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Les évasions particulières critique avis

Critique / “Les évasions particulières” (2020) de Véronique Olmi

Dernière mise à jour : mars 8th, 2021 at 12:33 am

L’auteure Véronique Olmi avait ému de nombreux lecteurs et lectrices en 2017 avec l’histoire de Bakhita la petite esclave soudanaise échappée à sa condition. Toujours attachée à la description sensible de personnages féminins, elle fait paraitre pour cette rentrée littéraire 2020 d’automne Les évasions particulières. La critique livre et l’avis sur ce roman.

Cet article vous est proposé par un rédacteur-invité, le chroniqueur Gilles M..

Synopsis :

C’est donc à la tranche de vie de trois sœurs qu’elle nous propose de nous intéresser entre les années 1970 et 1981. Au début du récit, Sabine, l’ainée a 14 ans, Hélène 11 ans et Mariette la petite dernière 3 ans habitent chez leurs parents à Aix en Provence. Hélène a déjà un pied à Paris séjournant pendant les vacances chez une tante rendue plus fortunée par son mariage avec un industriel parisien. Sabine attirée par les lumières de la ville la rejoindra et par la suite. L’action se déroule donc  à Paris et à Aix en Provence où est restée Mariette.
On devine qu’en passant de Bahkita à cette  famille provinciale, l’auteure se rapproche davantage de sa propre histoire sans revendiquer une claire autobiographie. Née en 1962 à Nice, donc âgée de 8 ans en 1970, auteure  de théâtre, comédienne, elle est probablement proche de Sabine, l’apprentie à la fois comédienne et écrivaine du livre. Mais  on peut aussi imaginer qu’elle a mis un peu de sa propre histoire dans ces trois sœurs et leurs parents.

Histoires intimes et histoire de France

Les onze années du récit du livre Les évasions particulières sont rythmées par les évènements politiques.  Le roman nous fait revivre par exemple la mort de Georges Pompidou, les manifestations pour laisser le Larzac aux paysans, l’attentat de la rue Copernic et à la fin du roman l’élection de François Mitterrand.

Les jeunes femmes adoptent les convictions politiques post soixante-huitardes de l’époque. Sabine lit et approuve les contenus anti capitalistiques du journal libération et la sensible Hélène milite pour la protection des animaux.

Les sœurs ne sont pas vraiment des militantes disciplinées et sont surtout animées par des émotions sincères. Leurs réactions à l’occasion de ces événements historiques nous permettent donc aussi de mieux les connaitre.

C’est aussi le cas des chansons ou de la musique qu’elles écoutent. Elles savent trouver l’air qui correspond à leurs états d’âme. Une occasion pour les oreilles des lecteurs de se souvenir de succès passés de David Bowie à Bob Dylan ou pour les plus jeunes l’occasion  de belles découvertes ! 

La grande affaire de l’amour

L’amour dans tous ses aspects est la grande affaire des sœurs.

Véronique Olmi excelle à décrire les périodes d’accablement lorsqu’elles se retrouvent solitaires loin de leur idéal mais aussi l’intensité des premières rencontres.

Par exemple, le récit de la rencontre entre Sabine et Mathieu alors que, côte à côte, par hasard, ils assistent à une représentation d’une pièce de Kantor au théâtre de Chaillot est intense et émouvant. Le récit de la rencontre commence par l’enthousiasme et la sidération de Sabine devant un spectacle qui lui rappelle son enfance perdue à Aix  : « Sabine recevait en plein cœur l’accusation : chacun de nous est coupable d’avoir assassiné son enfance ».

La sidération de Sabine ne l’empêche pas de considérer son  voisin, un garçon avec  qui, écrit Véronique Olmi , «elle avait respiré au rythme de ses émotions. C’était un partage invisible et ardent».

En quelques lignes, l’auteure réussit un hommage vibrant au théâtre et à l’amour !

Les relations avec les hommes ne sont pas simples cependant. Le jeune homme parfait à la fois bon amant, complice, disponible, capable de satisfaire à tous les idéaux fantasmés peine à exister  et chacune des jeunes femmes doit s’inventer un destin amoureux original, particulier, y compris Mariette la plus jeune sœur qui bénéficie à 14 ans à Aix de plus d’autonomie que ses ainées.

Les évasions particulières : une écriture subtile

Ne vous attendez pas à du noir ou du blanc et des avis tranchés. Il n’y a pas de caricature dans la description des personnages. Au contraire, l’auteure fouille leurs états d’âme en profondeur.  Les confidences entre sœurs sont l’occasion de  faire des points sur leur parcours de vie, leurs rêves avec sincérité.

Les passages du roman Les évasions particulières ou à l’occasion d’une marche dans Paris, d’une rencontre, nos héroïnes trouvent un répit, une harmonie, de la beauté, apportent une respiration dans le fracas du monde.

Le reste de la famille autour des trois sœurs va aussi devoir faire face aussi à une remise en cause de leurs certitudes. On pense en particulier aux parents ancrés dans leurs croyances religieuses et confrontés aux changements de l’époque mais aussi à des nouveaux désirs et des drames  intimes.

Il y a donc une grande richesse des sentiments dans ce livre. On pourrait y voir un récit de libération des filles de l’emprise familiale mais cela serait trop simple. C’est pourquoi probablement l’auteure préfère dès son titre parler d’évasions et de d’indiquer que chaque évasion est particulière.

En savoir plus  :

  • Les évasions particulières, Véronique Olmi, Editions Albin Michel, août 2020, 512 pages, 21.90 euros
Bulles de Culture - Les rédacteur.rice.s invité.e.s

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