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HILLBILLY ELEGY: (L to R) Glenn Close ("Mamaw”), Amy Adams (“Bev”).
Photo Cr. Lacey Terrell/NETFLIX © 2020

Critique / “Une Ode américaine” (2020) de Ron Howard : un mélo agréable déjà vu sur fond de politique

Une Ode américaine, le nouveau film de Ron Howard est disponible sur Netflix depuis le 24 novembre dernier. Glenn Close et Amy Adams tiennent la tête d’affiche de ce drame familial tiré d’une histoire vraie qui revient sur l’ascension sociale d’un étudiant en droit, né dans une famille pauvre et dysfonctionnelle. La critique et l’avis de Bulles de Culture. 

Synopsis :

Quand J.D. Vance (Gabriel Basso), un ancien Marine originaire du sud de l’Ohio, est sur le point de décrocher un poste dans un grand cabinet d’avocat, l’hospitalisation de sa mère, addict à l’héroïne, l’oblige à se rendre à son chevet. Le jeune juriste replonge dans une enfance qu’il a tenté d’oublier. Au sein d’une famille ouvrière pauvre et promis à une destinée peu reluisante, c’est grâce à sa grand-mère, Mamaw (Glenn Close), personnage caractériel et pugnace, que l’adolescent arrive à se créer un avenir.   

Une Ode américaine, nouveau film d’un Ron Howard mal aimé

HILLBILLY ELEGY/ Une Ode américaine (2020) Director Ron Howard and Producer Brian Grazer on the set of Hillbilly Elegy.
Cr. Lacey Terrell/NETFLIX

Icône mainstream de la télévision des années 70 en interprétant durant 10 ans le rôle de Richie Cunningham dans la série Happy Days, Ron Howard est devenu ensuite un grand réalisateur s’aventurant dans de multiples registres : le film spatial de catastrophe avec Apollo 13, le pamphlet politique Frost/ Nixon, l’heure de vérité, la bataille sportive et médiatique entre les écuries McLaren et Ferrari dans Rush

Toujours plus aimé par le public que les critiques, l’artiste s’est pris une déferlante d’avis négatifs pour  Da Vinci Code en ouverture du Festival de Cannes de 2006, ce qui ne l’a pas empêché de continuer à adapter les livres suivants de Dan Brown, Anges et Démons et Inferno, toujours avec Tom Hanks dans le rôle phare du professeur Robert Langdon. 

Autre revers, l’accueil de Solo : A Star Wars Story qui, en plus d’un accueil box office très mitigé, est considéré par les fans de la saga comme le plus mauvais Star Wars. Les recettes décevantes du spin off ont d’ailleurs poussé Disney à stopper, du moins pour un moment, la production de films dérivés autour de la saga spatiale, histoire de laisser respirer un peu le produit. 

Pour ne pas déroger à la règle, Une Ode américaine, proposé au cinéma aux Etats-Unis, s’est vu rabroué par les journalistes cinéma qui n’ont pas été tendre avec le long métrage et son réalisateur. Le Los Angeles Time considère que le film est “dénué de toute fonction politique significative. C’est juste un long montage d’un clip pour les Oscars à la recherche d’une ambition plus large. Une litanie d’art dramatique sur des portes qui claquent, des enfants giflés et des maris qui s’immolent”. Variety renchérit en le qualifiant de “boisson excessive, de violence domestique, de suicide, de méchanceté générale”. De même, la prestigieuse Associated Press qualifiant l’oeuvre de Ron Howard comme “bourré d’empathie mais sans vision plus large”.

Un film inévitablement politique

HILLBILLY ELEGY/ Une Ode américaine : (L to R) Haley Bennett ("Lindsay”), Glenn Close ("Mamaw”),Owen Asztalos ("Young J.D. Vance").
Photo Cr. Lacey Terrell/NETFLIX © 2020

Il faut dire que Une ode américaine arrive dans un contexte politique très tendu. L’opposition frontale et irréconciliable entre démocrates et républicains, qui fracture l’Amérique, rythme les actualités depuis l’élection très serrée de Joe Biden.

