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[INTERVIEWS] “Un Village français” saison 6, la libération des instincts

Dernière mise à jour : juin 9th, 2020 at 01:33 pm

“Et maintenant, on fait quoi  ?”

 

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© Laurent DENIS

 

Bulles de Culture :  Le personnage de Suzanne dit dans le dernier épisode de la saison 6…

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Bulles de Culture :  Le personnage de Suzanne dit dans le dernier épisode de la saison 6 : “Et maintenant, on fait quoi ?”

Constance Dollé : Oui, c’est comme Le personnage de Marie Germain, on sent que quand la guerre va s’arrêter, il ne saura pas où se jeter à corps perdu. Il y a des personnes qui ont besoin d’agir de manière totale. Elle dit clairement à Raymond Schwartz [NDLR : son amant entrepreneur et résistant interprété par Thierry Godard] : “L’après-guerre me fait peur”. Je pense que Suzanne quand elle dit à Anselme [NDLR : un paysan résistant interprété par Bernard Blancan] “Et maintenant, on fait quoi ?”, c’est que quand vous avez des choses qui peuvent paraître fades en terme de choix, ce sont certainement des personnages qui ont des périodes de grande dépression.

Martin Loizillon : Et puis surtout comme ils se battent pour un idéal, ils commence à idéaliser les situations et puis d’un seul coup, ils se retrouvent avec la situation qu’ils attendaient, quoi. Il y a par exemple cette scène avec Suzanne où Antoine dit :“j’ai l’impression que je vais me réveiller avec mes copains du maquis”. Et Suzanne dit : “J’ai l’impression que Marcel va sortir de prison”. Finalement, c’est la Libération mais ils ne pensent qu’à ce qu’il s’est passé avant alors qu’ils sont sensés penser déjà à l’avenir. Mais c’est déjà pourri comme situation avec l’histoire du procès car ils se retrouvent dans la même situation que ceux qu’ils ont combattu. Ils sont démunis parce qu’ils deviennent ce qu’ils détestaient et ce qu’ils combattaient.

Constance Dollé : On est une caution morale. C’est ça qui est atroce, on est complètement instrumentalisé pour signer un blanc-seing. C’est ce sentiment de trahison de soi à soi qui a donné beaucoup de suicides. Pour certaines personnes, la compromission est insupportable et vivre au quotidien est un compromis permanent. La guerre, elle permet au moins d’être très tranché.

Martin Loizillon : Encore une fois, ils sont victimes d’un système. Pendant le procès où Beriot demande de truquer le verdict, il n’y a aucune solution. Que peut faire Antoine ? Il s’en va, la situation est la même et les accusés meurent. S’il reste, il est complice des les avoir tués. C’est infernal.

Constance Dollé : Ce que je trouve particulièrement bien réussi, c’est que Frédéric Krivine a parlé de la Libération pas du tout du côté de la joie populaire, de la liesse, etc. mais du côté de la libération des instincts. Or, les instincts, même chez les héros qui ont eu autant d’années de frustration, quand on leur dit tout à coup qu’on va rentrer dans un état de droit, ils ne peuvent pas redevenir tout à coup un homme juste, équitable et mesuré après avoir vu tous ces actes insupportables comme les Miliciens tuer des enfants. C’est impossible. Qu’est-ce qu’on fait avec cette émotion-là (la vengeance) après avoir vu ces atrocités ? Qu’est-ce qu’on fait avec ce sentiment de violence ? Comment on le recycle ? Cela demande aux gens de se re-domestiquer, de passer de l’état animal – parfois nécessaire car sinon on crève – à l’état d’homme “civilisé”.

Jean-Christophe Nurbel

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