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La guerre des métaux rares - La face cachée de la transition énergétique de Guillaume Pitron image couverture livre

Critique / “La guerre des métaux rares” (2018) de Guillaume Pitron

Dernière mise à jour : août 2nd, 2020 at 12:05 am

Guillaume Pitron a signé, avec La guerre des métaux rares : la face cachée de la transition énergétique et numérique, son premier ouvrage. L’auteur et géopoliticien a accompagné la sortie de celui-ci de conférences intitulées “Quels enjeux  énergétiques pour notre société numérique ?”. La critique et l’avis livre de Bulles de Culture. 

Cet article vous est proposé par un rédacteur-invité, le chroniqueur Chris L..

Synopsis :

En nous émancipant des énergies fossiles, nous sombrons en réalité dans une nouvelle dépendance : celle aux métaux rares. Graphite, cobalt, indium, platinoïdes, tungstène, terres rares… ces ressources sont devenues indispensables à notre nouvelle société écologique (voitures électriques, éoliennes, panneaux solaires) et numérique — elles se nichent dans nos smartphones, nos ordinateurs, tablettes et autre objets connectés de notre quotidien. Or les coûts environnementaux, économiques et géopolitiques de cette dépendance pourraient se révéler encore plus dramatiques que ceux qui nous lient au pétrole.

Journaliste et réalisateur, Guillaume Pitron parle avec passion et conviction d’un sujet qu’il maîtrise parfaitement. Il s’agit d’une enquête fouillée, détaillée et très longue, avec six ans de rencontres de nombreux hommes-clés et de voyages au sein de territoires jalousement gardés, ceux des terres rares. Traitant de ce sujet depuis plus de dix ans, Guillaume Pitron en est devenu un spécialiste reconnu.

Vanadium, rhénium, niobium, tantale… la guerre des métaux rares

Après l’ère du charbon puis celle du pétrole, le XXIe siècle devrait être le règne des technologies vertes. Mais pour cela, il faudra bien exploiter de nouvelles ressources, annonce Guillaume Pitron dans son livre La guerre des métaux rares : la face cachée de la transition énergétique et numérique. Aux noms énigmatiques comme vanadium, rhénium, niobium, tantale… ces précieux minerais sont dotées de fantastiques propriétés et sont si rares qu’il faut extraire plusieurs tonnes de roches pour en obtenir ne serait-ce que quelques centaines de grammes. Sensés produire plus d’énergie que le charbon ou le pétrole après industrialisation, ils n’émettent donc pas de CO2. Advint ainsi l’ère du « capitalisme vert » (éoliennes, panneaux solaires, batteries électriques..) et celle des pollutions indirectes.

En effet, d’une part, cette énergie dite “renouvelable” consomme en fait des ressources “non renouvelables” et polluantes. D’autre part, elle nécessite le recyclage de pièces usagées. Le démantèlement de ces produits « verts » est donc, autant que peut se faire, réalisé dans des pays prêts à tout accepter pour survivre, quitte à être « volontaires » pour être pollués. Enfin, pour obtenir ces précieuses ressources, il faut détruire encore toujours plus d’écorce terrestre avec des conditions d’extraction qui n’ont absolument rien d’écologiques mais sont plutôt la cause de pollutions gigantesques et émises loin de l’Occident, essentiellement en Chine.

Les puissances occidentales plus dépendantes que la Chine

En voulant se donner une bonne conscience écologique, les puissances occidentales sont  devenues encore plus dépendantes de la Chine, nous explique donc Guillaume Pitron dans son livre La guerre des métaux rares : la face cachée de la transition énergétique et numérique. De broyeurs de minéraux dans des terres reculées, pollueurs et aux métiers sans valeur ajoutée, les chinois ont su inverser progressivement le mécanisme. Désormais, outre l’extraction et le traitement des minéraux, elle réalise des produits finis beaucoup plus lucratifs avec une montée en gamme des métiers.

Ainsi, aujourd’hui, quatre batteries électriques sur cinq proviennent de l’ancien Empire Céleste. Les États-Unis ont même abandonné une partie de leur indépendance stratégique militaire sur ce plan-là. Leur avion furtif est ainsi devenu dépendant de la bonne volonté chinoise pour l’équiper des indispensables minerais qui le rendent invisible aux radars. De même, la Chine domine la production de supers aimants. Elle est d’ailleurs présente en Afrique, en Australie, au Canada, partout où il y a une terre rare à exploiter. Les chinois prévoient d’ailleurs la gestion à terme de leurs propres ressources.

La guerre des métaux rares : la face cachée de la transition énergétique et numérique : un livre riche en informations et en ressources

Des enjeux stratégiques mondiaux, des conflits latents et larvés et une guerre commerciale exacerbée entre les États-Unis et la Chine sous-tendent La guerre des métaux rares : la face cachée de la transition énergétique et numérique, un livre riche en informations et en surprises. Une bonne manière de remettre en question des certitudes et d’égratigner certains épidermes sensibles. Extraire toujours plus pour obtenir des minéraux, qui se raréfient de plus en plus, pour permettre à chacun de pouvoir continuer à utiliser les smartphones, envoyer des mails ou conduire des voitures électriques, tel est l’un des enjeux du XXIe siècle.

La guerre des métaux rares : la face cachée de la transition énergétique et numérique permet de se poser des questions, de partager certaines inquiétudes et d’être un excellent outil de réflexion. Cette enquête a d’ailleurs fait l’objet d’un documentaire, Le côté obscur des énergies vertes (2019) de Guillaume Pitron et Jean-Louis Pérez, qui devrait être diffusé à la télévision sur ARTE et compléter utilement cet excellent livre.       

En savoir plus :

  • La guerre des métaux rares : la face cachée de la transition énergétique et numérique, Guillaume Pitron, éditions Les Liens qui Libèrent [LLL], 10 janvier 2018, 296 pages, à partir de 7.90 euros
Bulles de Culture - Les rédacteur.rice.s invité.e.s

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