Or, le biopic de Ron Howard est lui-même l’adaptation de l’autobiographie Hillbilly Elegy de J.D Vance qui avait remué les Etats-Unis en 2016, juste avant l’élection de Donald Trump, en devenant un best seller.

Alors que l’Ohio était traditionnellement démocrate, la population de cet Etat, majoritairement ouvrière, a sombré peu à peu dans une pauvreté, la poussant à voter en réaction pour Donald Trump. Ce que les analystes appellent la Rust Belt, dite “la ceinture de rouille“, a fait basculer l’élection de 2016 et a contribuer à la victoire républicaine. 

Le livre de J.D Vance, immergeant notamment dans le dur quotidien de cette classe défavorisée, a été un témoignage percutant révélateur d’inégalité aux Etats-Unis. Le film se veut fidèle à l’œuvre d’origine en se faisant le porte parole d’une Amérique oubliée.

C’est alors qu’au gré du timing de sortie du film, Ron Howard, fervent démocrate, est obligé d’admettre, à son grand damne, que Une Ode américaine a une consonance politique. Cette classe moyenne de l’Ohio, les fameux Hillbilly (traduction “les bouseux”), crient à l’appropriation d’un combat que le réalisateur ne connait pas.

A l’inverse, les partisans de Joe Biden sont plutôt mal à l’aise à ce que l’abandon envers cette communauté en 2016 leur soit si grossièrement rappelé en cette fin de campagne. Une Ode américaine se voit donc nécessairement teinté de politique car reflet de deux castes, celle que le protagoniste a quittée contre celle qu’il essaye d’intégrer. 

Un mélo agréable mais déjà vu

HILLBILLY ELEGY/ Une Ode américaine : (L to R) Haley Bennett (“Lindsay”), Gabriel Basso (J.D. Vance), Amy Adams (“Bev”).
Photo Cr. Lacey Terrell/NETFLIX © 2020

D’un point de vue extérieur, il faut calmer le jeu. Une Ode américaine n’est ni plus, ni moins qu’un mélo familial assez classique sur une réussite hors norme, illustration du fameux american dream qui les américains aiment si souvent montrer. L’histoire de ce jeune est tout aussi méritante, que déjà vue au cinéma.  

Dans cette affre de misère, Ron Howard accentue la sucess story méritée de ce J.D. Vance en alternant séquences passé/présent. Cette perspective temporelle est une replongée douloureuse dans l’enfance du personnage principal qu’il souhaite oublier en tant qu’adulte. Il se fait notamment battre par sa mère lors d’une scène émouvante où il est obligé de se réfugier chez des inconnus pour qu’ils appellent la police.

Mais Une Ode américaine est aussi un hommage à une grand mère, ancienne femme battue, qui a décidé de casser la fatalité générationnelle pour envoyer son petit fils sur la voie de la réussite. 

Le rôle de Mamaw est une aubaine pour Glenn Close qui se transforme physiquement et qui a également l’occasion d’incarner une femme à poigne portant en elle des fêlures profondes. Il n’en fallait pas plus pour que la comédienne soit déjà sur la liste des pressenties aux Oscars. La pauvreté de l’offre cette année ainsi que l’absence de statuette pour l’actrice, passée 8 fois à côté, lui donne certainement un terrain favorable.

Cependant, il faut calmer les ardeurs car l’attribution effective de ce prix n’aura pas la saveur d’un grand cru. Une Ode américaine restera un long métrage agréable, mais qui n’a pas la finesse, ni la pertinence d’un Florida Project dans l’analyse d’une Amérique esseulée.   

En savoir plus :

  • Disponible sur Netflix depuis le 24 novembre 2020
  • Une Ode américaine de Ron Howard avec Glenn Close, Amy Adams et Gabriel Basso
Antoine Corte

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