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leur âme au diable

Critique / “Leur âme au diable ” (2021) de Marie Ledun

Marin Ledun est  un spécialiste des polars illustrant des luttes sociales. Il accède à la notoriété  en publiant il y a dix ans Les visages écrases sur le thème de la souffrance au travail chez France Telecom  Apres 5 ans de préparation, il publie en mars 2021 Leur âme au diable une mise en cause  de l’industrie du tabac, décrivant  la manipulation des consommateurs, de la science et des pouvoirs publics, pour vendre toujours plus de cigarettes. La critique et l’avis sur le livre

Cet article vous est proposé par un rédacteur-invité, le chroniqueur Gilles M..

Synopsis :

Le  28 juillet 1986, deux camions citernes  remplis d’ammoniac liquide destiné à une usine de cigarettes sont volés.  Bilan : 24 000 litres envolés, sept cadavres, une jeune femme disparue.
Les policiers Nora et Brun démarre une longue  recherche des  assassins. Ils vont découvrir que ceux-ci sont liés à la défense de l’intérêt des industries du tabac par tous les moyens  et en particulier d’European G.Tobacco.  La traque commence.  Leurs cibles : David Bartels, le lobbyiste mégalomane qui intrigue pour corrompre  politiques et hauts fonctionnaires, Anton Muller, son homme de main, exécuteur des basses œuvres. Sophie Calder, proxénète à la tête d’une société d’évènementiel sportif.  La guerre sera totale.

Des enquêteurs résolus menant une traque pendant plus de 20 ans.

Leur enquête  donne son  fil  directeur du roman. Les deux policiers, qui ne se  rencontreront qu’à la fin du roman,  vont chacun enquêter de façon quasi obsessionnelle,   d’abord pour élucider le braquage initial meurtrier, puis pour  prouver  les nombreuses actions illégales.

Le lecteur bénéficie ainsi du privilège d’être tantôt du côté des méchants et tantôt du côté des enquêteurs pour un éclairage total sur ce monde criminel.  Simon Nora, de la brigade financière remonte inlassablement  les pistes une à une.  Il explore   les cabinets de consulting parisiens,  les lieux parisiens du pouvoir, l’administration européenne à  Bruxelles, et même le Monténégro qui héberge l’organisation  d’une contrebande organisée par les  grandes sociétés de tabac elles-mêmes. Il pose des questions et trouve des alliés pour comprendre, traquer, identifier et arrêter.

Patrick Brun, cherche-lui à élucider la disparition de l’ex petite amie d’un des chauffeurs tues lors du braquage. A force de la poursuivre, l’enquêteur développera une attirance malsaine pour elle qui finira par provoquer sa perte.

Des méchants à la limite de la caricature

Au fil des pages, des hommes politiques réels, des stars du sport apparaissent mais la plupart des personnages sont  fictifs. Du coté des méchants, le lecteur fait connaissance avec David Bartels, énarque brillant et sans scrupule, ancien d’un cabinet ministériel, séducteur, génie du marketing passé au service du lobby du tabac, « Mon métier consiste à falsifier, manipuler, abuser, tricher, corrompre pour vendre le plus de cigarettes possibles et m’enrichir ».

Il entretient des relations de confiance avec Anton Muller, 1 mètre 85, 90 kilos, brutal, sans émotions, une machine à tuer. Dans ce microcosme peu recommandable gravite aussi  Sophie Calder, spécialisée dans l’événementiel sportif, à la tête d’une escouade de prostituées. Les leviers pour s’opposer à tous ceux qui voudraient freiner les ventes de cigarettes sont bien identifiés : les prostituées, les hommes de mains, la corruption. Il s’agit de manœuvrer pour contrôler les recherches scientifiques susceptibles d’établir les dangers du tabac, d’influencer les décideurs politiques et retarder au maximum les règlementations sanitaires trop strictes.

Marin Ledun déploie un  style efficace

Les scènes d’action s’enchainent sans temps mort. Les phrases sont courtes, sans fioritures.  Les dialogues sont privilégiés. Le rythme est haletant et l’intrigue foisonnante. La description au début du roman du braquage spectaculaire à Harfleur particulièrement violent  donne le ton de l’ouvrage. On devine la colère de l’auteur qui nous maintient sous pression le long des 600 pages.

Son livre très documenté met en perspectives l’histoire d’une industrie qui, au nom des intérêts économiques  dans un marché débridé, a vendu son âme au diable

En savoir plus :

  • Leur âme au diable, Marie Ledun, Gallimard, mars 2021, 608 pages, 20 euros
Bulles de Culture - Les rédacteur.rice.s invité.e.s

Un commentaire

  1. Très belle chronique, merci ! Je viens également d’achever ce roman qui m’a impressionné par son ambition, sa documentation, son style épuré tout à fait raccord avec le sujet traité, la nicotine et les émotions associées, speed, dépendance et toutes ces nuits s’achevant à l’aube, la voix enrouée à force d’enchaîner les clopes… Et tant pis si les personnages ne sont guère sympathiques (à part peut-être Muller ou Valentina, le tueur et la maquerelle, un comble un peu renversant…), je recommande !

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