans une perte sensorielle. La scène d’ouverture dépeint le naufrage d’un bateau dans une obscurité lancinante. On y distingue à peine les comédiens qui sont noyés dans un noir presque angoissant, rompu par la clarté de fines lampes.Puis, le rideau se ferme laissant un projecteur envoyé sur celui-ci des images d’une houle agitée. Cet effet s’estompe au moment de la troisième scène lorsqu’on se retrouve au milieu d’un magasin de tissus au coté de Mrs Rafi, femme de poigne et sans vergogne. 

La mer photo
© Christophe Raynaud de Lage

  Tout au long de la pièce, la dramaturgie n’aura de cesse de flirter avec ce changement d’ambiance, entre noirceur et rire. En effet, on sent que se déroule devant nos yeux le temps de la rupture sociale. Le règne tout puissant de la bourgeoisie, incarnée par Mrs Rafi, va peu à peu laisser sa place au prolétariat. Le machinisme prenant de plus en plus de pouvoir, l’époque attend sagement l’avènement de la première guerre mondiale. Or, Edward Bond dépeint avec brio ce changement de dogmatisme, assuré par une écriture simple mais efficace. Le dramaturge évite les enchainements d’actions grandiloquentes, préférant se concentrer sur l’atmosphère et le travail sur ses personnages. En cela, on retrouve le style d’écriture très british qui a notamment inspiré Julian Fellowes dans sa série Downton Abbey (2010).  Les personnages sont incarnés avec force par des acteurs de talent. En premier lieu, Cécile Brune tient complètement la barre avec une interprétation de caractère. Son charisme est indéniablement l’un des aspect le plus positif de la pièce. Mais ils sont nombreux à se dépasser dans leurs prestations. Entre autre, coup de passion pour le second degré de Coraly Zahonero en femme docile et soumise. 

Une relation efficace entre drame et comédie

La mer photo
© Christophe Raynaud de Lage

La Mer joue également sur cette relation efficace entre drame et comédie. Alors que cette ville endeuillée est le témoin d’horreurs, on hurle de rire notamment lors de la scène de l’enterrement où l’ensemble des habitants chantent ardemment l’hymne des marins, Eternal Father. La Mer est également dans la lignée des grandes productions de la Comédie Française en proposant des décors impressionnants, qui se changent en un rien de temps. On se retrouve tour à tour au bord de mer, dans une luxueuse demeure bourgeoise ou encore dans un magasin de tissus.  Cette nouvelle production La Mer est une totale réussite. Elle permet à l’institution d’apporter une plus-value à une pièce issue du théâtre moderne, tout en lui apportant le côté prestigieux qu’elle accorde habituellement aux classiques. Bravo !  

En savoir plus :

  • La mer, d’Edward Bond, mise en scène par Alain Françon à La Comédie Française jusqu’au 15 juin 2016.  
Antoine Corte

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.